
Réalisateurs : Jaume Balaguero et Paco Plaza
Année de Sortie : 2007
Origine : Espagne
Genre : Horreur
Durée : 1h18
Le Roy du Bis : 8/10
Thibaud Savignol : 8/10
Resident Evil
Le zombie de REC n’est pas celui du folklore vaudou et encore moins celui du mythe Romerien. Il y en a deux types dans ce film : celui que l’on voit et celui qu’on ne voit pas. Le premier est possédé par la rage primale et carnassière d’une entité démoniaque. Il est aussi plus véloce et agressif que le marcheur ambulant amateur de cervelles, tandis que le second reste avachi devant son écran de télévision, addict à la désinformation destiné à tromper l’ennui.
Un classique du Found footage
Toute la communication autour du film reposait sur les réactions horrifiées des spectateurs dans les salles obscures. Dans ces conditions, ce found footage prenant la forme d’un reportage télévisé paraîtra un peu plus passionnant qu’à l’accoutumée, dans l’attente du point de bascule horrifique redouté. Une brigade de pompiers est dépêchée pour contenir les crises d’hystérie d’une personne âgée. Les forces de l’ordre sont sur le pied de guerre mais l’intervention dérape en direct. Dans le feu de l’action la grand-mère vociférant comme un animal enragé est abattu, laissant le soin aux journalistes présents sur place de couvrir cette dramatique bavure policière. S’en suit la chute mortelle d’un sauveteur s’écrasant violemment sur le parvis du hall d’entrée. Ce n’est que le début d’une apocalypse contenu au cœur d’un immeuble cerné par les autorités.
Personne ne peut sortir ou entrer sans un laissez-passer sous peine d’être abattu sans sommation. Les résidents vont devoir mettre de côté les éternelles querelles de voisinage pour s’entre-aider afin d’en réchapper. Mais ils auront évidemment commis l’erreur communément fatale à tous les récits de survivants en temps d’épidémies, celle de n’avoir pas su contenir la contamination. La morsure restant le principal vecteur de propagation.
Les films de zombies sont donc de retour après une diète d’une bonne dizaine d’années. Le nouveau millénium marqué par les guerres, le terrorisme, les conflits et les luttes sociales était vraisemblablement le terreau idéal pour l’aider à rejaillir de l’enfer. Les cimetières sont en jachère, prêts à être ensemencés par de nouvelles victimes atteintes du SRAS, de la grippe aviaire ou de la connerie humaine. En réponse à la demande croissante du genre, Jaume Balaguero et Paco Plaza ont donc choisi la forme d’un Found footage afin de redéfinir le champ de l’horreur anthropophage, sans ménager le spectateur de gros effets de terreur. Le danger parait omniprésent, infatigable, fondant vers l’objectif en gueulant les yeux maculés de sang.

L’immeuble de la mort
REC répond à une logique de mode, celle des émissions de télé réalité et des reportages plus sensationnalistes que véritablement informatifs. Les journalistes s’investissent d’une mission qui n’a rien de franchement très altruiste : celle de la caméra témoin. Il leur faut donc filmer à tout prix, quitte à envahir l’intimité des gens et trahir leur confiance pour nous abreuver d’images chocs plus vraies que nature. A ce titre, le choix de caster l’animatrice télé Manuela Velasco pour en faire la principale interprète s’avère opportun tant il permet de mieux brouiller la frontière entre fiction et réalité.
Au-delà de cette peinture cynique des médias, le film est une bouffée revivifiante d’un genre qui peine depuis longtemps à se renouveler. Le dispositif de mise en scène nous immerge au plein cœur de cette pandémie mortelle, nous offrant quelques sueurs froides et sympathique moment de flippe. Dans l’héritage du cinéma fantastique ibérique, REC affiche tout un microcosme social, débordant sur des troubles et querelles de voisinages ou difficultés d’intégration. Ce portrait tout en finesse et subtilité tend à renforcer le climat hautement délétère, de défiance et de terreur dans l’immeuble. Le pays reste ainsi hanté par l’héritage du Franquisme, dont se nourrissent les films d’horreur afin d’en évacuer tous les traumatismes.
Contrairement à l’habituelle descente aux enfers du genre, il s’agit ici de remonter jusqu’aux origines d’un Mal tapi au cœur de l’appartement le plus haut du bâtiment, afin d’y trouver un refuge sécuritaire totalement illusoire, et de lever le voile sur le mystère entourant le fameux patient zéro. C’est dans cette atmosphère mortifère et viciée, où ne règne que la loi du silence, que les deux derniers survivants joueront à une partie cache-cache dans le noir avec la locataire. Toutes les informations relatives au Mal sont délivrées dans l’antre de la sorcière, à grand renfort de coupures presses et d’enregistrements audio ne laissant que peu de place à l’imagination. Comme souvent dans la culture ibérique, le spectre de la religion semble tenace.



