Réalisateurs : Alexandre Bustillo et Julien Maury
Année de Sortie : 2021
Origine : France / Belgique
Genre : Épouvante Sous-marine
Durée : 1h25
Le Roy du Bis : 7/10
Thibaud Savignol : 7/10
French Frayeur
Les réalisateurs de genre français tiennent souvent le même refrain : c’est compliqué de monter un projet en France. Ils ne sont pas aidés par la politique des auteurs et les aides exceptionnelles du CNC, qui n’accordent des fonds qu’aux films hybrides, véhiculant des thématiques sociales ou environnementales ancrées dans la réalité d’un quotidien assez terne (La Nuée, Grave). Il devient difficile d’aborder l’horreur, surtout lorsque le long-métrage en question ne repose que sur un high concept. Heureusement, Alexandre Bustillo et Julien Maury disposent d’une réputation dûment acquise sur le territoire, de leurs débuts prometteurs avec À l’intérieur et Livide qui seront distribués par les frères Weinstein sur le sol américain. Ces derniers tenteront d’ailleurs de leur confier la suite du remake de Halloween de Rob Zombie, avant que le projet ne leur passe finalement sous le nez, au même titre que le remake des Griffes de la Nuit et de Hellraiser. Finalement, ils se rabattront en 2017 sur une préquelle de Massacre à la Tronçonneuse intitulée Leatherface, dont le final cut et le résultat, très mitigé, leur auront échappés.
Les voilà donc revenus de leur pige aux Etats-Unis, le pays des opportunités mais où les réalisateurs jouissent rarement d’une liberté totale sur leur projet. Le duo de réalisateurs sera parvenu à obtenir un entre deux avec cette production française tournée en Belgique et en langue anglaise, fort d’une promesse alléchante naît de leurs fantasmes de cinéphiles, influencéd par les cauchemars Argentesque et Fulcien (Inferno, Frayeurs, L’Au-Delà). L’intérêt de The Deep House repose donc totalement sur le poids de son argument marketing : un film de maison hantée sous l’eau, dont le dispositif de mise en scène repose en grande partie sur les mécaniques du Found Footage.
Il est vrai que sans l’apport de ces séquences subaquatiques tournées dans un gigantesque bassin, le film n’aurait été qu’un simple et banal trip urbex voué à reproduire le même schéma du genre que les Grave Encounters, Gonjiam Haunted Asylum et Catacombes, ces derniers l’ayant déjà arpenté en long en large et en travers à grand renfort de fantômes et de jump-scares racoleurs. L’eau pourvoit toujours des environnements infiniment grands où l’Homme n’est réduit qu’à l’infiniment petit, et se retrouve être la proie des pires créatures et monstres tapis dans l’obscurité. Le film convoque un couple de youtubeurs motivés à explorer une maison enfouie au fond d’un lac du Sud de la France, filmant leur plongée grâce à un drone aquatique et des caméras embarquées qui vont leur permettre de varier les prises de vue. Mais la mystérieuse bâtisse va se refermer sur eux et livrer progressivement ses secrets. Il va leur falloir trouver rapidement la sortie avant que leur compteur d’oxygène ne s’égrène. Nous serons donc les témoins privilégiés d’étranges événements, prisonniers d’un décor anxiogène à l’atmosphère lugubre.
Au-delà de la peur générée par son histoire de crimes et de rites satanistes, le manque de visibilité et de lisibilité de l’espace apportent un réel inconfort à l’expérience, amenant le spectateur à se sentir plus vulnérable et sur le qui-vive permanent. La faible luminosité induit par ce tournage hors-norme sert également d’artifice puisqu’elle accentue la désorientation et nuit intentionnellement à la lisibilité de l’action. Mais elle n’empêche jamais la tension de s’accentuer à mesure de leur enfoncement dans les ténèbres de la vieille demeure, qui bénéficie d’ailleurs d’une direction artistique aux petits oignons. Chaque pièce visitée fourmille de props et d’objets servant d’indices à un escape game machiavélique, permettant de mieux mettre en lumière une sinistre histoire de malédiction, même si les plongeurs pourraient tout aussi bien être victimes d’hallucinations en raison du manque d’oxygène.
The Deep House contourne habilement la linéarité de son récit par une solide mise en scène qui mise tout sur son ambiance angoissante plutôt que sur le surgissement de sa famille de revenants occupant encore les lieux. Le film ne sera d’ailleurs jamais aussi bon que lorsque la menace relève de la pure abstraction et de notre imagination. Évidemment, le dernier quart d’heure se borne à reproduire les effets coutumiers d’une série B afin d’intensifier la peur panique de l’épouvante classique. Même s’il manque un peu de profondeur, l’effort de Bustillo et Maury se traduit comme un divertissement immersif et suffocant, ainsi qu’une véritable bouffée d’air frais dans un cinéma de genre français généralement engoncé dans les mêmes discours d’intégration et de problématiques sociales, auxquelles le fantastique ne sert souvent que d’argument et de prétexte. Profitez-en bien, parce que la naissance de cette maison hantée sous l’eau tient d’un pur miracle qui n’est pas prêt de se reproduire de si tôt.