Réalisateurs : Stefan Avalos et Lance Weiler
Année de Sortie : 1998
Origine : États-Unis
Genre : Faux Documentaire
Durée : 1h26
Le Roy du Bis : 4/10
Thibaud Savignol : 6/10
90′ Enquêtes
Difficile lors du visionnage de The Last Broadcast de ne pas penser au Projet Blair Witch avec son quatuor de jeunes branleurs/étudiants/travailleurs partis enquêter dans les bois sur le mystérieux Diable du New Jersey. Cette impression est notamment due à la forme, les réalisateurs utilisant les technologies numériques accessibles au grand public. Pourtant, bien que les films partagent des similitudes évidentes, notamment dans le choix du matériel filmique, les projets n’empruntent pas tout à fait la même direction. Bien qu’ils évoquent une fameuse vidéo retrouvée (Found-footage), Last Broadcast si situe plus dans le sillon du géniteur du genre, Cannibal Holocaust.
En effet, on y suit David Leigh, jeune réalisateur qui tente de mener à bien un documentaire sur le triple homicide survenu trois ans plus tôt en 1995. Pour cela il recoupe les sources : témoignages de proches, interviews des forces de l’ordre et même d’un psychiatre. Il cherche les réponses en amont, à rassembler toutes les informations possibles pour comprendre le drame en question. Dans ce sens, il se rapproche beaucoup plus de The Curse of Blair Witch que du Projet lui-même. Il n’est pas question ici de découvrir les dernières heures du quatuor avant les meurtres (bien que des extraits soient régulièrement projetés), mais réaliser une investigation complète et tenter de lever le mystère.
L’utilisation du caméscope et de produits dits «grand public» a pour but de légitimer le projet, de le rendre plus réaliste, comme ancré dans notre réalité. L’image 4/3 (format standard des télévisions jusqu’au début des années 2000), le rendu amateur, le filmage approximatif, tout ça tend vers plus de crédibilité. Il est toujours intéressant de remarquer que le raté de l’image (cadre, montage, qualité) est un gage de réalisme, comme si une image dite professionnelle se paraît forcément de mensonge. A l’instar de Ring sorti la même année, le film évoque une terreur tellement grande qu’elle serait imprimée sur la dernière bobine, et en deviendrait par conséquence dangereuse. Les nouvelles technologies commencent à imprégner le cinéma de genre, par la forme ou même les thématiques en cette fin de 20e siècle. Elles permettent de raconter toujours les mêmes histoires, mais sous un nouvel angle.
Le film de s’inscrire alors dans la longue tradition du film américain décrite par Jean-Baptiste Thoret dans son ouvrage culte qu’est 26 secondes, l’Amérique éclaboussé. Où depuis l’assassinat de JFK et son filmage, toutes les et analyses et interprétations se sont succédées afin de résoudre l’énigme insoluble. Les 26 secondes en question du film amateur de Zapruder ont été disséquées en long, en large et en travers afin de déchiffrer la vérité, de trouver l’élément clé dans l’image qui révélera un ultime secret, en vain. En a résulté un cinéma américain paranoïaque, combiné au scandale du Watergate, qui n’a cessé de rejouer ce meurtre, enregistré par l’image ou le son.
On peut citer des classiques tels que Conversation Secrète ou Blow Out, avec ses personnages principaux obsessifs, réécoutant sans cesse leurs enregistrements afin de dénicher la preuve imparable. The Last Broadcast rejoue ces même simulacres, notamment lorsqu’une technicienne de l’audiovisuel, qui a mis la main sur la dernière bobine du groupe aux rendus dégradés, annonce que l’ultime image à analyser exposera ce qui semble être la face du monstre, du tueur ou de la créature. Construit en entonnoir, tout le documentaire se dirige vers cet indice, preuve définitive conduisant à la vérité dans cette enquête.
Car Last Broadcast, bien que précurseur à bien des égards et film important pour tout amateur de found footage, est plus un gros brouillon foutraque qu’une œuvre totalement achevée. Preuve en sont les dix dernières minutes du métrage qui viennent foutre en l’air de manière assez incompréhensible tout le travail effectué jusqu’à là. Sorte de twist scénaristique doublement méta, on sent autant l’idée de petits génies plus malins que les autres qu’un manque de confiance dans un projet beaucoup plus suggestif que démonstratif. Ils n’ont pas osé aller au bout de leur idée, recourant dans les derniers instants à une forme classique et exposant ainsi leur métrage à une lecture beaucoup moins effrayante. Malgré un succès surprise en 1998 avec 4 millions de dollars de recettes pour un budget estimé à mille, le véritable basculement du genre se fera l’année suivante lors de la sortie du Projet Blair Witch, film définitif du found footage.