Réalisateur : George A. Romero
Année de Sortie : 1982
Origine : États-Unis
Genre : Horreur à Sketchs
Durée : 2h
Le Roy du Bis : 7/10
Thibaud Savignol : 6/10
Les Comptines du King
S’il y a bien un genre qu’il est bon de redécouvrir en période d’Halloween en se gavant de bonbons et de chocolats, c’est bien celui des films à sketches horrifiques. Probablement parce que ce courant se rapproche de l’idée que l’on se fait des petites comptines effrayantes, que l’on se raconte au coin d’un feu de camp ou d’une cheminée en faisant griller des Chamallows. Le concept se prêtait mieux au format d’une série, d’où le succès des Chair de Poule et Fais-moi peur sur Canal J lorsque nous étions enfants. Les Contes de la Crypte furent d’ailleurs développés en série TV et représentent probablement encore aujourd’hui le must en la matière. Le cinéma n’a pas attendu longtemps pour s’emparer de ce nouvel Eldorado. Histoires d’Outre-Tombe de la Amicus était déjà à l’époque une forme d’hommage appuyé aux magazines pulp et EC comics qui pullulaient durant les précédentes décennies. Un mouvement contre-culturel largement fustigé par les associations de parents, inquiets que ces BD puissent corrompre l’esprit des jeunes générations. Autre temps, autres mœurs.
D’une certaine façon, on pourrait presque leur donner raison tant ces récits auront abreuvés l’imaginaire de George Romero et Stephen King dans leurs œuvres. C’est d’ailleurs à eux que l’on doit ce recueil qui ouvrira la voie à pléthores d’autres cinéastes (Dario Argento, John Carpenter), désireux d’apporter leur pierre à l’édifice (Body Bags, Deux yeux Maléfiques) malgré le manque criant de moyens ou d’inspiration. En revanche, il s’agit ici d’une parfaite illustration de ce que cette catégorie peut produire de meilleur. Car si l’intérêt des segments varie selon son ordre d’affinité, aucun d’entre eux, aussi singulier soit-il, ne trahit l’ambiance macabre et décalée du film qui parvient à maintenir une véritable homogénéité, bien trop souvent la grande absente dans ce type de projets. Le fil narratif n’a peut-être rien d’original en soit, mais il permet néanmoins de souligner l’hypocrisie d’un père alcoolique qui flanque des raclées à son gamin comme s’il venait de découvrir un magazine de désaxé, alors que s’est pourtant bien le genre à planquer des numéros de Playboy dans un vieux tiroir à chaussettes ou bien sous une pile de vieux bottins.
On feuillette les pages à la volée, un peu comme on lierait un fanzine aux WC, sans qu’il n’y ait véritablement de lien entre chaque sketch, si ce n’est ces petites vignettes montées comme des cases de bande dessinée, parfaitement raccords avec les tons criards et l’humour noir décomplexé. Traditionnellement parlant, chaque chute ne peut aboutir qu’à l’incongruité d’une mort souvent absurde et méritée. En guise de hors d’œuvre, une fête des pères qui dégénère avec la visite d’outre-tombe d’un squelette ambulant qui veut se tailler une part du gâteau. S’ensuit le récit d’un fermier un peu simplet interprété par Stephen King qui croit avoir tiré le gros lot avec cette météorite tombée du ciel qui ne lui apportera qu’une pilosité un brin envahissante et carnassière. La vengeance sordide d’un cocu qui filme la noyade de ses victimes avant de se retrouver hanté par le couple d’amant qui lui feront subir le même châtiment. En troisième position, un mari aigri qui trouve dans une vieille caisse abandonnée l’occasion rêvée de se débarrasser enfin de sa vieille harpie de mégère qui ne suce pas que de la glace. Et enfin un propriétaire psychorigide qui se retrouve à devoir lutter contre une infestation de cafards bien plus voraces que des punaises de lits. Un peu comme Anne Hidalgo qui voit des rats grouiller partout dans le métro alors qu’elle n’y fout jamais les pieds.
Alors certes, pas de quoi souiller son lit la nuit ou se réveiller avec des sueurs froides, mais Creepshow dispose d’un fort capital sympathie auprès des éternels adolescents emplis de nostalgie et notamment grâce aux effets spéciaux confectionnés par Tom Savini. Évidemment, les séquences les plus réussies sont celles avec les revenants. On en attendait d’ailleurs pas moins de son réalisateur, qui a donné ses lettres de noblesse au genre et dont on retrouve un peu les relents satiriques sous forme de fabliau sur le capitalisme et les travers de l’être humain : le vieux grincheux compare les prolos à la vermine qu’il tente d’exterminer, l’avidité des héritiers qui n’en ont qu’après le magot d’un grabataire sénile, un cultivateur qui n’aspire qu’à la récompense induite par une découverte scientifique, etc… Soit une belle galerie de portrait stéréotypés dont les vices, penchants et caractères vont former le principal comburant de leur brasier.