[Critique] – Repo Men


Repo Men Affiche Film

Réalisateur : Miguel Sapochnik

Année de Sortie : 2010

Origine : États-Unis / Canada

Genre : Science-Fiction Sanglante

Durée : 1h59

Thibaud Savignol : 6/10


Le Cœur sur la main


Repo Men ne lésine pas, et déballe rapidement tout l’arsenal cyberpunk si cher au genre : la multinationale capitaliste avide de profits et dénuée de la moindre éthique, une société au bord du précipice où les plus pauvres luttent pour leur survie et une technologie futuriste à portée de main. N’oublions pas ces grands plans d’ensemble sur la ville, où la verticalité vient asseoir la domination des ultras-riches, où néons et publicités ne cessent de s’entremêler dans une débauche d’urbanisme surpeuplé. Le concept du film, où les transplantations d’organes synthétiques sont désormais l’apanage du groupe multi-milliardaire Union, pousse la logique libéraliste jusque dans ses derniers retranchements, chacun devant survivre par ses propres moyens. Pratiquées à des tarifs qui coûtent littéralement un rein, le patient lambda est certain d’être endetté à vie, en admettant qu’il parvienne déjà à survivre aux taux de remboursement digne d’un prêteur sur gages dans Harlem.

Repo Men Critique Film Cyberpunk Jude Law

Si le retard de paiement s’étend au-delà de trois mois, attendez-vous à recevoir la visite des Repo Men, ces agents chargés par l’Union de vous trouver puis de vous traquer jusqu’à mettre la main sur l’organe greffé. Autant dire que les chances de survie à l’opération sont assez faibles. Jake (Forest Whitaker) et Rémy (Jude Law) sont les meilleurs dans leur domaine. Ils enchaînent les contrats comme les chauffeurs Amazon enchaînent leur livraison, sans état d’âme, focus sur leur propre rentabilité. Mais lorsque Rémy se retrouve à son tour propriétaire d’un cœur artificiel suite à un raté, et que les trois mois de délais accordés pour rembourser sont dépassés, il va devenir à son tour la cible de l’Union. Une firme qui n’est étonnamment pas vraiment porté sur l’humain et ses employés.

Aujourd’hui sacrément oublié, notamment car le film est très imparfait, Repo Men se déguste comme une solide série B, aux excès qui détonnent. La version uncut permet de profiter de jolis débordements graphiques, mais la durée de deux heures accuse le coup. Une fois introduit son concept, le long-métrage patine, cherche à multiplier les pistes et les personnages, et s’enfonce dans une redite assez désagréable durant sa première partie. Agrémenté de fusils de Tchekhov dénués de subtilité (en le revoyant, le monologue introductif spoile clairement le twist final), le premier acte traîne en longueur et peine à dévoiler ses véritables enjeux.

Sapochnik peut heureusement s’appuyer sur un duo principal qui fonctionne en parfaite symbiose, et un Liev Schreiber toujours aussi réjouissant en salopard décomplexé et cupide. L’exploit du film, c’est de gagner en régime et en intérêt à mesure qu’il progresse, alors qu’il n’est qu’une redite hollywoodienne classique, où l’ancien employé modèle est désormais impitoyablement traqué par son ex-employeur. Malgré de nouvelles redites lors d’une seconde partie centrée sur la course contre la montre et la survie (rencontrer deux experts clandestins au lieu d’un, ça alourdit la narration), le film s’emballe, jusqu’à un dernier acte tout en folie furieuse.

Alors qu’il proposait déjà quelques séquences bien sanglantes, Repo Men se conclut en apothéose d’ultra-violence difficilement prévisible. Au détour d’un affrontement en couloir, il se permet de mixer Old Boy et 300 (on est en 2010 on rappelle) dans une joute féroce et jouissive qui repeint les murs d’un rouge sang cathartique. Mais le clou est enfoncé lors de la séquence suivante. Rémy et Beth (attachante Alice Braga) tentent de déconnecter leurs implants au cours d’une scène digne d’un délire Cronenbergien en diable. Les corps s’entrelacent en ballet sensuel et érotique tandis qu’ils se charcutent mutuellement au scalpel, afin de plonger leurs mains dans le corps de l’autre à la recherches de codes barres synthétiques à désactiver. Puissamment charnelle et décomplexée, cette auto-mutilation fiévreuse apparaît comme le geste punk envers le cyber. On scarifie la chair, redéfinit le lien organique entre les êtres et renoue avec la matière propre de notre humanité. Cette radicalité finale, amplifiée par un dernier twist profondément désespéré, fait de Repo Men un film bancal, déséquilibré mais dont la violence du geste rattrape in-extremis toute débandade programmée.

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