Réalisateur : Barry Levinson
Année de Sortie : 2012
Origine : États-Unis
Genre : Épidémie Estivale
Durée : 1h24
Le Roy du Bis : 7/10
Thibaud Savignol : 6/10
Apocalypse Bay
Tout le monde s’y met, c’est la mode depuis quelques années, même les «grands» réalisateurs ont décidés de se lancer. Barry Levison emboîte le pas à George Romero dans la course à l’échalote, réutilisant le même procédé que ce dernier avait péniblement tenté de «révolutionner» avec Diary of the Dead. Il s’agit évidemment du Found footage, registre particulièrement bordélique et fourre-tout, que beaucoup estiment facile et fainéant parce que le propos qui se veut aussi réaliste que possible (mais le devient de moins en moins au fur et à mesure de cette mode invasive), s’épargnerait le moindre effort de mise en scène. Un avis qui ne représente pas la majorité, et pour cause, puisque la difficulté réside autant dans sa diégèse qu’il importe de ne pas trahir que dans l’utilisation intelligente de sa caméra en vue subjective, censés renforcer la sensation de peur et de promiscuité avec les personnages. Quand cela fonctionne, les sentiments éprouvés peuvent être décuplés mais si les artifices sont trop grossiers, c’est l’effet d’un pétard mouillé passablement horripilant comme ce fût par exemple le cas de Grave Encounters.
Il n’est donc pas si surprenant que l’horreur soit devenue le registre préféré des apprentis réalisateurs, puisque les effets à appliquer se limitent trop souvent à des jump-scares pingres et nauséabonds, qui nécessitent peu de frais, si n’est un con qui s’amuse à saturer le son ou à surgir dans le champ en gueulant comme un âne bâté. Face à la pénurie de bonnes idées quant aux limites du concept, certains tentent d’en renouveler plus ou moins la recette. Quitte à en bousculer les codes comme à la grande époque du slasher, même si cela consiste la plupart du temps à déplacer le cadre et l’action, voire aborder un nouveau genre. On a ainsi vu débarquer toute une flopée de titres originaux (Chronicle, Projet X, Megan is Missing, Projet Almanac, Cloverfield) dont ce The Bay, récit tourné à la manière d’un faux documentaire complotiste relayé par une journaliste.
Le 4 juillet 2009, la petite ville de Chesapeake Bay est en effervescence. La météo est au beau fixe, le concours du plus gros mangeur de crabe bat son plein, et rien ne pourra gâcher la bonne tenue de l’élection de Miss Crustacé. Pourtant, parallèlement à ces festivités regroupant badauds, restaurateurs et forains, une journaliste tente de lever le voile sur les circonstances qui mèneront rapidement la ville à la catastrophe. En cause : un maire cupide et ignorant qui se soucie bien peu de la toxicité de l’eau et de la mort de tout un écosystème aquatique. Cette enquête est appuyée par des témoignages et rapports alarmants de scientifiques, qui ont effectué la corrélation entre l’usine de désalinisation de l’eau et l’élevage intensif de poulets dont les fientes toxiques sont directement déversées dans la baie. Cette journée en apparence idyllique va bientôt se transformer en cauchemar épidémique lorsque les habitants vont commencer à devenir victimes de démangeaisons et d’éruptions cutanées.
Mais les symptômes vont très vite empirer au fur et à mesure de la contamination. S’en suit des vomissements sanglants, des crises de convulsion et des morts assez violentes qui auront le mérite de nous donner quelques sueurs froides. Évidemment il ne faut pas être Einstein pour comprendre que les OGM ont fait muter la flore carnassière. Les parasites isopodes habituellement friands de langue de poiscaille jettent donc leur dévolu sur les humains, dévorant jusqu’aux organes et intestins de leur hôtes infectés. Les événements prennent de l’ampleur, les hôpitaux saturent de malades, les médecins sont impuissants et dépassés par la situation, les cadavres jonchent les rues au beau milieu des poubelles ou des restaurants, parfois recouverts de sang, les parasites frappent toute personne en contact avec l’eau, n’épargnant ni les femmes, ni les enfants. Sous cette menace d’ordre sanitaire et public, les autorités mettent la ville sous quarantaine et tente d’étouffer l’affaire.
Cette fâcheuse manie de vouloir absolument tout rationaliser et expliquer aurait pu considérablement en limiter l’impact, pourtant c’est bien l’inverse qui se produit. Le film parvient habilement à brouiller la frontière entre fiction et réalité grâce à l’originalité de son format, qui mêle une multitude de points de vue. La partie documentaire permet de prendre de la distance et de mesurer l’impact d’une pandémie à «petite» échelle, tandis que d’autre part on se retrouve confrontés de plein fouet à ce cauchemar sans concession, où l’on contemple des gens agoniser dans le sang et la douleur, grâce à des prises captées sur le vif (caméscope, téléphone portable, vidéo de sécurité, dashcam, conversation skype etc). Le climat est d’autant plus pesant que la psychose est collective et devient limite plus virale que l’infestation elle-même, comme on le voit actuellement en France avec les punaises de lit. Un vent de pessimisme semble parcourir tout le projet, même si on ne peut que saluer le prophétisme clairvoyant de The Bay. Outre le sous texte écologique, certes pas bien finaud, Barry Levison en profite pour adresser un tacle au consumérisme, principal cause de contamination et facteur de propagation, sans oublier les institutions qu’il remet en question quant à leur capacité à gérer les situations de crises.