[Critique] – Halloween (2018)


Hallowen 2018 affiche film

Réalisateur : David Gordon Green

Année de Sortie : 2018

Origine : États-Unis

Genre : Slasher Moderne

Durée : 1h46

Le Roy du Bis : 4/10
Thibaud Savignol : 7/10


Le Mal Réincarné


Qu’importe finalement, car cela n’a jamais découragé les exécutifs de créer d’invraisemblables retournements de situations pour faire endurer de nouveaux cauchemars à leurs héroïnes. En cette période trouble de révisionnisme, les scénaristes ont donc jugé bon d’occulter toutes les séquelles de la saga depuis l’œuvre séminale de Big John, afin d’opérer un retour aux sources recontextualisé dans une réalité contemporaine. Le soin de la mise en scène a été confié à néophyte de l’horreur (David Gordon Green), pour qu’il puisse apporter un regard neuf sur le genre sans dévier de la trajectoire de la feuille de route. Dès lors, cette suite qui choisit de porter le titre de son illustre modèle ne fait plus aucun mystère sur ses intentions. 

Ce requel a largement fait l’unanimité, suscitant un emballement médiatique que n’avait pas effleuré Rob Zombie avec son remake et sa suite, qui traitaient d’ailleurs plus finement des syndromes post-traumatiques de ses survivants. Il convient donc de remettre de nombreux points et arguments soulevés en perspective, car rarement la presse ne se sera autant contrefait que dans l’exercice de ces éloges publiques ; c’est qu’il ne manquait de rien au buffet dînatoire du soir de la première. Les grattes-papiers et les fans ont célébré l’héritage laissé par John Carpenter autrefois tête de truc et bouc émissaire préféré de l’exécutif. Le fossoyeur de la saga porte un nom (Rob Zombie) largement évocateur tant il exprime la mort et la dégénérescence. Tous ces prétendus «journalistes» s’accordent à le dire et à le placer sur l’échafaud. C’est fini, n’en jetez plus. C’est au tour de l’auteur de ces lignes de ce faire l’avocat du diable et de vous rendre la monnaie de votre pièce. 

Ces analyses pécuniaires et versatiles se contentent de notifier les quelques symboles relatifs brandis par David Gordon Green,  telle que cette citrouille ratatinée en introduction reprenant sa forme initiale. Ce générique n’a rien d’innocent, tant cette figure reflète l’abîme dans laquelle la franchise a plongé en recyclant son tueur au fur et à mesure des résurrections, tueries et malédictions orchestrées au cours de ces quatre dernières décennies. À l’instar de son couple de journalistes, le réalisateur souhaite provoquer une rencontre anthologique entre ces deux monstres sacrés (Myers et Laurie), qui se sont mutuellement nourris et entre-déchirés au cours de leur carrière respective. 

Halloween 2018 Critique Film Gordon Green

Celle de Jamie Lee Curtis n’aurait probablement jamais décollé sans ce rôle mythique. Depuis plusieurs années, l’actrice était d’ailleurs rivée au rang des has-been. Ce retour fracassant lui aura néanmoins permis de humer l’air des cimes hollywoodiennes (Everything Everywhere all at Once, Knives out, etc..). C’est probablement le plus grand motif de satisfaction à mettre au crédit de cette suite, bien que son personnage névrotique souffre d’une caractérisation grossière constituant un étrange paradoxe. En effet, cette dernière vivant recluse dans les bois, elle aura eu tout le loisir de consommer deux mariages, de fonder une famille et d’engendrer deux générations. On a connu des ermites plus solitaires. Au-delà du caractère extrémiste et psychotique que les journalistes (ceux du film) tentent de lui attribuer, nous avons également affaire à une mamie gâteau comme le montre ses rapports avec sa petite fille, bien qu’elle soit devenue une fervente adhérente de la NRA. 

À contrario, Michael Myers n’est plus qu’un sinistre vieillard rachitique aux cicatrices apparentes, qu’un cube de béton a fini par cheviller dans sa cour de récréation. Figure maléfique et insaisissable chez Carpenter, sa silhouette monolithique apparaît désormais aussi frêle qu’un pantin de bois au milieu des déambulations d’enfants costumés pour la chasse aux friandises, contraignant son metteur en scène à ruser, le filmant en contre-plongée ou bien de manière à toujours avoir le dessus sur ses victimes. Le plan séquence sur lequel la presse s’est extasiée va jusqu’à démystifier le modus operandi du tueur, qui ne se cache même plus de la foule comme un vulgaire équarrisseur de masse. L’Amérique en pourvoit ponctuellement avec ou sans masque… Sacrilège ultime, un personnage ira jusqu’à le lui retirer, ou comment désacraliser cette figure en l’espace d’un instant. 

Le masque qui affiche les stigmates et les rides de son interprète est devenu aussi représentatif de celui qui le porte, notamment depuis que Rob Zombie s’en est emparé. Un parti-pris unanimement salué ici par la presse, alors que ce dernier l’avait pourtant mis bien plus subtilement en avant. Contrairement aux idées reçues, le métalleux avait fait de Myers le croquemitaine des légendes : massif, bourru, cheveux et barbe hirsute, revêtu de guêtres et guenilles, affublé d’un masque aussi déchiré que son âme. Mais le Myers de David Gordon Green n’a plus rien de maléfique ou de surhumain. Ce dernier est même devenu vulnérable aux chocs et aux balles (on le verra assommé, tristement amoché, plusieurs doigts arrachés, un œil révulsé) en plus d’agir à visage découvert. L’argument avancé contre Rob Zombie est donc caduc, et prouve bien que ses détracteurs ont la mémoire courte et sont au moins aussi grotesque que le psychiatre tourmenté de cette nouvelle itération dès qu’il s’agit de retourner leur veste. 

Pas subversif pour un clou, le film va même jusqu’à réinvestir les carcans moraux dans lesquels le slasher a longtemps été associé, en donnant au bourreau de bonnes raisons de martyriser ses victimes. Baby sitter nympho, petit copain aux mœurs légères, psychiatre démoniaque, ado forceur qui tente d’abuser de la détresse émotive de sa meilleure amie, tous subiront un châtiment violent à la hauteur de leurs comportements. Myers tue un enfant ? la belle affaire ! Le délinquant juvénile parti à la chasse aux mendiants avec son fusil s’en serait probablement sorti s’il s’était davantage soucié du sort de son père, ou bien de la personne sur laquelle il venait accidentellement de tirer. Myers tue des forces de l’ordre ? Les deux flics dissipés étaient trop occupés à comparer la taille de leur lunch box comme s’il s’agissait de leurs attributs. Quant aux autres victimes collatérales, celles-ci seront surtout destinées à alimenter la mécanique de prédation qui sans quoi pourrait s’enrayer en cours de route.

Halloween 2018 Critique Film Gordon Green

Michael Myers ne prendra jamais la peine de poursuivre la jeune Alysson dans les bois, et préféra s’éviter cette basse besogne tout comme il épargnera les enfants innocents de son courroux. Le couteau, autrefois prolongement phallique par excellence qui pénétrait la chair des adolescents à la sexualité débridée, n’est ici qu’un outil tranchant qui permet de mettre fin aux supplices des ses misérables pécheurs. Les meurtres qui soulevaient une frustration sexuelle refoulée sont purement d’ordre mécanique ici. En réalité et pour être tout à fait franc, ces mises à mort graphiques ne choqueront que les ménagères et ados prépubères. Cette croisade sanglante et brutale a néanmoins eu de l’effet sur certains spectateurs, les mêmes qui reprochaient à Zombie de faire preuve d’une sauvagerie complaisante. Mauvaise foi quand tu nous tiens. Celle du métalleux était bien plus honnête et permettait de sortir le public de sa zone de confort, en le confrontant à l’horreur de se retrouver soi-même victime. 

Plusieurs organismes de presse ont également soulevé que le film n’emploie jamais d’artifices et de jump-scares grossiers. Cet argument aurait effectivement pu être pertinent si le film n’en abondait pas. L’ironie du sort fera que les deux journalistes introduits dans le prologue finiront par ramper dans la merde qu’ils auront remué. Assassinés sauvagement dans un chiotte limite plus angoissant que l’ambiance préalablement instaurée par le metteur en scène, se bornant à reproduire grossièrement celle de l’opus original à l’identique et au plan près, sans jamais faire preuve d’inventivité. La seule originalité tient finalement à son renversement du jeu du chat et de la souris, permettant à Laurie de prendre (encore) sa revanche sur sa Nemesis. Rappelons que cette dernière l’aura d’ailleurs souhaité ardemment, après s’être préparée tout ce temps. Dommage, l’ultime confrontation sera très rapidement évacuée dans les soubassements et chausses-trappes de sa maison. 

Mais rassurez-vous, Myers doit continuer de vivre pour que le mythe puisse continuer à générer des recettes au box-office. Le cliffhanger douteux témoigne d’ailleurs de l’opportunisme de la démarche. John Carpenter se disait capitaliste et capable de tout et même de se contredire pour un énorme tas de billets verts. Cet Halloween tend à nous le prouver. Certains magazines sensationnalistes n’ont pas hésité à récupérer sa réaction au sujet du remake de Rob Zombie pour mieux traduire et généraliser l’aversion qu’en avait le public. «No comment», s’était-il sobrement exprimé au micro, car il savait dans le fond que son Halloween n’arrivait pas à la hauteur des dreadlocks du métalleux.

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