Réalisateur : Charles Band
Année de Sortie : 2024
Origine : États-Unis
Genre : Angoisse Artificielle
Durée : 1h14
Le Roy du Bis : 4/10
Les Détraqueurs
Ce n’était qu’une question de temps avant que des producteurs à la petite semaine ne se mettent à remercier leurs collaborateurs pour les remplacer par l’intelligence artificielle. Tourné en moins de temps qu’il n’en faut pour générer ses créatures et environnements (5 jours à peine), Quadrant permet à Charles Band d’inaugurer son nouveau label Pulp noir et de sabrer sa 400ème production sous le pavillon de la Full Moon Features. Une belle longévité dans le circuit pour celui qui a su s’adapter aux nombreuses contraintes et fluctuations du marché (abandon progressif du support physique au profit du dématérialisé).
Le studio dispose de sa propre plateforme de SVOD et continue de proposer du contenu à rythme métronomique, même en pleine période de grève des scénaristes. Si C. Courtney Joyner n’a pas hésité à mettre la main au clavier, c’est bientôt Chat GPT qui le fera. Le précédent projet de son producteur (AIMEE The Visitor) disposait déjà d’un personnage dont les lignes de dialogues avaient été écrites par l’intelligence artificielle. Cette fois Charles Band passe à la vitesse supérieure en se servant de son film comme d’un laboratoire d’expérience pour l’animation.
L’intrigue utilise le concept de la réalité augmentée comme outil thérapeutique pour soigner troubles et psychoses. Les personnes s’y connectent à l’aide d’un casque révolutionnaire et voient leurs plus grandes peurs se matérialiser sous leurs yeux. À charge pour eux de les surmonter. Un patient se retrouve par exemple à devoir lutter contre des hordes de trolls, de zombies et créatures démoniaques. Mais les choses vont néanmoins dégénérer lorsqu’Erin, une jeune femme obsédée par Jack l’éventreur, va se laisser peu à peu submerger par ses troubles comportementaux à mesure de son enfoncement dans la simulation.
Beaucoup de films ont exploré les possibilités offertes par les univers virtuels et les psychés tourmentées de leurs personnages : Tron, Sucker Punch, Brainscan, Passé Virtuel ou encore Nirvana. Mais Quadrant se démarque dans le sens où aucune personne physique ou moral ne peut s’attribuer le crédit des animations générées artificiellement. Cela rend ses effets spéciaux d’autant plus oniriques et bizarres, surtout pour ceux qui seraient étrangers à ce type de simulation. Mais à l’heure où les réseaux sociaux charrient quotidiennement ce genre de contenus, le film semble déjà obsolète sur ce point. L’utilisation de cette technologique soulève également des problèmes d’ordres éthiques. Sans garde-fou, celle-ci peut être pervertie par ceux qui détournent son utilisation première et alors menacer nos libertés individuelles.
La capacité de cet outil à dupliquer différentes formes d’art, personnalités ou environnements, en fait une bombe à retardement et un risque majeur pour l’industrie du spectacle et des métiers créatifs. Mais ces données préoccupent déjà moins le réalisateur que le plaisir d’orchestrer une série de meurtres sauvages bien trop avares en effets pratiques. Le Videozone nouvelle génération dédié au making-of révèle d’ailleurs le b.a-ba de l’arnaque et de l’entourloupe opérées autour des mises à mort et séquences faussement gores du film (ketchup, champ-contrechamp, et planches à découper à défaut d’une lame rétractable).
Sur le papier, l’idée était donc aussi excitante que périlleuse. Pourtant, l’entreprise ne mettra pas longtemps à péricliter face à la laideur de ses décors (une sinistre forêt et une reconstitution fantasmée de Londres au 19ème siècle) et de ses monstres générés artificiellement. Les environnements d’une platitude extrême nous renvoient au temps des premières incrustations sur fond vert réalisées au début de la 3D. On songe notamment à Arcade de l’hawaïen Albert Pyun déjà réalisé pour le compte de la Full Moon à l’époque. Mais ce qui avait son charme dans les années 90 a largement perdu de son attrait en 2024 avec la netteté des caméras numérique haute définition. Et la mise en scène pantouflarde de son réalisateur ne saurait relever l’intérêt de cette modeste production, dont les visions cauchemardesques sont de loin les plus foireuses et oubliables de tout le long-métrage.
Les temps ont changé, mais pas les combines du père Band. Ce dernier s’est fait le spécialiste pour embaucher d’ex porn-star amatrices de levrettes et de bukkake. Lexi Lore, la minette sulfureuse de chez Bangbros et Brazzers, y fait une remarquable apparition lors d’une séance de saphisme qui ne change pas de son libertinage. Seules les effusions d’hémoglobine ont remplacé les projections du liquide séminal de ses partenaires. La révélation du film viendra néanmoins du côté de l’actrice principale Shannon Barnes. Cette dernière pourrait bien s’imposer comme la future égérie du studio, comme le furent en leur temps Barbara Crampton, Jacqueline Lovell ou Robin Sydney (la femme de Charles Band).
Finalement, Charles Band a surtout vu dans l’intelligence artificielle une formidable opportunité de rester aware, et de réaliser des films à bas budget en petit comité dans son studio encombré de matériel et d’emballages Amazon. Le producteur n’est plus à une contradiction près et se défend en vantant les mérites de cette nouvelle technologie, plus attrayante que les images de synthèses dont il avait fait sa nouvelle marotte au cours des années 2000. N’oublions pas qu’il s’était déjà ravisé et ne jurait encore il y a peu que par le faste de ses anciennes productions en stop-motion, notamment dans le cadre des campagnes vidéos promotionnels destinées aux éditions Blu-ray commercialisées par Wicked Vision. David Allen se retournerait probablement dans sa tombe s’il voyait son ancien employeur se compromettre dans un tel parangon de mauvaise foi. Mais qu’importe en définitive, tant la misère de ces séquences d’animation reflète bien les limites actuelles de cet outil révolutionnaire, n’étant encore qu’à ses balbutiements. Les effets pratiques ont dont encore de beaux jours devant-eux. Tenez-vous le pour dit.