[Critique] – La Colline a des yeux 2


La Colline a des yeux 2 affiche film

Réalisateur : Wes Craven

Année de Sortie : 1985

Origine : États-Unis

Genre : Vacances Anthropophages

Durée : 1h26

Le Roy du Bis : 2/10
Thibaud Savignol : 3/10


Désert Cinématographique


Comme le disait Vulcain sur l’album Rock ‘N’ Roll Secours en 1985 : «Arrête de jouer à Pile ou Face !». Une note qu’on pourrait aisément associer à la filmographie de Wes Craven, tant l’homme a côtoyé les cimes de l’horreur mais également les marécages les plus insondables. Impossible par exemple de passer sous silence le désastreux Créature du Marais sorti en 1982, dont les conditions de tournage compliquées et l’espionnage permanent des producteurs (l’un d’eux ira jusqu’à se faire employer en tant que figurant incognito) ne justifient pas toute la maladresse de son cinéaste. Mis au ban par ses confrères, l’année 1983 sera la plus dure de sa carrière.

Wes Précaire

Aucun projet ne lui ait confié, seulement des réécritures de scripts en tant que consultant de l’ombre. Lorsque son producteur et ami Peter Locke vient lui annoncer que la société anglaise VTC, qui a réalisé de gros bénéfices grâce à la VHS du premier opus, souhaite donner une suite à La Colline a des Yeux, Craven saute sur l’occasion. Le budget s’élève à un million de dollars, tandis que VTC se rend au marché du film à Cannes en 1983 afin de lever des fonds supplémentaires.

Peu de distributeurs sont intéressés, et Craven devra se contenter de cette somme. Suite à l’inflation les coûts de tournage ont augmenté, tout comme le fait d’avoir une équipe professionnelle et un tournage prévu en 35 mm. Seulement vingt-quatre jours lui sont alloués afin de mettre en boîte cette séquelle. Le tournage est compliqué, pas tant à cause des conditions désertiques difficiles (une fournaise le jour, glacial la nuit), mais plutôt à cause des accidents à répétitions.

Car l’histoire voit un groupe de jeunes motards investir le désert afin de tester un nouveau carburant accélérateur et se préparer pour une future compétition. Le survivant du film original, Bobby Carter, est désormais marié à Ruby, devenue Rachel depuis qu’elle a fui sa famille cannibale pour embrasser les joies de la civilisation. Traumatisé par les événements passés, il est incapable de retourner dans ce fichu désert, à l’endroit où, malencontreux hasard, les choses avaient déparées six ans plus tôt. Rachel de son côté, bien décidée à effacer ce trauma, joint la bande et repart vers sa terre natale, notamment accompagnée par Cass, une jeune aveugle qui n’a pas froid aux yeux.

La Colline a des yeux 2 Critique Film Wes Craven

Lost in la Mancha

Ce récit implique ainsi de nombreuses cascades à moto, qui ont donné lieu à plusieurs accidents. Tandis qu’un cascadeur se prend une pierre sur la tête nécessitant huit points de suture, les autres motards vont chuter dans les cactus du désert, se relevant avec de longues épines ancrées dans leur chair. Plusieurs hospitalisations sont nécessaires, retirer ces épines nécessitant l’intervention d’un spécialiste. Du retard ainsi que des ambitions revues à la baisse faute de moyens, Craven doit taper dans son scénario, retirer plusieurs pages, quand il ne parvient tout simplement pas à abréger certaines péripéties.

Une fois un premier montage effectué, Craven devait normalement bénéficier d’une semaine supplémentaire de tournage afin de palier les nombreuses carences. Que nenni. Face à des finances exsangues, les producteurs se satisfont de ce premier rendu, greffant de nombreux flash backs afin de gonfler l’intrigue. Bobby et Rachel ont ainsi le leur, mais c’est aussi le cas de Beast, le chien survivant (!). Et ce ne sont pas juste quelques images pour rafraîchir la mémoire, mais bien des pans entiers de séquences de l’opus original, durant plusieurs minutes. Ça sent vraiment le petit film fauché d’1h10 qui passe aux forceps pour atteindre une durée exploitable en salles et VHS.

Au-delà de ces retours dans le temps mercantiles, La Colline a des yeux 2 ne réussit pas grand chose. Là où l’orignal confrontait deux systèmes familiaux aux antipodes, Craven se contente ici de répéter les codes du slasher, alors en pleine émergence. Place aux jeunes et leurs dérèglements hormonaux, n’écoutant rien ni personne, fonçant tête baissée vers le danger sans jamais se rendre vraiment compte de la situation.

Alors que les signaux ne cessent de s’allumer, que les corps s’accumulent, ils n’ont d’yeux que pour leur propre libido. Face à eux, la tribu cannibale voit un nouveau membre s’y greffer, le Boucher. Réduits à deux individus, ils ne sont plus que de simple boogeymen dénués de la moindre conscience de groupe et d’organisation, là où les stratégies et le vice de la famille originale faisaient tout le sel de cette violente confrontation au fin fond du désert, refuge ultime d’une barbarie mise sous le tapis par les temps modernes.

La Colline a des yeux 2 Critique Film Wes Craven

Erreur salvatrice

Terminée la confrontation de l’Homme civilisé à ses plus bas instincts, il ne reste désormais plus qu’une suite de meurtres, parfois gaguesques, bien moins traumatisants que par le passé. Tout juste voit-on les réminiscences d’un cinéma Cravenien, où la jeunesse paie les erreurs des générations passées et des gouvernements, incapables de leur apporter la sécurité nécessaire au sein d’un monde gangrené par la violence humaine. Mais tout ceci reste trop anecdotique contrairement à ses œuvres phares, où sa mise en scène caustique et teintée d’humour noir fait des ravages.

De plus, le long-métrage accuse le poids des années. Malgré une patine visuelle plus travaillée, ce qui en soit dessert le propos, on se sent plus proche de la fin des seventies que du milieu des eighties. Les conditions de tournage et de montage laissent apparaître des trous béants dans l’intrigue, des incohérences et des raccourcis impossibles à passer sous silence. On frissonne peu, le manque de moyen n’aidant pas à crédibiliser la menace et décupler la violence des attaques.

On retiendra un Michael Berryman toujours impeccable, dont la présence physique n’a que peu d’équivalent, ainsi que la découverte d’une cave jonchée de cadavres par la protagoniste aveugle. Pas grand chose au final, en comparaison à la brutalité sèche et cruelle de l’original. Le film aura surtout permis à Wes Craven de remettre le pied à l’étrier. Dorénavant à nouveau en activité, il enchaîne aussitôt pour la chaîne de télévision ABC en vue du téléfilm Invitation en Enfer.

En parallèle, il continue à bonifier un script où un être surnaturel aux griffes d’acier acérées s’en prend à la nouvelle génération dans leurs cauchemars. Un projet qui verra le jour dès l’année suivante, donnant naissance à Freddy, un boogeyman qu’on ne présente plus. VTC, la société anglaise, ne sortira finalement ce second opus de La Colline a des Yeux qu’en 1985, surfant sur le succès désormais planétaire du réalisateur de Cleveland. Margoulin un jour… Quand au père Craven, sa période de chômage est désormais derrière lui, et il ne s’arrêtera qu’à sa mort, un triste dimanche d’août 2015.

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