[Critique] – Spree


Spree Affiche Film

Réalisateur : Eugene Kotlyarenko

Année de Sortie : 2020

Origine : États-Unis

Genre : Virée Meurtrière

Durée : 1h33

Le Roy du Bis : 5/10
Thibaud Savignol : 6/10


#LaLeçon


Mais si l’on parle souvent de ceux qui réussissent comme Squeezie, qui possède désormais sa statue de cire au musée Grévin et fait régulièrement la une du JT de M6 pour son incroyable flow et son génie incommensurable, on ne parle jamais des petits qui passent leur temps à végéter dans les méandres de l’amateurisme faute de talent, de bonnes idées, ou bien simplement de réussite. La nouvelle lubie des personnes narcissiques, quel que soit leur âge, c’est de faire du lifestyle et de se filmer dans leur quotidien pour montrer à quelle point leur vie est si géniale et épanouie. Certains en profitent pour faire découvrir leur profession, aussi marginale soit-elle. Ainsi a-t-on vu un ripeur danser sur des hits pour amuser la galerie sur Tik-Tok et se faire plus d’argent avec cet outil qu’en collectant les déchets, quand d’autres n’ont le droit qu’aux rats qui leur sautent au visage pour échapper au compacteur, au froid, à l’humidité et aux odeurs insupportables (oui c’est du vécu).

Spree c’est le nom d’une application concurrente de Uber, permettant aux utilisateurs de commander un taxi et de partager les frais en faisant du covoiturage. Il s’agit évidemment d’une activité précaire pour les chauffeurs comme Kurt, qui lui demande de se démarquer un temps soit peu de la concurrence par des petites attentions via des bouteilles d’eau infusées au GHB, une bande son électro qui vous tape sur le système et des dashcam aux quatre coins de l’habitacle. Tout pour mettre les gens à leur aise en somme. Kurt va donc faire le nécessaire pour remédier à cet anonymat qui dure depuis dix ans déjà, et replacer son émission «Kurtzworld» en bonne place sur la carte du Streaming Game grâce au hastag #TheLesson. Une leçon qui permettrait à ses followers de glaner eux aussi un max d’abonnés et de pouvoir enfin goûter un peu de ce rêve américain que l’on nous sert quotidiennement sur les réseaux sociaux. Les conseillers ne sont pas les payeurs, de la même manière que les cocus et les célibataires seront toujours les meilleurs pour vous conseiller sur votre vie de couple.

Spree Critique Film Joe Keery Found footage

Dans sa croisade meurtrière, le réalisateur dresse un portrait au vitriol des nombreuses personnalités toxiques et superficielles qui pervertissent notre société. On retrouve pèle mêle un gros raciste républicain, une pétasse carriériste et hautaine, un beauf misogyne BCBG, des épouvantails transgenres aux visages botoxés, une influevoleuse strip-teaseuse, ainsi qu’une artiste misandre et pas maligne. Si l’on prend un réel plaisir à voir ces individus subir les châtiments de ce jeune chauffard tourmenté, son désir obsessionnel de vouloir percer à tout prix fait néanmoins écho à un autre fait divers s’étant produit une décennie en arrière, lorsqu’un certain Lucas Rocco Magnota avait posté une vidéo sordide où il découpait son petit ami dans son lit. Le voir se masturber avec le bras découpé de sa victime aurait pu être marrant si cela était resté du domaine fictionnel. Oui, je peux me targué de l’avoir vu lorsque j’étais lycéen, mais il y a un prix à payer, celui de l’innocence, et de ne plus pouvoir écouter les musiques du groupe New Order.

Une limite que ne dépassera jamais Spree qui verse d’avantage dans le grotesque et l’humour noir. Cela nuit malheureusement en partie à la démarche ainsi qu’à la tension artificielle d’un fil d’actualité qui tourne souvent à vide. À défaut on se tape des barres grâce à quelques gags bien sentis, même si le film trahit sa diégèse plusieurs fois par des plans de caméras de sécurité qui n’ont rien à faire là. Cela ne viendra néanmoins pas gâcher l’expérience immersive de ce Found Footage new age où les notifications, et réactions des gens apparaissent nonchalamment à l’écran. Ce qui était une nouveauté à l’époque de Nerve et The Shallows est devenu monnaie courante depuis, sans que cela ne fasse l’objet d’une quelconque justification de mise en scène (Insidious The Red Door). Il ne s’agit plus dès lors que d’un simple artifice permettant de s’épargner des dialogues qui nuiraient au rythme du récit ou bien à justifier une réaction émotionnelle de la personne filmée au même moment. Mais pas ici, puisque le dispositif se prête totalement au propos.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Retour en haut
Optimized with PageSpeed Ninja