Le Cinéma Cyberpunk


Comme de nombreux genres, la naissance du Cyberpunk est la conséquence d’événements politiques, sociaux, culturels et économiques. Alors que l’après-guerre fut une période faste et prospère, les années 70 vont venir mettre fin à la récréation. Une décennie marquée par deux chocs pétroliers qui mettent fin définitivement aux Trente Glorieuses, entraînant une période de récession à travers le monde, où se cumulent hausse du chômage et dévaluation des monnaies. S’ajoutent à cela des scandales politiques (le Watergate), une vague de terrorisme qui touche aussi bien l’Europe (les Brigades rouges), les Etats-Unis (le KKK et les Weathermen d’ultra-gauche) que le Japon (L’Armée rouge unifiée), la fin d’un monde industriel, un libéralisme toujours plus virulent, des écarts de richesses qui se creusent et un écosystème qui commence à accuser le coup (le rapport Meadows en 1972). A tous ces maux se greffe l’essor sans limite des technologies, de plus en en plus intégrées au sein des foyers (télévision, ordinateurs, consoles de jeux), mais également la naissance des première intelligences artificielles.

Couplé à la naissance du mouvement musical punk au cœur du Royaume-Uni, la nouvelle génération d’écrivains de Science-Fiction va fusionner une imagination débordante aux problématiques de son époque. Succédant à des première tentatives isolées tels les écrits de JG Ballard (Crash !, I.G.H), ils cherchent à renouveler une Science-Fiction qu’il juge trop sclérosée, déconnectée et parfois même réactionnaire (Étoiles, garde-à-vous ! de Robert A.Heinelen). Plutôt que de regarder vers les étoiles, ils réorientent leur regard vers notre planète Terre, explorant des interrogations avant tout terriennes. Ayant souvent recours aux récits d’anticipation, créant des dystopies, ils se projettent dans un futur pas si lointain, exacerbant toutes leurs inquiétudes.

Le terme Cyberpunk est tout d’abord le titre d’une nouvelle de l’auteur et ingénieur américain Bruce Bethke, écrite en 1980. Personne ne remarque cet écrit, mais l’écrivain Gardner Dozois se souviendra du terme quatre ans plus tard lorsqu’il faudra qualifier le roman Neuromancien de William Gibson ainsi que toute la littérature apparentée. Une œuvre aujourd’hui culte, base historique d’un des sous-genre les plus célèbres de la Science-Fiction. Mais deux ans auparavant, en 1982, c’est Rdiley Scott qui marqua au fer rouge l’Histoire du Cinéma avec son monumental Blade Runner. Œuvre Cyberpunk par excellence, elle fut surtout portée aux nues une fois le director’s cut définitif sorti en 1992. Mais dix ans auparavant, les fondations étaient déjà posées, permettant la naissance du genre auprès du grand public.

Dès ces premières œuvres les thématiques principales apparaissent : villes-mondes surpeuplées, État absent au profit de multinationale ultra-puissantes faisant office de nouveaux gouvernements, séparation des classes sociales via l’horizontalité de la métropole, écosystème en perdition, corps marqués par les greffes et les ajouts cybernétiques à une époque où le procédé se démocratise, et surtout une technologie omniprésente (accessoires, réseaux, physique) incarnée par la naissance du hacker. Sans oublier en parallèle de développer une esthétique aujourd’hui complètement assimilée par la culture populaire : cités géantes lorgnant du côté des grandes villes asiatiques, grouillantes, couvertes de publicités et de néons (Tokyo, Shanghai, Hong-Kong), présence de nombreux êtres mi-homme mi-machine, une violence graphique appuyée et un ton clairement adulte.

Des œuvres comme Robocop (1987) et Akira (1989) vont emprunter la voie tracée par ces deux classiques et y apporter leur vision personnelle du genre, participant à l’essor du mouvement dans les années 1980. Ghost in the Shell opérera une mue définitive pour le Cyberpunk, l’envoyant tutoyer les sommets en 1995, via une esthétique proto-futuriste radicale et surtout des réflexions profondes inhérentes aux thématiques abordées, notamment la dualité homme/machine et le rapport à nos existences physiques et immatérielles. La suite prolongera ce vertige philosophique en 2004.





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