Réalisateurs : Jacobsen Hart et Paul G.Volk
Année de Sortie : 1995
Origine : États-Unis
Genre : Western Post-Apocalyptique
Durée : 1h45
Le Roy du Bis : 6/10
Thibaud Savignol : 5/10
Le Nazaréen des bacs à solde
Véritable usine à films destinés au marché de la vidéo, la PM Entertainment est probablement le premier studio à avoir eu l’idée d’inventer un générateur de scénarios pour combiner tout ce qui faisait les succès du moment. La recette était bien rodée : Recruter une «star» qui joue fréquemment les seconds couteaux, même si ce ne sont pas les plus affûtés du tiroir, puisque ce qui compte c’est qu’ils soient plastiquement irréprochables ou bien qu’il possèdent un charisme clairement identifiable, et ajouter ensuite des fusillades, des courses poursuites et des effets pyrotechniques. Vu la clientèle visée, on ne mise pas sur les intrigues trop compliquées, mais il faut néanmoins proposer un background assez développé histoire de se différencier un peu du lot et d’éviter les procès pour plagiat. La machine va ainsi générer un patchwork en combinant les genres, les personnages, les environnements et tout autre élément pouvant éventuellement densifier l’histoire. En résulte une sensation de déjà vu à chaque nouvelle découverte d’un PM.
La recette de fabrication ne sera pas restée secrète bien longtemps puisque comme chaque cinéphile respectable le sait, Luc Besson s’emparera à son tour de ce stratagème pour fonder sa propre société de production : Europa Corp. Et si vous ne me croyez pas, je vous invite à voir la vidéo de Mozinor à ce sujet. Tout ce qui compte, c’est que le film ne soit pas trop long, qu’il soit bien rythmé et riche en action, et surtout que le client se sente rassasié sans avoir le sentiment d’avoir été pris pour un con. C’est un peu le numéro d’équilibriste de la firme, qui a connu ses heures de gloires durant les années 90 avant d’être avalée par la grosse corporation Echo Bridge Entertainment, partenaire de Miramax, ABC et Disney/Buena Vista. Les ramifications sont complexes sachant que les frères Weinstein revendirent la Miramax à la Walt Disney Company qui la céda ensuite à Filmyard Holdings LLC. Mais bon pour résumer, les films dorment désormais dans les tiroirs d’une nébuleuse compagnie, et bon nombre de ces écrins resteront à jamais inédits chez nous en France.
Steel Frontier fait donc partie de ces quelques irréductibles DTV figurant dans les bacs de DVD à 1€ l’unité, que les trente-quarantenaires beaufs et célibataires s’arrachent généralement à peu de frais. Et comme le navet ne tombe jamais bien loin de mon porte-monnaie, je me le suis évidemment procuré pour le prix d’un croissant au beurre. Quelques mois à dormir dans ma bibliothèque en attendant sagement son heure. Finalement c’est l’autre rédacteur du site, lui aussi doté d’un flair de nanardeur hors-pair, qui aura tenu à ce qu’on le voit durant notre marathon hebdomadaire. En même temps, comment résister au regard bleu azuréen de Joe Lara et son look iconique de Bee Gees ? Il y a quelque chose en lui de Tennessee et à côté de lui, Jared Leto ressemble à son pâle sosie.
Comme ses congénères copycat du bis italien, Joe Lara interprète Yuma, un héros solitaire qui arpente le wasteland Mad Maxien où ne subsiste que des pillards, des tribus anthropophages et une ville visiblement encore épargnée par toute cette faune de dégénérés. Pas pour longtemps néanmoins, puisque le Général Quantrell des Nouveaux Etats-Unifiés compte bien annexer Newhope à son territoire après l’avoir dûment pillée et saccagée comme le veut la tradition, pendant que Yuma tabasse des goules dans le désert en mangeant de l’opossum carbonisé. S’il n’est pas très doué pour faire de bon petits plats, Yuma sait néanmoins où il fout les pieds, et comme les balles, c’est souvent dans la gueule grâce à son don d’ubiquité. Il est partout, il est omnipotent, omniscient, omniprésent dans le champ, il est le Nazaréen de ces terres désolées, et s’il infiltre l’armée de méchants ce n’est que pour mieux se retourner contre-eux, afin de libérer la cité du joug de son terrible tyran, en protégeant la veuve et l’orphelin innocents.
Afin d’étoffer son univers post-apocalyptique, le duo de réalisateurs ne recule devant rien et recycle allègrement tous les stéréotypes inhérents au genre depuis Mad Max 2 Le Défi : des cosplays ratés, des aliénés, prédicateurs et sobriquets qui cabotinent un max, un prêtre aveuglé par son fanatisme religieux, une milice locale reconstituée suite au meurtre du shérif, un environnement de bric et de broc protégé par des barricades ainsi que des monticules de pneus, et évidemment une raffinerie d’essence qui attire tous les vautours de la région. L’intérêt est à peine relevé par l’apport d’une ambiance un poil plus Leonienne qu’à l’accoutumée, à grand renfort d’harmonica et de duels crépusculaires. Pour autant, Steel Frontier ne fait évidemment pas dans la finesse. On a coutume de dire que pour faire un grand film, il faut également un grand méchant et de ce point de vue là, le studio a mis les petits plats dans les grands en s’offrant la trogne patibulaire de Brion James, qui avait sût marquer les esprits dans House 3 et Blade Runner.
Seulement ici, il n’avait pas dû être assez payé, puisque c’est bien son armée de figurants qui vont lui voler la vedette en montant systématiquement sur leurs grands chevaux, sans jamais réfléchir ou anticiper les pièges qui leur sont tendus. Ils ne sont voués qu’à mourir plusieurs fois devant la caméra et à faire office de chair à canon. L’antagoniste se contente d’assurer le minimum syndical en faisant acte de présence à l’écran. À la première occasion, il retournera crécher au fin fond de sa caverne qui lui sert de QG, avant que son second ne revienne la queue entre les jambes pour lui demander du renfort. Pourquoi Yuma l’a t-il bien épargné ? Plus qu’un respect mutuel entre «guerriers» c’est surtout histoire de justifier un dernier quart d’heure d’action et de tirs au pigeon, avant une folle course-poursuite exaltée à 50km/h entre un bus scolaire et un camion. Une fois encore, le brun ténébreux sauvera la situation avant d’abandonner la blonde et son rejeton à une mort certaine, en plein milieu d’un no man’s land, sans eau ni moyen de rejoindre la civilisation. Le Nazaréen donne, et le Nazaréen reprend. Ainsi va le cycle de la vie dans le monde impitoyable du Nanar.