
Réalisateur : Gary Jones
Année de Sortie : 1994
Origine : États-Unis
Genre : Moustiques Géants Vénères
Durée : 1h25
Le Roy du Bis : 6/10
Thibaud Savignol : 6/10
Les suceurs de sang
Beaucoup se rappellent avec émerveillement, peur ou dégoût, leur premier contact avec le cinéma de genre. Si certains ont d’emblée eu affaire à des classiques (Shining, Psychose, Halloween), pour l’auteur de ses lignes ce fut Mosquito qui endossa cette responsabilité. Si le souvenir reste vague, la page Wikipédia mentionne une sortie DVD au 6 octobre 2000. Trônant fièrement au rayon nouveautés du vidéoclub, temps béni que les moins de 25 ans n’ont pas connu (ok boomer), la jaquette flashy, avec ces grands yeux plongeant directement dans ceux du cinéphage insatiable, a sûrement eu raison du petit garçon de 8 ans d’alors.
Une passion est née
Un premier contact indélébile, qui allait tracer une cinéphilie déviante et vorace, à la recherche constante du prochain choc visuel. Car question choc, Mosquito mit la barre très haute. Revu pour les besoins de cette critique 25 ans plus tard (ouch, déjà), le trauma originel ne s’est jamais réellement estompé. Deux pêcheurs un brin beaufs mais pépères sur leur barque, sont attaqués par un moustique géant. Si l’un tombe à l’eau, l’autre ne peut que succomber aux attaques virulentes de l’insecte disproportionné. Un coup de dard dans l’œil, en gros plan, le sang qui gicle et un liquide verdâtre qui se répand. Première mise à mort de cinéma, image gravée à jamais et toujours présente avant ce revisionnage, au placement de caméra près.
Dans le même ordre d’idée, un couple de campeurs seront vidés de leur sang quelques minutes plus tard. Toujours le même gros plan d’une pointe pénétrant la chair, cette fois le fessier d’une jeune demoiselle en détresse. Au passage dévêtue, ce sera également l’occasion de découvrir l’anatomie féminine sous un angle inédit. Pas insensible à son charme, cette vision servira quelques années plus tard, en pleine poussée hormonale. À cette époque (ok bommer bis) existait également la chaîne Kiosque proposée par Canal +, sorte de VOD avant l’heure, qui passait en boucle des bandes-annonces afin d’appâter le chaland. C’est ainsi que Scream constituera le second choc horrifique, délicieux et terrifiant.

En ce qui concerne Mosquito, le film s’apparente à un mix entre Xtro, pour son méchant extra-terrestre débarqué sur Terre, et Ticks avec ses mutations d’insectes improbables. Ici c’est un marais entier qui se voit contaminer par une substance alien, décuplant la taille et la voracité des hôtes de ces lieux. Au cœur d’un parc national américain, un garde forestier, un scientifique de l’armée ainsi qu’un couple fraîchement débarqué, vont s’allier pour lutter contre cette menace qui vient de décimer un camping entier. Ils croiseront un duo de braqueurs malintentionnés, mais forcés de faire équipe avec au vu des circonstances.
Sortez les moustiquaires
Pour les fans de cinéma horrifique, il est toujours intriguant de voir un spécialiste des effets spéciaux passer derrière la caméra. On pense à Stan Winston et son Pumpkinhead qui suintait l’artisanat, ou encore à Robert Kurtzman (le K des célèbres KNB) et son Wishmaster pas avare en mises à mort too much. Ayant bossé sur Evil Dead 2 et 3, excusez du peu, ainsi que sur le Chasse à L’homme de John Woo, Gary Jones signe avec Mosquito sa première réalisation. Et sur ce point, l’homme s’en donne à cœur joie avec ses moustiques géants. Il n’y a pas mensonge sur la marchandise, entre ceux reproduits taille réelle en animatronique, quelques uns fabriqués en stop motion et les nuées rajoutées à même la pellicule.
Affichant seulement 1h25 au compteur, pas le temps de s’ennuyer. L’exposition ne s’éternise pas, et le récit a tôt fait de s’emballer. Le décor rappelle presque le célèbre Crystal Lake de la saga Vendredi 13, avec ses forêts, ses marais et ses campeurs massacrés. Les moustiques ont remplacé Jason et ne vont cesser de traquer nos héros, assoiffés de sang frais.

Une séquence homérique achève le second acte, où un camping-car fonce à cent à l’heure, poursuivi par une horde de bébêtes voraces. À l’intérieur, les protagonistes s’écharpent, le duo de bad guys venant de faire irruption dans l’intrigue. Les coups pleuvent autant envers les moustiques, qui ne cessent de s’infiltrer, qu’entre les belligérants eux-mêmes, à coup de hache, de crosse de fusil et de botte dans les valseuses. Une frénésie surprenamment maitrisée pour une production de ce calibre, où le budget serait estimé à seulement 200 000 dollars.
Désormais dépossédés de leur véhicule, la joyeuse troupe parvient à se réfugier dans une ferme vidée de ses occupants, à la Nuit des morts-vivants. On barricade les fenêtres pour passer la nuit en sécurité, croisant les doigts pour que ces sales bêtes fichent le camp. La présence de Gunnar Hansen fait enfin sens. Après avoir terrifié des dizaines de spectateurs sous les traits de Leatherface, le géant islando-américain retrouve enfin sa tronçonneuse de prédilection, et s’en donne à cœur joie une fois les créatures à l’intérieur.
Le long-métrage est rythmé, généreux de par ses excès sanglants à la limite du gore, et même la mise en scène apparaît inspirée. Singeant les trouvailles de Sam Raimi sur Evil Dead, Jones illustre le point de vue des créatures via une caméra qui fonce à travers la forêt et décolle à plusieurs mètres du sol. Il nous gratifie également de plans aériens à une époque où les drones n’existaient pas encore. On se retrouve ainsi face à une série B corsée, voire cradingue, qui était définitivement de trop pour des yeux aussi jeunes. Pas étonnant, la trentaine passée, de se retrouver à chroniquer des films barges à la pelle sur les internets.