Réalisateur : Adam Green
Année de Sortie : 2007
Origine : États-Unis
Genre : Gore Débridé
Durée : 1h33
Thibaud Savignol : 6/10
Bout d’Chair
Quand Adam Green se lance dans l’aventure Butcher en 2006, rien n’est moins sûr. A part une petite rom-com inoffensive budgétée à 400 dollars intitulée Coffee & Donuts, le CV paraît bien faible pour espérer une miette de reconnaissance dans la jungle hostile du 7e art. Trêve de suspense, il y est parvenu (à son niveau) et avec panache. Fan de cinéma horrifique et enfant des années 80, il souhaitait ardemment un retour sur grand écran des slashers avec lesquels il a grandi. Le jeune cinéaste en herbe s’attelle alors à créer une bande annonce en vue de récolter des financements pour son nouveau projet.
Accompagné de son directeur de la photo il se rend en Louisiane où les deux hommes vont tourner des plans du Bayou lors de longues balades à travers les marais. Ils greffent ensuite aux images montées la voix d’une fillette narrant la légende de Victor Crowley, fantôme errant dans les marécages, cherchant à se venger de ceux qui ont entraîné sa mort. Une légende que se plaisait à raconter Adam Green lui-même autour d’un feu de camp lors de ses colonies de vacances, terrorisant tous ceux qui avaient eu l’audace de l’écouter jusqu’au bout. Le décalage de la bande-annonce attire des producteurs prêts à se lancer dans l’aventure, à remettre sur le devant de la scène le slasher, sous-catégorie en état de mort cérébrale depuis que Scream et ses nombreux ersatz ont tourné en dérision les codes et habitudes du genre.
Pourtant pas question pour Green de supprimer l’esprit potache et blagueur des années 80, mais plutôt de retrouver un équilibre entre fun et délires horrifiques, loin des réflexions méta-ironiques de ses prédécesseurs. Il y parvient dès le début grâce à sa petite troupe de comédiens qui campent des personnages souvent over the top, mais jamais complètement dénués d’empathie. Que ce soit un loser post-rupture amoureuse, un fêtard déconneur, un réalisateur de films porno amateurs ou un couple de vieux touristes, l’équilibre est maintenu grâce à des dialogues qui font mouche et un dosage plutôt malin entre comédie et tension. Alors qu’on suit l’expédition touristique de ces énergumènes au cœur d’un bayou nocturne et brumeux, le croquemitaine Victor Crowley fait son apparition sous les traits d’une abomination difforme et dégénérée.
Cherchant à assouvir sa soif de sang en trucidant quiconque s’aventure sur ses terres, il fait basculer le film dans le gore le plus sauvage et débridé, où les exécutions plus fantasques les unes que les autres renvoient aux grandes heures d’Evil Dead et Re-Animator. Les eighties ne sont jamais loin. Têtes arrachées à mains nues, corps coupé en deux à la hache, visage défoncé à la ponceuse à essence (oui, oui, une ponceuse à essence), le festival d’hémoglobine promis est bien au rendez-vous. Les effets spéciaux réalisés à l’ancienne, sans ajout numérique, sont intelligemment éclairés, évitant la surexposition et une perte de crédibilité. On oublie le budget rikiki du film, chaque mise à mort oscillant entre dégoût et franche rigolade.
Deux semaines durant, l’équipe technique a cravaché dans le bayou de Louisiane pour proposer un résultat final au doux parfum de nostalgie, sans tomber dans la citation grasse et paresseuse. C’est avant tout une remise au goût du jour d’un style qui ne faisait plus recette, et le retour d’un cinéma artisanal qui suinte et dégouline par tous les pores, pour notre plus grand plaisir de bisseux. En fan inconditionnel du genre, Green a soigné ses caméos. Robert Endgund fait un petit coucou lors de l’introduction très crocodilesque (les plus cinéphiles auront la réf) tandis que Tony Candyman Todd interprète le révérend Zombie, rôle décalé qui sera bien plus exploité lors du second opus.
Mais c’est surtout la présence de Kane Hodder qui intrigue, le Jason des opus 7,8,9 et 10 de la saga Vendredi 13. Enseveli sous une tonne de latex en monstre belliqueux, son vrai visage a lui aussi droit à du temps d’écran dans la peau de Thomas Crowley, père inconsolable de Victor, lors de flashbacks à l’émotion palpable. Une bien belle proposition pour un acteur habitué aux rôles costumés. Joel David Moore est également de la partie, trois avant sa starification chez James Cameron sous les traits de Norm Spellman, le scientifique frustré de l’aventure. Tout un collectif au service d’un film généreux et pas prise de tête.
Butcher peut être considéré comme le frère aîné consanguin du jouissif deuxième épisode de la saga Détour Mortel qui sortira un an plus tard. Les deux séries de films n’auront de cesse de se croiser et de porter haut les couleurs d’un cinéma décomplexé, monstrueux et arriéré. Invitez vos amis les moins fréquentables, sortez vos meilleures binouzes et laissez Victor Crowley retapisser votre salon de tripes et de cervelles.