Réalisateur : James Mangold
Année de Sortie : 2017
Origine : États-Unis
Genre : Action Héroïque
Durée : 2h15
Le Roy du Bis : 7/10
Thibaud Savignol : 7/10
Les VieuX Mutants
Il y a des acteurs qui resteront à jamais associés à leurs personnages, parce qu’il est tout simplement impossible d’envisager une autre personne pour les incarner. De la même manière que Daniel Radcliffe sera toujours Harry Potter, ou Harrison Ford Indiana Jones, Wolverine ne peut être dissocié de Hugh Jackman tant le rôle lui colle à la peau depuis dix-sept longues années. Le mutant presque immortel a plus souvent connu les guerres et la misère que la paix, comme pouvait le soulever le premier spin-off lui étant accordé avec X-Mens Origins. Rien d’étonnant donc à le retrouver au fur et à mesure des épisodes jusqu’à l’extinction presque totale de son espèce.
Si la saga tirée des comics a toujours traité de sujets lourds tel que la déportation, les camps de concentration, la xénophobie à l’égard d’une «race» d’hommes et de femmes génétiquement différents, c’est bien la première fois dans la série qu’un récit se hisse vraiment à la hauteur de la gravité de ses sujet. Sans oublier une classification «R Rated» pour la violence émise par l’entreprise. Cette noirceur James Mangold l’avait déjà sondée lors de l’introduction du précédent volet, via le portrait d’un Wolverine méchamment bourru, vivotant dans la forêt tel un ours au caractère mal léché, qui n’avait plus rien à offrir à ses semblables si ce n’est la pointe d’une flèche empoisonnée. Le réalisateur rempile une dernière fois derrière la caméra pour livrer l’odyssée finale des derniers X-Men, confrontés à un futur dystopique aux mains des lobbys privés sans espoir de lendemain.
On le croyait invulnérable et pourtant Logan se meurt. Paradoxalement, l’Adamantium qui lui donne cette faculté de régénérescence le détruit également à petit feu comme un cancer le rongeant de l’intérieur. C’est donc un Wolverine grisonnant à la gueule burinée que l’on retrouve dans ce road movie crépusculaire. Le temps ne l’a pas épargné, pas plus que le professeur François Xavier, atteint d’une dégénérescence du cerveau pouvant à tout moment menacer l’intégrité des habitants de la Terre comme s’ils étaient sous l’effet d’un micro-onde. Le pauvre en est réduit à vivre lamentablement, bourré de médicaments et enfermé dans une vieille citerne rouillée au milieu du désert, avec un albinos à son chevet. C’en est fini des illusions et du rassemblement des X-men, voilà tout ce qu’il reste de cet héritage longtemps malmené par des itérations mutagènes à la dégénérescence larvée.
Pourtant, un espoir réside encore. Au cœur du creuset initié par les comics, coexistant parfaitement dans cette réalité, apparaît le rêve d’un Éden à la frontière canadienne, sorte de refuge pour ces derniers mutants indésirables en société. Cette destination bâtie sur des suppositions, c’est celle que s’est fixée la jeune X-23, petite fille traquée par une armée de mercenaires impitoyables, qui va venir quémander de l’aide auprès de Logan, devenu chauffeur alcoolique et boiteux. Il va s’y résigner contre son gré et par la force des événements. Tout le film consiste en une fuite en avant perpétuelle, entre l’épreuve du deuil d’une époque révolue, d’une saga sur sa fin, et surtout celle d’un héros qui livre une prestation émouvante dans son vœux de renoncement. Le bougre n’a cependant rien perdu de sa résilience au combat, au contraire, il n’est plus qu’une bête furieuse dont le peu de bonté est obscurcit par des carnages sanguinolents.
Oui Logan est un film sauvage aux antipodes de ce que l’on voit habituellement, où les têtes volent, où la chair porte les stigmates de ces affrontements et ne cache rien des conséquences, fussent-elles trop choquantes pour un public dans le déni de deux décennies de tueries, dont les studios préféraient cacher l’impact pour ne pas s’aliéner les associations familiales. Non, il ne s’agit pas seulement d’un simple argument de vente pour attirer le chaland. Le road-movie se prête d’ailleurs parfaitement à cette virée désenchantée en abordant une thématique au moins aussi vieille que le western qu’il référence, livrant la face cachée d’une œuvre de fiction (les comics), où les vrais héros de chair et de sang finissent par agoniser et mourir dans l’indifférence, éclipsés par leur représentation papier.
L’œuvre porte également en elle un désir de transmission auprès d’une nouvelle génération dont la rédemption de Wolverine s’en fera l’écho. Finalement, c’est bien avec ce chemin de croix que Logan va trouver son salut et pouvoir enfin tirer sa révérence comme il se doit. Il est dorénavant question d’affronter ses vieux démons, personnifiés par un clone mutagène de lui-même, probablement le seul réel adversaire pouvant encore lui causer du tort après tous ces torrents de larmes et de sang. Un dernier éclat de fureur pour un acteur ayant tout donné y compris sa santé. On échappe pas à son passé et encore moins à son destin. X