
Réalisateur : Tony Giglio
Année de Sortie : 2020
Origine : États-Unis
Genre : Enfer et Gros Flingues
Durée : 1h36
Le Roy du Bis : 4/10
Resurrection of Evil
Les grandes majors ne rendent jamais les armes quand le jeu en vaut la chandelle. Plusieurs jeux vidéo ont eu le droit à de nouvelles adaptations cinématographiques au cours des dernières années : Tomb Raider, Uncharted, Resident Evil, Sonic, Super Mario Bros… Mais le FPS reste un genre vidéoludique à part entière. Son point de vue totalement immersif reste par essence assez difficile à restituer sans avoir recours à la caméra portée. Hardcore Henry l’avait fait à l’aide d’une go-pro pour un résultat assez spectaculaire. Mais il s’agissait d’un concept jusqu’au-boutiste. Le Reboot de la franchise vidéoludique Doom était donc l’occasion pour les exécutifs hollywoodien de ré-ouvrir les portes de l’Oblivion.
L’Enfer de la VOD
Les survival horror se sont notamment adaptés à ces codes au cours de la dernière décennie (Amnesia, Penumbra, Resident Evil 7 Biohazard, Slender Man, Alien Ssolation), renforçant le sentiment d’isolement et de peur. L’influence du Found footage n’y est certainement pas innocente, surtout dans le cadre de certaines productions comme Outlast. Néanmoins, la majorité des FPS restent très largement orientés action. Doom reste d’ailleurs l’un de ses plus iconiques représentants tant son succès à peser sur l’industrie du jeu vidéo, et influencé toute une génération de «doom-like» (Unreal Tournament, Half-Life, Red Faction, etc). Le gameplay est assez véloce ; il ne faut pas hésiter à bouger, ou à faire preuve de verticalité en burinant la gâchette comme un désaxé pour venir à bout des vagues d’ennemis.
L’œuvre fut d’abord adaptée au cinéma en 2005 avec Dwayne Johnson, mais l’échec critique et financier refroidit considérablement la Universal de renouveler l’expérience. Pourtant, le revival récent de la franchise vidéoludique avait dû suffire à motiver le studio de produire une nouvelle itération pour une sortie reléguée aux tréfonds de la VOD. Sans le soutien de Bethesda et avec seulement 4 millions pour concrétiser cette vision infernale, Doom Annihilation relevait tout bonnement d’une mission suicide. Armé des meilleurs intentions Tony Giglio et son casting de second couteaux (Louis Mandylor le petit frère de Costas l’enquêteur tortionnaire de la saga Saw, Amy Manson une actrice burnée aux faux airs de Amy Adams, Amar Chadha-Patel…) allaient droit dans un piège mortel.

L’histoire reprend plus ou moins fidèlement celle de l’illustre Doom 3. Une escouade de space-marines est envoyée non plus sur Mars mais bien sur son satellite Phobos afin d’assurer la sécurité des équipes de recherches de l’UAC, travaillant sur un projet de téléportation quantique top secret. Mais l’expérience va ouvrir le portail vers une dimension infernale d’où vont émerger des forces démoniaques semant le chaos au sein de la station. Les soldats devront donc batailler ferme face à des hordes de zombies déchaînés et des créatures de l’enfer, et empêcher l’infâme Docteur Betruger de mettre ses plans à exécution. L’intrigue mêle également une pseudo quête de rédemption (l’héroïne patriotique cherchant à se racheter d’une faute passée) à cette apocalypse pandémoniaque.
Suicide Squad
Doom Annihilation assume totalement son argument de série B et tente même de se faire plus gros qu’il ne l’est à travers une série de décors dignes d’un lasergame. Les acteurs sont tous des stéréotypes (l’ancien marine reconverti prêtre religieux, le docteur machiavélique atteint d’une folie des grandeurs, le grand gaillard qui s’avère être le plus couard) destinés à mourir au champ d’horreur. Dans ces conditions, tout semblait réuni pour orchestrer un excellent jeu de massacre gore, sanglant et jubilatoire. Malgré les efforts déployés par le réalisateur et quelques effets visuels plutôt convaincants (l’arrivée du vaisseau spatial aux abords de la station, le portail interdimensionnel) les choses se gâtent assez rapidement faute d’une mise en scène peu inventive et d’une direction artistique d’un trop petit calibre.
Si les environnements cloisonnés de la station évoquent pour certains ceux de Doom 3 (on pense notamment à l’Usine Enpro où les couloirs des laboratoires maculés de sang et de corps), les effets d’éclairage, la gestion du cadre et de l’espace annihilent tout sentiment d’isolement et de claustration. De plus le sound design atmosphérique du jeu restait une masterclass qu’aucune de ses deux adaptations cinématographiques n’auront su restituer, préférant mettre l’emphase sur l’action décérébrée.
Reste tout de même le plaisir de retrouver une grande quantité d’effets pratiques (costumes en latex, monticules de corps et effets gores), chose assez rare en 2019 surtout dans une production de cet acabit. Ambitieux, Tony Giglio va même jusqu’à pousser le vice d’entre-ouvrir les portes de l’enfer afin d’y envoyer son héroïne désintégrer des hordes de démons au BFG. Cette séquence qui aurait dû constituer le point d’orgue du récit tend à ramener le film dans sa médiocrité pécuniaire et à occulter ses quelques points forts.