
Réalisateur : Roger Spottiswoode
Année de Sortie : 2000
Origine : États-Unis
Genre : Clonage Déficient
Durée : 2h03
Thibaud Savignol : 4/10
Double Je
Appartenant au registre de la science-fiction, À l’aube du 6ème jour ne pouvait deviner à sa sortie en 2000 à quel point il se révélerait prophétique. Le grand méchant du film n’est autre que Michael Drucker, un riche mégalo basant toute sa réflexion et son entrepreneuriat sur l’immortalité que peuvent procurer les clones humains. On comprend mieux maintenant la recette de notre célèbre présentateur vedette français quant à sa longévité à l’antenne, refusant de disparaître des écrans.
Un Schwarzy peut en cacher un autre
Mais de l’autre côté de l’Atlantique, au tout début du nouveau millénaire et avec tous les fantasmes que cela implique, c’est Adam Gibson (Arnold Schwarzenegger) qui se retrouve confronté à son clone lorsqu’il rentre chez lui tranquillement après une journée de boulot. Aussitôt, des mercenaires le traquent et cherchent à l’éliminer. Alors que ces clones sont supposément interdits suite aux potentiels dangers éthiques et économiques que cela implique (les riches deviendraient immortels au profit des classes inférieures), se trame dans l’ombre les magouilles d’une multinationale bien décidée à imposer leur fabrication. Le synopsis parfait pour l’acteur autrichien, également producteur, d’embraser un ego-trip à la mesure de sa stature (il joue Adam Gibson et son clone), comme le fera 20 ans plus tard Will Smith dans Gemini Man.
Si Joe Dante devait dans un premier temps s’occuper de la réalisation, et on aurait préféré, c’est finalement au britanno-canado-americano-irlandais (sic!) Roger Spottiswoode que le bébé sera confié. Monteur chez Peckinpah pour les Chiens de Paille et chez Walter Hill pour Le Bagarreur, ce joli CV lui permet d’accoucher en 1980 du très mollasson Le Monstre du Train, où Jamie Lee Curtis s’imposait comme la Scream Queen définitive de son époque. Mais c’est avec Demain ne meurt jamais en 1997 que le réalisateur touche le jackpot, devenant immédiatement bankable aux yeux des investisseurs. Un instant de gloire éphémère, À l’aube du 6ème jour étant un flop à sa sortie. Et on ne peut pas vraiment donner tort aux spectateurs.

Après une introduction furieuse sur le rapport au clonage dans cette société post-futuriste/dystopique (on ne sait jamais vraiment), le long-métrage s’enlise lors d’une exposition gauche et longuette, entre famille bien sous tous rapports et chef d’entreprise parfait. Ce faux-rythme s’emballe enfin avec la découverte du clone, mais fonce si rapidement tête baissée, qu’au bout d’une heure de projection, on se demande encore ce que le film peut nous raconter. C’est bien là le souci majeur du projet. Comme nombre de films estampillés Cyberpunk, bénéficiant d’un pitch accrocheur (le clonage comme dépossession de notre identité), l’action et les intrigues classiques prennent ensuite le pas, jouant davantage de l’argument comme une ficelle narrative que comme un véritable enjeu filmique.
Durée artificielle
Affichant une durée abusive de plus de deux heures, le film s’embourbe dans sa seconde partie, répétant ad nauseam péripéties et dialogues quasi à l’identique. Il apparaît comme un tunnel infinissable, où les retournements s’enchaînent et sont étirés jusqu’à plus soif. Le rythme se veut alerte, trépidant, mais semble avant tout le résultat d’une mécanique bien huilée, sans surprise.
Rien n’est foncièrement mauvais, et si quelques scènes d’action valent le détour (notamment au siège de l’entreprise), on se surprend à regarder plusieurs fois sa montre lors de la dernière ligne droite. On retiendra cet instant suspendu, où la femme du scientifique interprété par Robert Duvall (sûrement là pour payer ses impôts), décide d’arrêter de se faire cloner, se sentant prisonnière des sentiments et du vécu d’une personne qu’elle n’est pas. Un geste poétique, évoquant une possible âme propre à chaque individu, impossible à dupliquer, qui nous définit comme des êtres uniques.
Dans le fond, Roger Spottiswoode porte avec lui tout ce cinéma paranoïaque américain du siècle passé. La peur de voir un double parfait de nous-même qui vole notre vie n’est pas sans rappeler L’Invasion des profanateurs de sépultures, et toute cette SF anticommuniste des années 50. Citons également La Chose d’un autre monde, ou son remake The Thing, qui illustraient l’idée d’un communisme insidieux rongeant de l’intérieur la société américaine, où votre voisin pouvait s’avérer être devenu un rouge. Le metteur en scène en applique ici tous les codes (jeu sur l’identité, doublons, traque) pour l’adapter à des thématiques plus modernes (L’URSS est tombée depuis). La brebis clonée Dolly a bouleversé notre rapport à nous-même, et a peut-être déchaîné une boîte de pandore qui n’était pas censée être ouverte.