Réalisateur : Ti West
Année de Sortie : 2009
Origine : États-Unis
Genre : Horreur
Durée : 1h27
Le Roy du Bis : 6/10
Thibaud Savignol : 7/10
Cat Scratch Fever
Le plaisir coupable se définit par ces films mal aimés dont l’on connaît la qualité douteuse, mais qui nous font quand même vibrer. Parce que liés à un souvenir d’enfance, une émotion ou un spectacle ô combien jouissif. On a chacun les nôtres, on en rigole, on les assume. Mais il y également ces films détestés par la grande majorité et pour lesquels on ne comprend pas le rejet. Des films dont la notation catastrophique sur les internets nous interloque. Des films qui offrent pourtant aux spectateurs ce qu’ils sont venus chercher, en ayant même la bonne idée de proposer davantage. Exemple ici avec ce Cabin fever 2 réalisé par Ti West. Troisième effort après le moyen mais encourageant The Roost et l’invisible Trigger Man, le réalisateur américain obtient enfin les moyens de ses ambitions. Bien qu’il soit aux manettes d’un projet de commande, il parvient à participer à l’écriture du scénario, étant lui-même le scénariste de ses précédents efforts. Loin d’être un yes-man sans âme, Ti West n’entend pas tronquer sa vision du genre sur l’autel du pognon.
Plutôt que de répéter une formule qui a fait ses preuves (le premier opus d’Eli Roth, solide série B, a connu un joli succès), le script a l’intelligence de s’en éloigner. Là où Cabin Fever proposait un huit clos sale et oppressant en pleine forêt, Ti West, à l’instar de Predator 2, déplace son terrain de jeu vers la petite bourgade américaine typique. Un décor devenu commun pour le cinéphile endurci depuis le renouveau du film d’horreur des années 70 (Halloween, Les Griffes de la Nuit…). Il n’oublie cependant pas la continuité en récupérant le survivant du précédent opus là ou on l’avait laissé, soit agonisant au bord d’une rivière. Un survivant qui ne fera pas de vieux os puisqu’il se fera littéralement explosé par un bus scolaire dans une gerbe de sang comme seul le cinéma en a le secret. Arrêt sur image, le titre s’affiche. Ti West entame à présent son propre film, débarrassé de l’influence de son prédécesseur. Le superbe générique animé et musical nous laisse voir le parcours du virus, de la forêt jusqu’à la ville via le réseau d’eau du comté. Autre choix pertinent de la part du réalisateur, cultiver un suspens qui ne joue pas sur l’apparition d’une potentielle menace mais plutôt sur le moment où celle-ci va éclore.
Pour ce faire, il crée une galerie d’archétypes lycéens suffisamment attachant pour passer outre leur caractérisation sommaire ainsi qu’un officier de police qui enquête sur l’infection en cours. Sorte de magouilleur dégénéré, il apporte une vraie dimension comique au film. Car contrairement au précédent, en grande partie premier degré dans son approche de l’horreur, le second se veut beaucoup plus absurde, greffant le teen movie US au film gore. Le bal de fin d’année est donc l’occasion pour les conflits larvés d’adolescents en rûte d’exploser sur la piste de danse. Après une mise en place rythmée par les peines de cœur et les pulsions hormonales, conclut sur un montage alterné au son endiablé de Born to be Alive, le film bascule dans le spectacle grand guignolesque.
Virus oblige, on a le droit aux cadavres sanguinolents en décomposition, aux gerbes de sang purulentes et aux déformations corporelles avant que les différents se règlent à coup de couteau ou d’éclatement de tête. Derrière l’exagération propre au genre se dessine une certaine méchanceté sur les rapports humains. Le chaos engendré laisse place aux pulsions animales, à l’individualisme. Et quoi de mieux pour l’illustrer que de pervertir le bal de fin d’année, le fameux «prom night», symbole d’une jeunesse américaine complètement paumée ?
Cabin Fever 2 fait ainsi partie de ces suites meilleures que l’original. Ti West détourne le concept anxiogène de son modèle, sans en altérer les fondements, pour livrer un film sanglant et terriblement grinçant. S’amusant à détourner les codes du film d’ados au profit d’un jeu de massacre jouissif où chacun en prend pour son grade, de la bimbo au meilleur pote libidineux, le réalisateur réussit son entrée dans la cour des grands. Il fait partie de ces réalisateurs capables d’apporter leur patte à des genres ultra-codifiés, que ce soit à travers une idée de plan, un enjeu de mise en scène ou par un script plus malin que la moyenne. Il y a toujours ce supplément d’âme, de talent qui fait la différence. Un film donc injustement méprisé, qui constitue pourtant le haut du panier de la série B horrifique et corrosive. En lui donnant sa chance, les producteurs ne se sont pas trompés. Premier coup d’éclat, le premier d’une longue série.