Réalisateur : Derrick Borte
Année de Sortie : 2020
Origine : États-Unis
Genre : Thriller Routier
Durée : 1h30
Le Roy du Bis : 8/10
Thibaud Savignol : 7/10
OK Boomer
Il y a des gens qui s’embellissent en vieillissant tel un grand vin, et d’autres qui se mettent à ballonner à cause du régime steak frites de chez Buffalo Grill. Un phénomène d’obsolescence naturelle qui tend à s’accentuer avec le poids des années. On y passe tous. Le plaisir de retrouver un acteur de la trempe de Russel Crowe dans une série B de cette envergure demeure intact malgré sa déchéance progressive dans le milieu Hollywoodien. Il était devenu un sexe symbole pour les femmes et un modèle de virilité pour les hommes après son oscar reçu pour Gladiator. Quelques problèmes comportementaux et propos polémiques auront participé à le rendre d’autant plus antipathique que le bougre s’est considérablement empâté depuis les années 2000.
Quoi de plus logique finalement pour lui que d’incarner la figure de proue d’une frange de la population misogyne et réactionnaire gâtant le panier d’une génération qui ne se reconnaît plus dans une époque où les incivilités deviennent banalisées. On s’entre-tue désormais sur la route pour une simple queue de poisson, une mauvaise appréciation ou un mot plus haut que l’autre. Le Road Movie Killing avait besoin d’une franche piqûre de rappel depuis Hitcher et Duel. On aurait pu redouter que cet héritier ne soit qu’un décalque urbain plus lisse et aseptisé. Soyez néanmoins rassurés, Derrick Borte ne fait aucune concession quitte à se complaire dans une brutalité politiquement incorrecte, ou presque.
Tom Cooper est un homme recru, dépossédé de son emploi et accablé par le coup d’un divorce. Il est aussi sujet à des pulsions nerveuses et violentes que les calmants ne parviennent plus à réprimer. Dès l’introduction, le personnage dérape en abattant sa vengeance sur son ex-femme et son nouveau compagnon ayant refait leur vie ensemble. Tout le récit sera innervé par ce conflit larvé, permettant d’offrir aux spectateurs le genre de boogeyman dont les médias se complaisent à dépeindre et à vilipender, au plus grand bonheur d’une société castratrice, exaspérée d’un patriarcat vieux comme le monde.
L’automobiliste enragé est donc un monstre engendré par notre société qu’il blâme pour ses erreurs, ce qui permet au réalisateur d’en faire un pur argument de série B. Le film s’apparente autant à une lutte intergénérationnelle qu’à une guerre des sexes, où la vision d’un homme peu enclin à se remettre en question se confronte à celle d’une trentenaire qui assume seule son rôle de maman coupable d’une légère incivilité au volant. Tandis que le quinquagénaire somme à notre héroïne de s’excuser après un simple coup de klaxon, celle-ci refuse, l’occasion de lui livrer un pamphlet moralisateur et de lui donner une leçon qu’elle n’est pas prête d’oublier.
«Je ne crois pas que vous sachiez réellement ce que c’est qu’une mauvaise journée, mais vous allez le découvrir…»
Unhinged comporte son lot de courses poursuites et de séquences spectaculaires, accentué par un montage rentre dedans. Évidemment la police va courir après le méchant sans jamais parvenir à l’arrêter dans sa croisade envers et contre tous. La violence tend à s’accentuer au fur et à mesure de l’avancée du récit, Cooper prenant un malsain plaisir à élever son body count de victimes dans l’entourage de Rachel, qui tente par tous les moyens de protéger son fils jusqu’au cœur d’une banlieue tentaculaire. Un cadre de vie résidentiel qui cristallise parfaitement cette bulle d’anonymat sécuritaire mais néanmoins artificiel dans laquelle les américains pensent pouvoir se réfugier en toute sécurité. Si Rachel finit par emporter la décision dans une ultime confrontation où les adversaires se rendent coup pour coup, cette dernière aura au moins appris à montrer plus de courtoisie au volant.
Le film s’inscrit parfaitement dans le contexte anxiogène actuel, marqué par les dérives sociétales que peuvent parfois constituer certains mouvements alarmistes diffamatoires (coucou #MeToo), la surmédiatisation, et l’avènement des réseaux sociaux. Situer l’action dans un cadre urbain déshumanisé par les réactions individualistes des gens qui préfèrent filmer un fou furieux asséner de violents coups de couteaux dans le crâne d’un homme en plein restaurant plutôt qu’intervenir, termine de transformer le long-métrage en série B méchante et misanthrope.