
Réalisateur : Ridley Scott
Année de Sortie : 2000
Origine : États-Unis / Royaume-Uni
Genre : Gladiateur Révolutionnaire
Durée : 2h35
Le Roy du Bis : 10/10
Thibaud Savignol : 7/10
Au Champ d’Elysium
A l’occasion de la sortie triomphante de Gladiator II, replongeons-nous dans le millénium, à une époque où le néo-péplum de Ridley Scott emportait tout dans son sillage de fumée noire, raflant cinq statuettes aux Oscars, glanant éloges et réputation résonnant pour l’éternité. Gladiator a en effet permis de redorer un genre tombé à l’état de disgrâce, ouvrant la voie à une ère numérique, où spartiates, grecs, perses et troyens s’échangeront des pointes acérées et noms d’oiseaux dans l’ivresse sanglante, au nom de l’entertainment hollywoodien.
Force et Honneur
IIème siècle après Jésus Christ, l’Empire Romain s’échine dans une campagne aux confins de la forêt germanique face à une horde de barbares peu enclins à se laisser féoder. Les pourparlers virent au concert de jets des archers et catapultes incendiaires, auquel se mêle la cavalerie zélée du général Maximus. Au cœur de la mêlée s’affrontent colosses et barbares hirsutes face aux cohortes de légionnaires en armures segmentées. Les fers s’entrechoquent et les lames pénètrent les corps frigides de ces combattants, emportés par le score symphonique de Hans Zimmer menant les latins vers une victoire acharnée, une fois encore pour la gloire de César.
Sentant sa fin arrivée, l’illustre empereur Marc Aurèle souhaite léguer sa couronne de laurier à son protégé dans le but de restituer le pouvoir au sénat. Rome étant avant la prise de pouvoir du triumvirat une république établie par le peuple, pour le peuple. Mais Commode, jaloux du prestige de son meilleur rival, assassine son vieux père pour usurper son trône. En refusant de lui prêter allégeance, Maximus se condamne à un long chemin de croix. Pourtant, les Dieux ont d’autres projets pour celui qui se fera surnommer l’Espagnol dans les arènes Mauritaniennes. L’esclave devra alors se battre pour venger la mort de ses proches et libérer Rome de la tyrannie.

Il est beau, il est fort, il sent bon le sable chaud et la sueur. Russel Crowe n’a pas son pareil pour fracasser du marcoman et trancher des jugulaires en éructant dans l’euphorie guerrière. Le personnage viriliste bande les muscles, inspire, impose le respect de ses pairs, incarne toutes les plus nobles et grandes valeurs du héros hollywoodien («force et honneur») autrefois véhiculées par le légendaire Kirk Douglas de Spartacus. Dans les sandales d’un autre acteur, l’interprétation aurait pu sonner le glas de cette tragédie grecque où vieux ennemis se renvoient des répliques cinglantes à même de vous glacer les vertèbres. Pardonnera t-on un jour à Joaquin Phoenix de nous avoir infligé autant de colère, de haine et de chagrin ?
Naissance d’un héros
L’histoire repose sur le mono-mythe occidental, celui d’un esclave ayant eu le courage de s’élever et de défier un empire. Cette dramaturgie (parricide, putsch politique, deuil, infamie, inceste, exil et vengeance) digne d’un show de la WWE, ne pourra se régler que dans l’arène face à une plèbe capricieuse et sanguinaire. En vulgarisateur, Ridley Scott se soucie peu des enjeux historiques, tant que cela lui permet d’orchestrer une série de combats épiques et des ballets pyrotechniques. Si ses quelques intrigues de palais, trahisons et ramifications politiques pour les nuls tendent à se complexifier dans la version longue (non approuvé par le réalisateur), reste que le cœur du métrage réside bien dans le sable du Colisée.
Tourné en 35mm, Gladiator est un film hybride, délestant l’héritage d’un genre que le réalisateur a tenté de revitaliser à l’aide d’une mise en scène moderne. Il alterne les prises de vues immersives en caméra portée, les travellings et plans larges, les reconstitutions grandiloquentes et transitions oniriques aux accents Malickiens : ces prises de vue aériennes dans une cité romaine maquettée et reconstituée numériquement, ces paysages et ciels crépusculaires, tout comme un montage alterné ouvrant les portes sur un au-delà figuré). De la même manière, les effets pratiques et cascades se conjuguent aux raccords numériques souvent imperceptibles (le duel à mort au milieu des tigres enchaînés dans l’arène, les doublures de l’acteur Oliver Reed décédé en cours de tournage). Ce mariage des styles et des technologies de l’image resteront toujours au service du spectacle et trouveront leur parfait équilibre grâce à un montage à la fois incisif et sensoriel.
Afin de parfaire le tableau de cette fresque épique, Hans Zimmer livre l’un de ses meilleurs scores symphoniques, passant du grondement au tintamarre des champs de batailles, à des accents tragiques et romanesques, à même de faire frissonner un public harangué par la frénésie meurtrière et vengeresse d’un homme qui fera tout pour atteindre son champs d’Elysium.