
Réalisateur : Guy-Roger Duvert
Année de Sortie : 2016
Origine : États-Unis / France
Genre : Quête du Réel
Durée : 1h32
Thibaud Savignol : 3/10
Espoirs déçus
Sortie nationale le 16 octobre 2016, sur un parc hallucinant de … 4 salles. Voilà à quoi en était encore réduit le cinéma de genre il y a une dizaine d’années en France. Les choses ont pas mal bougé depuis, grâce à un intérêt renouvelé pour le violent, l’étrange et le bizarre. Peu importe si certains journalistes autrefois vindicatifs ont depuis retourné leur veste, ou si des réalisateurs s’en emparent davantage pour y proposer une lecture sociétale un brin pompeuse. Peut-être que cet opportunisme s’effondrera un jour, mais en tant que défenseurs en ces pages de ce cinéma à la marge, on ne peut que se réjouir face à autant de nouvelles propositions.
Relocalisation
Mais durant la décennie précédente, il était encore difficile d’imposer ce genre de visions aux producteurs et exploitants frileux. Remarqué pour son court-métrage précédent Cassandra, entre le trip médiéval et le jeu de rôle grandeur nature, Guy-Roger Duvert enfile ici les casquettes de producteur, scénariste, réalisateur et compositeur pour son premier long-métrage. Cherchant avant tout des fonds en France, il devra compléter son budget aux States, faute de susciter un réel intérêt dans nos contrées. Et les fameuses 4 salles qui ont daigné projeter le résultat final, c’est Guy-Roger lui même qui est allé les démarcher.
Virtual Revolution témoigne d’une envie ambitieuse d’imposer la SF à la française sur la scène internationale : 3 millions de dollars de budget, casting cosmopolite, film tourné en langue anglaise et effets visuels ostentatoires comme carte de visite assumée. Mais encore une fois, passées les premières minutes au cœur d’un monde virtuel, le retour à la réalité n’aura de cesse de citer son modèle Blade Runner : enquêteur ténébreux habillé d’un imper sombre, plans larges de la ville futuristes, nappes de clavier, ou encore ces éclairages façon stores vénitiens, marque de fabrique du classique de Scott maintes fois re-pompés.
Surtout, le personnage principal est affublé d’une voix-off. Cela renvoie directement à la première mouture de Blade Runner sortie en 1982, bien avant le director’s cut quatre ans plus tard puis le final cut définitif de 2007. Un hommage appuyé durant 1h30 mais qui fatalement ne peut tenir la comparaison en regard de ses limites financières. Beaucoup de séquences se déroulent ainsi en intérieur, le peu d’extérieurs se limitant à quelques quartiers désertés ou à une ruelle simulant une intense activé à travers trois stands et quatre péquenauds.

En effet, en 2047 la plus grande partie de la population est accaparée par les mondes virtuels. Un arc redoutablement pragmatique, qui permet de justifier l’absence d’une cité surpeuplée. On fait comme on peut avec son budget. En parallèle, Nash, un hybride qui partage son temps entre réel et virtuel, est chargé de traquer des terroristes qui menacent le système. Pas d’androïdes en quête d’émancipation ici, mais une odeur de néo-noir et un complot ourdi dans l’ombre.
Spoon Runner
Si les effets visuels ne déméritent pas grâce à l’équivalent du budget cantine sur Avatar, difficile de fermer les yeux sur la suite du métrage, qui rate à peu près tout ce qu’il entreprend. Louable est l’intention de marier cyberpunk pur et dur à une réflexion sur les univers virtuels, mais le scénario se prend rapidement les pieds dans le tapis. D’une trame en apparence simple, et justement prétexte à proposer une vision futuriste singulière, le récit complexifie la moindre péripétie, jusqu’à rendre le tout inepte. La réalisation, notamment côté «online», affiche une identité très fan-fiction, malheureusement assez cheap et dépourvue d’ambition (les innombrables champs-contrechamps).
Quant aux acteurs, ils font ce qu’ils peuvent, sûrement pas aider par les épuisantes tartines de répliques. On arrive ainsi à l’énorme point noir du film, ses dialogues. Quasiment l’intégralité du texte vire à la sur-explication. Tout est surligné en permanence, chaque phrase cherchant à expliciter l’univers mis en place, à justifier les actions des personnages ou à légitimer les ramifications du récit. L’effet pervers, c’est qu’au lieu d’éclaircir les zones d’ombre, le procédé rend l’ensemble davantage illisible, voire indigeste.
Le résultat final apparaît extrêmement bavard. On peut estimer qu’une grosse partie de l’argent rassemblée a été attribuée aux effets visuels et costumes, devant alors composer avec un casting de seconde zone et peu de temps alloué au développement du script. Cette réplique où Nash interrompt son interlocuteur, lui reprochant son long monologue, n’en apparaît que plus savoureuse, presque ironique sur l’œuvre elle-même.
Virtual Revolution se rattrape in extremis par son final d’une noirceur assez surprenante, presque désenchantée, maltraitant sans ménagement son protagoniste. Un sursaut pertinent, notamment dans le traitement de ses thématiques (le film flirtait avec le discours anti-virtuel dans son premier acte), politisées bien qu’un peu timides (le système entretient le monde virtuel pour dépenser moins par citoyen en terme de droits sociaux), mais qui survient bien trop tard après une heure et demie de projection compliquée. On louera éternellement ce genre de prise de risque et de proposition personnelle, trop rare par chez nous. Mais cela n’empêche pas pour autant d’avoir eu les yeux plus gros que le ventre.