Réalisateur : Gary Sherman
Année de Sortie : 1972
Origine : Royaume-Uni
Genre : Horreur
Durée : 1h28
Le Roy du Bis : 7/10
Mind the Door !
À l’arrivée des années 70, la Hammer bat de l’aile et peine à se renouveler face à la concurrence de la Amicus. Le public versatile semble désormais lassé de Frankenstein et du comte Dracula. L’heure est à l’horreur intimiste, celle qui s’immisce dans la réalité du quotidien et pour cause, le climat d’insécurité est palpable aux États-Unis, marqué par les tueries de masse au Texas, les meurtres du Zodiaque et de la Manson Family, sans même parler de la sauvagerie des soldats américains dans le conflit vietnamien retransmis en mondovision. La période est au désenchantement du monde et Le Métro de la Mort annonce mine de rien le futur Massacre à la Tronçonneuse de Tobe Hooper mais surtout La Colline a des yeux de Wes Craven avec qui il partage un fait divers commun.
Le film participe indirectement à cette nouvelle mouvance initiée par des auteurs tels que George Romero avec La Nuit des Morts Vivants, duquel suivront Délivrance, L’Exorciste ou bien La Dernière Maison sur la Gauche. Si le film de Gary Sherman n’est pas aussi connu que ces derniers, c’est parce qu’il s’inscrit dans un cadre totalement différent, celui du métro londonien. L’horreur britannique est alors engoncée dans l’épouvante gothique mais le réalisateur américain tente de la dynamiter avec une approche plus sociale, d’où le choix de tourner dans des décors naturels, et notamment une station de rame désaffectée. Le coup est double puisqu’il permet de faire des économies de budget mais également de restituer l’atmosphère crade et sordide des lieux.
Alors qu’ils rentrent chez eux, deux étudiants tentent d’alerter un garde après avoir vu un homme gisant dans les escalier de la station. Ils décident de revenir sur leurs pas pour lui porter assistance, mais à leur arrivée le corps s’est volatilisé. Celui qu’ils ont confondu avec un vieux poivrot était en réalité un membre éminent du gouvernement. L’inspecteur Calhoun en est alors convaincu, cette enquête est à corréler avec d’autres disparitions non résolues dans cette partie du métro. Les investigations remonteront jusqu’aux origines de sa construction. L’historique des lieux révèle une catastrophe marquante qui pourrait expliquer la longue série d’enlèvements.
Suite à l’effondrement de la station avenante du British Museum en 1892 et à la faillite de la société en charge des travaux, plusieurs familles d’ouvriers furent ensevelies sous les décombres et à jamais abandonnés à leur sort. Près de cent ans plus tard, le dernier descendant survit en kidnappant des gens avant de se repaître de leurs chair putréfiée qu’il stocke dans un garde manger envahi par les rats. Ce cannibale assiste impuissant à la mort de sa femme atteinte d’une peste septicémique, le contraignant à s’aventurer toujours plus loin dans les souterrains et à agresser des employés. C’est lorsqu’il va enlever Patricia la jeune étudiante, pour tenter d’avoir des rapports avec elle et perpétuer sa lignée, que son existence sera révélée au grand jour.
Contrairement aux survivals brutaux et récits de survivants qui alimenteront les écrans tout au long de la décennie, Le Métro de la Mort adopte la forme d’une enquête policière au ton léger, en dépit de la gravité du sujet. On retrouve les caractéristiques so british, de la traditionnelle pause du thé aux sorties au pub en passant par un humour très anglais, ce qui détonne pas mal avec le drame qui se noue en son creux. De par son passé de militant socialiste, Gary Sherman cherche à insuffler à sa série B d’un peu de cet esprit critique et engagé, en établissant une hiérarchie pyramidale dans les rapports de ses principaux personnages, qui se retrouveront à un moment donné en situation d’infériorité. Chaque strate composant la société s’emboîte comme une sorte de poupée de matriochka : de sa communauté de cannibales reclus dans les décombres d’un souterrain aux usagers qui remontent le hub et n’affichent que du dédain pour les marginaux et sans abris qu’ils croisent en bordure de quai, jusqu’à l’inspecteur au ton gouailleur et condescendant qui aime bien rabaisser ses suspects ou ses subornés. Lui aussi sera rembarré par un agent plus huppé du MI5 qui lui interdira de marcher sur ses plates bandes.
L’injustice devient donc le cœur du sujet, et il est d’ailleurs affolant de constater que les autorités se décident à s’intéresser aux disparitions à compter du moment où l’affaire concerne quelqu’un d’important. En se plaçant autant en victime qu’en monstre de la société, l’ermite pathétique du film répugne autant par sa brutalité et son apparence qu’il émeut par ses actes désespérés et tentatives de sociabiliser avec une semblable en balbutiant l’expression « Mind the Door », seuls mots familiers entendu à la fermeture des portes du métro.