
Réalisateur : Alexandre Aja
Année de Sortie : 2006
Origine : États-Unis / France
Genre : Survival Bourrin
Durée : 1h47
Le Roy du Bis : 8/10
Thibaud Savignol : 8/10
Les Retombées
À Hollywood, on aime pas trop prendre des risques inutiles et les remakes constituent des retombées financières garanties. Massacre à la tronçonneuse, Halloween, Vendredi 13… Face aux revival du survival (Détour Mortel, Reeker, Wolk Creek), l’occasion était trop belle de remettre au goût du jour les premières œuvres du créateur de Freddy Krueger qui avaient largement souffert de leur manque de budget à l’époque. À la recherche d’une sensibilité qu’il qualifie d’européenne, le choix de Wes Craven se porte alors sur le jeune Alexandre Aja responsable du slasher Haute Tension avec son ogre campé par Philippe Nahon.
Féru de cinéma de genre, le cinéaste reprend les enjeux narratifs de son illustre aîné qu’il approfondit avec l’aide de son compère Grégory Levasseur, développant les effets de la radioactivité sur une communauté de mineurs vivant reclus dans les collines. Si le réalisateur français fait moins cas du sous-texte sociologique de Craven, son remake n’en reste pas moins politisé. « Nous sommes ce que vous avez fait de nous » clame ainsi un mineur irradié souffrant de sa monstrueuse condition. Cette famille de républicains arborant fièrement la bannière étoilée se retrouve donc confrontée aux démons de l’impérialisme américain. Abandonnés à leur sort, les familles victimes de radiations se sont mis à muter et à dévorer les touristes égarés, autant par revanche que par instinct de survie.
Dopé à l’uranium enrichi, La Colline a des Yeux version Aja est à proprement parlé une véritable tuerie. Barbare, gore, et sanguinaire, le film en appel aux instincts les plus viscérales et primaires, ciblant le cœur de la famille (séquestration, viole, meurtre, enlèvement) sans jamais mettre de gant. Dépourvu de la moindre distanciation, les séquences chocs du film original prennent une tournure plus dramatique grâce à l’attachement et à l’identification du public sur cette famille assaillies de toute part par les mutants (le viol, la mère dévoré par les cannibales, le patriarche brûlé vif). C’est dans cette caractérisation et ces nombreux excès sadiques que résident également la force de cette série B dépassant le cadre du film d’exploitation dont il est tiré.

Avec une meilleure maîtrise technique, moins de contraintes de temps et un budget plus décent, Alexandre Aja parvient à supplanter son prédécesseur en faisant jaillir l’horreur de son cinémascope. S’amusant à mimer son modèle durant sa première partie, Aja s’en émancipe dans la seconde, en envoyant son héros arpenter ce paysage désolé envahis de cratères afin d’affronter un véritable titan à armes égales. Le démocrate abandonne alors ses idéaux de fleur au fusil pour se complaire dans la sauvagerie. Cette lutte digne de David contre Goliath tend à s’inscrire dans la veine mythologique de Craven qui utilisait des noms de planètes pour caractériser son clan de chasseurs anthropophages.
Si Craven suggérait davantage qu’il ne montrait, le français n’hésite pas à horrifier en se vautrant comme son principal interprète dans une glacière pleine de corps en décomposition. La dimension sonore tend à accentuer l’isolement des protagonistes dans ces grands espaces et à renforcer cette sensation omniprésente de danger. Lorsque la violence éclate, la caméra colle au plus près de l’action, ne cachant rien de la férocité à l’œuvre grâce à un montage aussi incisif que brutal (l’attaque de la caravane).
Mais c’est aussi grâce aux maquillages du studio KNB et à la modernité de ses effets visuels que le réalisateur français parvient à transcender la radicalité de son sujet et à restituer l’essence transgressive qui contaminait les drive-in de l’époque. Peu emballé par la violence excessive du long-métrage, Wes Craven soumettra alors le film aux projections-test, mais les spectateurs comme la presse seront unanimes. Alexandre Aja remportera son pari au nez et à la barbe de son producteur ne mesurant plus les attentes d’un public qui ne s’est visiblement pas assagi avec le temps.



