
Réalisateur : Adam Simon
Année de Sortie : 1993
Origine : États-Unis
Genre : Dinosaures Mutants
Durée : 1h23
Le Roy du Bis : 6/10
Thibaud Savignol : 6/10
Attention Dino Danger
1993. Deux ans après la masterclass Terminator 2, un autre séisme allait révolutionner l’industrie cinématographique pour les prochaines décennies. À l’été sortait Jurassic Park, phénomène mondial qui aujourd’hui encore n’a pas pris une ride. En parallèle, dans le monde merveilleux de la série Bis, du budget low-cost et du système D, ce petit filou de Roger Corman avait eu le nez fin. Ayant acheté au début des années 90 les droits du roman Carnosaur de John Brosnnan et après avoir rédigé une première mouture pour le grand écran, il comprit rapidement que l’arrivée du mastodonte de Spielberg serait la fenêtre de lancement idéale à ce projet. Il était temps de mettre les bouchées doubles, c’est dire la vitesse de production pour une société habituée à tourner plus vite que son ombre.
Roger la Malice
Le Pape de la série B fit appel à Adam Simon, collaborateur fidèle qui adapta l’un de ses scripts avec Paranoïa Sanglante en 1990. Le jeune réalisateur, tout juste trentenaire, remodela profondément le script de Carnosaur, évinça de nombreux éléments d’origine, supprimant notamment la pléthore de dinosaures pour ne conserver que le Deinonychus et le célèbres T. Rex. Avec un budget de seulement 850 000 dollars et un tournage de 18 jours, difficile de verser dans la surenchère et la folie des grandeurs.
Côté casting, tandis qu’il ne trouvait personne pour interpréter le Dr Tiptree, le producteur décida d’en faire un antagoniste féminin. Le coup de génie fut surtout de proposer le rôle à Diane Ladd, avec qui il travailla en 1966 sur le film The Wild Angels. Cette dernière n’est autre que la mère de Laura Dern, bientôt définitivement starifier pour son rôle d’Ellie Sattler dans Jurrasic Park. Jamais à court d’idées malignes le père Corman. Comme d’avoir sorti son film un mois avant celui de Spielberg, afin de bénéficier indirectement du rouleau compresseur marketing d’Hollywood les semaines précédentes. Et il couronna ce sans faute de producteur chevronné en organisant la première au Wilshire Theater d’Ogden dans l’Utah, pour coïncider avec l’ouverture du nouveau Dinosaur Park de la ville.

Le récit s’intéresse au Doc Smith, devenu ivrogne suite à un passé trouble, réduit à passer ses nuits à surveiller des engins de chantier dans une caravane qui pue la gnole à des kilomètres. Désabusé et au bout du rouleau, sa rencontre avec de jeunes activistes environnementaux mettra (un peu) d’eau dans son vin. La fougueuse Ann Thrush va tenter de le sortir de sa torpeur nihiliste. En parallèle, le Dr Tiptree mène de sombres expérimentations secrètes sur des poulets. Une fois l’un d’eux échappé dans la nature, il se transformera en dinosaure tout en rependant un virus extrêmement dangereux. Le carnage peut alors commencer.
Save the Earth, Kill all Humans
Souvent considéré comme une série Z débile, un nanar de compétition, Carnosaur vaut bien mieux que sa triste réputation. Évidemment incomparable au chef d’œuvre de Spielberg, les deux films ne boxent absolument pas dans la même catégorie. On a ici affaire à une pure série B, au système D visible à chaque plan, mais qui ne l’empêche pas d’être sacrément bien emballée au vu des conditions de fabrication. Pas de palabres inutiles, de longueurs artificielles, le film ne cherche jamais à péter plus haut que son cul : quelques protagonistes, une poignée de décors, un enjeu unique et des péripéties qui s’enchaînent sans faiblir. On en demande pas plus.
Oui certaines situations prêtent à sourire (ces teenagers débilos en 4X4), et la gratuité de certaines mises à mort rappelle les bons slashers des années 80. Mais c’est bien là que réside la première surprise du long-métrage, ses exactions gores assumées. Le bodycount est sacrément généreux, et ça ne lésine pas sur les excès en tout genre : tête arrachée, membres mutilés, corps dévorés. Les amateurs de barbaques seront aux anges. Tout cela grâce aux effets de John Carl Buechler, plus ou moins réussis selon les séquences.

Un spécialiste au CV bien fourni (Trancers, Re-Animator, Le Cauchemar de Freddy) qui mixa animatroniques, acteur en costume et dino «taille réelle» avec une créature finale atteignant les 5 mètres de haut et 8 mètres de long. Des miracles accomplis malgré une enveloppe allouée pas bien épaisse. Certains mouvements sont cheap, notamment lorsque la créature est à ses balbutiements, plus mignonne que terrifiante. Mais l’inoubliable séquence façon disco (Le T. Rex dévore ses proies dans un labo inondé de lasers colorés) et l’affrontement final à la Aliens ou Basket Case 2 entre un monstre et un engin de chantier, amènent une folie qui efface les carences du long-métrage.
Mais surtout, au-delà d’un rythme impeccable et d’une mise en scène loin de la ringardise de nombreuses séries B (cadres soigneusement composés, travelling jouissifs, éclairages marqués), le film surprend par sa noirceur inattendue. Lorsque le virus commence à se propager, l’armée est envoyée pour contenir la situation. Débarquent alors des individus surarmés, masqués derrière leur combinaison de protection aux produits chimiques, qui ne feront pas de quartier envers les contaminés. Carnosaur rappelle ainsi le trop oublié La Nuit des fous vivants de George A.Romero, via une dernière partie d’un nihilisme détonant, où toute une population sera génocide pour endiguer la propagation du virus.
En parallèle se dessinent les véritables enjeux des recherches du Dr Tiptree. On ne divulguera pas tout ici, mais son projet à base de poulets déclenchant la naissance de dinosaures va plus loin qu’une simple lubie de scientifique frappadingue. Une motivation guidée par un profond dégout pour le genre humain et sa façon de traiter la planète. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que l’intrigue principale suit un mouvement de protestataires écologiques. Greta Thunberg peut aller se rhabiller, le vrai uppercut écolo c’est Carnosaur.