[Critique] – La Maison des 1000 Morts


La Maison des 1000 Morts affiche film

Réalisateur : Rob Zombie

Année de Sortie : 2003

Origine : États-Unis

Genre : Famille Psychotique

Durée : 1h29

Le Roy du Bis : 9/10
Thibaud Savignol : 7/10


Bienvenue à Zombieland


Faire saigner les oreilles du public ne lui suffisait pas. Rob Zombie a donc voulu investir le monde du cinéma afin d’inonder le public de ses tombeaux de rites satanistes, et de monstruosités. Après avoir pitché son concept de maison hantée à la Universal, le studio accepte non sans crainte de financer le film à hauteur de 7 millions. Avec une liberté créative totale, l’artiste aux multiples casquettes (chanteur-compositeur, illustrateur, réalisateur) se pare d’une œuvre baroque aux nombreux excès bariolés et névrotiques. Face au résultat, les exécutifs déchantent et refusent de le distribuer. Cet épisode va alors façonner la légende de La Maison des 1000 Morts, qui ouvrira finalement ses portes à un public en quête de sensations fortes. La suite de l’histoire est connue de tous. Lion’s Gate s’en portera acquéreur avant de se frotter les mains, imposant légitimement son réalisateur sur la scène horrifique des années 2000.

La Maison des Sévices

La Maison des 1000 Morts est une œuvre patchwork, un premier essai portant un amour inconditionnel à l’univers des freaks et au cinéma d’exploitation des années 70. A l’instar de Quentin Tarantino, Rob Zombie parvient à conjuguer toutes ses influences, qu’il intègre à un univers macabre baigné dans l’ambiance souffreteuse d’une fête foraine sanglante. Ce mariage improbable lui permet de forger sa propre identité et de s’émanciper de l’œuvre séminale de Tobe Hooper, dont le traitement diffère viscéralement. En effet, difficile de ne pas penser à Massacre à la Tronçonneuse 1 et 2 avec cette bande de jeunes freluquet aux prises d’une famille de tueurs complètement barjots. 

L’ambiance hystérique et malsaine s’impose dès l’introduction comme une grosse pantalonnade : deux braqueurs s’en prennent au propriétaire d’une station-essence. Les répliques incendiaires fusent autant que les noms d’oiseaux, avant qu’un complice n’interrompe les débats à coup de hache. Les positions s’inversent tel un jeu de chaises musicales. Les assaillants prennent la place des victimes et le commerçant celui du bourreau, jubilant à travers un éclat de rire sardonique. Cette entrée en matière présenté par un clown gouailleur à la trogne patibulaire, donne le ton d’un film qui oscillera sans cesse entre l’horreur et l’humour noir. 

La Maison des 1000 Morts critique film

Nous suivrons l’itinéraire d’un groupe de jeunes gens qui, à la suite d’une visite dans le musée des monstres et des malades mentaux du Capitaine Spaulding, vont tenter de percer le mystère d’une légende locale. Pour ce faire, Rob Zombie invente un folklore de toute pièce autour d’un croquemitaine (Doctor Satan) qu’il met en scène dans un train fantôme faisant l’apologie des pires serial killers de l’histoire des États-Unis : Gacy, Ed Gein et même l’infâme Albert Fish s’affichent dans des reconstitutions macabres digne d’un Disneyland sous acide. Évidemment, les visiteurs trop curieux finiront par tomber dans un traquenard fomenté par une autostoppeuse hystérique (Sheri Moon Zombie, la femme du réalisateur), leur offrant le gîte et le couvert.

À travers ses touristes exaltés, Rob Zombie tend le bâton au public pour mieux rouer de coup ses interprètes qu’il destine en victimes sacrificielles, s’amusant de leurs complaintes et martyrs avec une rare complaisance. La Maison des 1000 Morts tord le cou aux conventions du genre en faisant de ses antagonistes les véritables stars du show ; Otis, Baby, Tiny, etc… Tous les membres de la famille Firefly concourent à incarner le Mal laissé vacant par une série de productions post-modernes, ayant dévitalisé cette figure survivante aux nombreuses mutations du genre. Bill Moseley, célèbre pour son interprétation dans Massacre à la Tronçonneuse 2, s’assure de transmettre le relais en se positionnant comme le gourou de cette ménagerie de tarés, composant des abats-jours, masques et déguisements en peau humaine.

Alice in the World of Madness

Pour pallier à l’artificialité des nombreux slasher méta post-Scream et survival qui sévissaient alors sur nos écrans, Rob Zombie met à profit toutes ses connaissances techniques héritées de ses précédents clips. Un kaléidoscope de meurtres, de sévices, d’extraits de films, de journaux télévisés et d’apartés se télescopent via le montage rythmé sur une partition rock des 70’s. La Maison des 1000 Morts s’impose alors en théâtre des expérimentations les plus barges, nous plongeant dans l’hystérie artistique et récréative d’une mécanique morbide faisant écho à la folie de ses principaux interprètes, formant des compositions macabres et nouvelles espèces (le garçon-poisson) en lien avec ce cabinet des curiosités visité en début de récit. 

La Maison des 1000 Morts critique film

Ces visions infernales et dépravantes (on touche parfois à la nécrophilie) trouvent une cohérence narrative dans l’intrigue. Elles permettent de faire le pont avec les nombreuses disparitions non élucidés du comté de Ruggsville, perpétrées par cette famille de meurtriers qui ont fait de leur maison un véritable charnier de corps en décomposition. En cultivant cette esthétique snuff et domestique, Rob Zombie apporte davantage d’authenticité à cet objet filmique sortant des canons hollywoodiens alors en vigueur.  Cette alternance visuelle et sonore parasitée de motifs carnavalesques (saturation des couleurs, surabondance de filtre sépia, utilisation de split-screen, négatif et effet polarisant), confère au long-métrage des allures de cauchemar fantasmagorique, notamment dans sa dernière demi-heure, lorsque le cinéaste finira par plonger dans le trou du lapin blanc pour balancer ses derniers survivants au cœur d’un enfer cryptique. 

Le film devient même une brillante réflexion sur la mutation du cinéma de genre alors en passe de se convertir au numérique. En choisissant de recourir à plusieurs formats, allant de la pellicule à la bande magnétique (DV, 35mm, 16mm, Super 8), qu’il lie et raccommode en filmant parfois sa propre télévision, le réalisateur parvient à reproduire les défauts caractéristiques de ces deux supports (image granuleuse, neige magnétique, glitch, surexposition). Ce rapport fétichiste à l’image trouve une résonance particulièrement pertinente à la fin, lorsque les patients du Doctor Satan se feront triturer les méninges au bistouri avant de finir lobotomisés devant leurs écrans de télévision. D’une certaine manière, cette hybridation mène inévitablement à une dégénérescence du médium et de son public. Ne cherchez plus, c’est ici l’enfer. 

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