
Réalisateur : Rob Zombie
Année de Sortie : 2007
Origine : États-Unis
Genre : Slasher Saisonnier
Durée : 1h46
Le Roy du Bis : 9/10
Thibaud Savignol : 7/10
Le Mal Absolu
N’en déplaise aux puristes, Halloween : La Nuit des Masques a vieillit tout comme son réalisateur qui avait néanmoins posé les bases du slasher. À l’approche de son 30ème anniversaire, il était temps de dépoussiérer le film afin d’en produire un remake dans l’ère du temps. Il ne manquait plus qu’à trouver le profil le plus adapté à la reprise, sans que le résultat ne ternisse l’ADN de la franchise. Dans ces conditions, confier le masque à un cinéaste aussi clivant que Rob Zombie avait de quoi agiter la sphère cinéphilique tant ce dernier n’était pas tellement réputé pour accepter de faire des compromissions (La Maison des 1000 Morts, The Devil’s Rejects).
Derrière le Masque
Les studios souffrent toujours de la polémique quand il s’agit de toucher aux fétiches du public. Avec les frères Weinstein à la tête de l’entreprise, les velléités artistiques du cinéaste allaient forcément entrer en collision avec les impératifs de production. Si l’on a parfois coutume de parler de miracle de Noël, il n’est pas galvaudé de parler ici de miracle d’Halloween. Comparer ces deux versions reviendrait fatalement à les mettre en concurrence. Mais si l’envie nous prenait de le faire, nous pourrions facilement évacuer Big John de ce bras de fer tant le métalleux à dreadlocks le remporte haut la main. Car oui, Rob Zombie est le meilleur dès qu’il s’agit d’invoquer la terreur avec son croquemitaine se dérobant du cadre pour réapparaître l’instant suivant telle une furie vengeresse.

La plus grande force de ce remake réside dans l’étude psychologique de Michael Myers. Rob Zombie développe un véritable tissu social sur lequel il brode le quotidien d’un adolescent tourmenté au sein d’une cellule familiale dysfonctionnelle. Rien ne sera épargné au jeune Myers, subissant les railleries et humiliations quotidiennes d’une grande sœur nymphomane, supportant les coups et injures obscènes d’un beau-père alcoolique, et devant composer avec l’absentéisme de sa mère strip-teaseuse. À l’école les choses ne sont pas plus joviales pour l’adolescent chahuté par ses petits camarades de classe. Son refuge, il le trouvera dans la confection de ses masques et oripeaux et dans le fétichisme des carcasses d’animaux morts et faisandés.
Ce portrait misérabiliste insuffle un véritable malaise rapprochant le film d’un thriller horrifique. Les névroses et frustrations dont souffre Myers demeureront obscures, mais elles permettent néanmoins d’attribuer un visage à cette figure vaporeuse qui relevait autrefois du fantasme. Cette prise d’initiative périlleuse qui tend à démystifier le personnage permet au cinéaste de se frotter à son illustre prédécesseur en lui attribuant le même caractère mutique sans toutefois dissiper son aura maléfique. En explorant la part d’ombre de son enfance, Rob Zombie conditionne le public au drame à venir, dont il rejoue le massacre original n’épargnant que la petite Laurie, que son frère cherchera à retrouver 17 ans plus tard après s’être évadé de son asile.
Le Masque Sauvage
La seconde partie, plus classique, joue sur le même tableau de chasse que le film original à travers une mécanique de prédation effroyable et sauvage. Son dispositif de mise en scène (caméra à l’épaule, montage aussi incisif qu’un couteau de cuisine, étalonnage tirant sur le vert) lui permet alors de semer horreur, confusion, chaos et désolation avec une brutalité sanglante sans pareille mesure. John Carpenter se contentait le plus souvent de suggérer la violence par sa science du cadre et du découpage. Rob Zombie nous l’expose dans tout ce qu’elle a de plus horrible et malsaine, comme ce corps inerte s’agitant frénétiquement sur le carrelage ensanglanté d‘une cuisine, ou bien cet adolescent passé à tabac dans les bois suppliant que le cauchemar s’arrête définitivement.

Davantage que les excès graphiques, c’est leur exécution et l’agonie des victimes qui frappent le spectateur d’effroi et confèrent au tueur toute sa monstruosité. Avec son physique de déménageur, le Myers de Rob Zombie n’aura jamais paru aussi effrayant à l’écran. À l’inverse, la figure du Docteur Loomis apparaît comme obsessionnelle, arriviste, égocentrique voire méprisable. Le choix de confier le rôle à Malcolm McDowell n’avait rien d’innocent. Rappelons que trente ans plus tôt, l’acteur interprétait le Droogie mal embouché d’Orange Mécanique finissant lobotomisé. Par ce choix, le cinéaste tend à évacuer la dialectique western du film original, cherchant à ériger ces forces vives comme les deux faces opposées d’une même pièce.
Plus subversif que son prédécesseur, Zombie vise à offrir une vulnérabilité émotionnelle à cette brute de sanatorium au regard évidé, d’une tristesse insondable. En résulte un profond sentiment de malaise mettant le spectateur face à ses propres contradictions, à la fois horrifié mais empathique. À l’instar de ses précédents méfaits, il apparaît évident que Rob Zombie se sent plus proche de ce bourreau sanguinaire que de son héroïne traumatisée. Le réalisateur se débarrasse de la langueur Carpenterienne s’insinuant sournoisement dans le champ pour un style plus brut et rentre dedans. Il se déleste également du puritanisme exacerbé du genre et de ses codes moraux, pour revitaliser ses mécanismes et ressorts horrifiques.
Dès qu’il s’agit néanmoins d’insuffler une atmosphère sinistre et mortifère, le cinéaste se retrouve éculé, et s’en remet totalement à l’héritage de son maître et compositeur auquel il rend hommage à sa façon, non sans laisser une empreinte qui fera tâche aux yeux de l’exécutif hollywoodien. Ce remake souffre d’ailleurs d’un relatif anonymat dans nos contrées malgré son succès financier outre Atlantique, ce qui reléguera d’emblée sa suite dans les tréfonds infernaux du Direct to Video.



