[Critique] – The Devil’s Rejects


The Devils Rejects affiche film

Réalisateur : Rob Zombie

Année de Sortie : 2006

Origine : Etats-Unis / Allemagne

Genre : Road Movie Killing

Durée : 1h51

Le Roy du Bis : 10/10
Thibaud Savignol : 7/10


Birds of Prey


L’avenir du cinéma de genre serait-il dans la repompée de ses plus grands classiques ? La question se posait déjà dans les années 2000 lorsque les exécutifs tentaient de revitaliser leur catalogue avec une approche plus contemporaine et ostentatoire. Bien souvent artificielles, ces productions s’avéraient dénuées de la même liberté de ton idéologique qui faisait le sel de leurs modèles de prédilection.

Fini de Rire

Autre époque, autres mœurs. Les choses ont radicalement changé en l’espace de plusieurs décennies. Le nihilisme des années 70 témoignait des vastes bouleversements sociologiques dus à la guerre du Vietnam. Le monstre au visage bien humain n’était plus extérieur, mais  bien enraciné au cœur même du pays. Les nombreux remakes (Massacre à la Tronçonneuse, La Colline a des yeux, La Dernière Maison sur la Gauche) et succédanés ne répondaient qu’à une logique de reproduction de ses codes, artifices ou thématiques communes comme la notion de territoire maintes fois esquissée (Détour Mortel, Wolf Creek) dans le genre.

Rob Zombie s’y est donc naturellement essayé quand sa chance lui a enfin été offerte. Malgré un budget plutôt confortable (entre 7 et 14 millions) et une liberté créative totale, le cinéaste a néanmoins rencontré une réaction épidermique du comité exécutif de la Universal, n’ayant que fort peu apprécié les délires carnavalesques et extravagances horrifiques de La Maison des 1000 Morts.

Les rebuts des uns font les trésors des autres, et c’est bien Lionsgate qui se frottera les mains en rachetant les droits de distribution du film, faisant rapidement de Rob Zombie le nouveau maître étalon du genre. Après avoir rencontré son public sur le marché de la vidéo, une suite s’imposait. Peu friand des séquelles, le métalleux aux dreadlocks s’attardera alors à en prendre le total contre-pied, évinçant tous les éléments fantastiques de son intrigue. À titre d’exemple, le Docteur Satan n’aura pas survécu à la table de montage. 

The Devil's Rejects critique film

The Devil’s Rejects prend donc une forme radicalement différente, celle d’un road movie sauvage et endiablé plaçant le spectateur dans une position moralement ambiguë. En effet, le public suit les exactions d’une famille de serial-killers aux excès psychopathiques, pris dans la tourmente d’une cavale meurtrière envers et contre tous. Pour mieux signifier le changement de ton opéré entre ses deux œuvres, Rob Zombie ouvre son film par un plan large et crépusculaire suivi d’une fusillade nerveuse ravageant l’intégralité du décor qui lui avait permis d’orchestrer son tour de train fantôme. 

La Balade Sauvage

À l’instar de La Horde Sauvage, The Devil’s Rejects s’apparente donc à une fuite en avant, à la fois mélancolique d’une époque mais aussi désabusée. Hautement nihiliste, le film ne nous cache rien de la laideur et des plus bas instincts d’une Amérique rurale rongée par le vice et la décadence. Le réalisateur a également fait le choix judicieux d’opter pour le format 16 mm afin de retrouver le grain caractéristique des films d’exploitation des années 70. Mais au-delà de cet aspect purement formel, c’est surtout sa capacité à restituer la substantifique moelle de ce cinéma à la fois transgressif et libertaire qui lui permet d’en prolonger les thématiques.

Le photogramme transpire de tous ses pores la déliquescence ambiante, la crasse des décharges à ciel ouvert, le sang séché, les effluents de vieilles sueurs et de charognes faisandées, ou bien l’haleine fétide du Capitaine Spaulding. La jovialité de ce personnage emblématique a fondu comme ses oripeaux de clown sous une chaleur de plomb pour ne révéler que ses balafres, ses dents jaunit par le café et les clopes, et son regard noir de tueur. Comme leurs victimes nous nous retrouvons pris en otage et atteint du syndrome de Stockholm, finissant pas éprouver autant de fascination qu’une sincère empathie pour cette famille sanguinaire face au joug d’une justice expéditive. 

The Devils Rejects critique film

The Devil’s Rejects brouille activement la frontière entre le bien et le mal, opposant son trio de fugitif à un shérif succombant peu à peu à ses pulsions criminelles. Le parallèle est d’autant plus troublant que les personnages gagnent en profondeur à mesure du long métrage grâce à l’entremise de leurs rapports intimes les montrant sous un jour nouveau. Ces pauses récréatives permettent de les rendre plus attachants et authentiques à contrario du sadisme de leur méfaits (la prise d’otage particulièrement éprouvante dans le motel), mais aussi de casser le rythme effréné du film que le réalisateur allège de dialogues orduriers (le mot «fuck» est prononcé un certain nombre de fois) et de situations parfois non-sensiques (l’embrouille avec un cul terreux sodomisant ses volailles, l’otage affublé d’un masque en peau humaine finissant écrasé sous un 40 tonnes) propre au monde de la série bis. 

Rob Zombie va même jusqu’à inverser le rôle de l’antagoniste en faisant du Shérif Wydell un véritable bourreau et croquemitaine. À l’inverse, Otis prend celui du martyr supplicié (son look de Bee Gees lui donne des airs de gourou divin entre Charles Manson et Jésus). Quant à Baby celui de la scream queen abusée et terrorisée, dans un dernier quart d’heure où elle se retrouvera être la proie d’une traque dans ce qui était autrefois son terrain de chasse de prédilection. Mais c’est aussi pour son final exaltant que l’on finira par prendre définitivement parti pour le trio. Les fugitifs sonnent alors la charge contre un barrage routier avant que les déflagrations ne finissent par interrompre le solo endiablé de Lynyrd Skynyrd.

L’œuvre du diable accompli, Baby, Otis et Cutter s’offrent un aller simple pour l’enfer. D’une certaine manière, l’impact de The Devil’s Rejects sur le public sera surtout d’ordre générationnel comme avait pu l’être Massacre à la Tronçonneuse en son temps. Quant à considérer l’existence de l’anecdotique 3 From Hell, cela relève tout bonnement de l’infamie. 

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