
Réalisateur : Rob Zombie
Année de Sortie : 2020
Origine : Etats-Unis
Genre : Road Movie Killing
Durée : 1h55
Le Roy du Bis : 2/10
Thibaud Savignol : 1/10
Les Rebuts du Zombie
Comment ruiner l’une des meilleures fins de l’Histoire du cinéma ? À cette question, Rob Zombie avait sa petite idée dans un coin de la caboche, clamant à qui voulait l’entendre qu’il n’en avait pas encore fini avec ses personnages. On le savait musicien, clippeur et réalisateur, mais le bougre est aussi réanimateur à ses heures perdues et a donc décidé d’exhumer les corps décatis de la famille Firefly pour une nouvelle virée d’enfer, avant qu’il ne soit trop vieux ou du moins trop tard pour l’un d’entre eux.
Dread-Animator
Cela n’aura échappé à personne ; Sid Haig était largement mal en point depuis quelques temps déjà, foudroyé par une violente pneumonie qui finira par l’emporter avant même la sortie du film. Pas de quoi forcément rassurer les fans, surtout après la dernière sortie de route du cinéaste (31) qui en dépit d’indéniables qualités esthétiques (superbe photographie signé David Daniel) et d’une frénésie meurtrière malheureusement chevillée aux contraintes pécuniaires de production, amorçait une pente déclinante vers le caveau.
Cessons donc de vous faire miroiter le retour en grâce du métalleux prodige, car l’enfer promis n’aura pas lieu. Rob Zombie se contente de nous livrer les relents faisandés de son cellier sur lequel toute sa clique de dégénérés à déjà posé les mains. En revanche, si l’odeur de charogne ne vous rebute pas et que vous n’avez pas peur de saigner des oreilles et des yeux, nul doute que ce 3 From Hell sera tout de même plus supportable à regarder que le Suicide Squad de David Ayer.
Si on écarte la suspension d’incrédulité de ramener les Firefly à la vie et de ne condamner à mort que le patriarche de la famille, que reste-il de cette nouvelle cavale sous acide qui n’épargne rien ni personne, pas même les minorités ethniques ? Dans ce monde sans foi ni loi, où les psychopathes et tueurs de masses sont portés en liesse, où les seules figures morales vers lesquelles se tourner apparaissent limite plus vicelardes que ces meurtriers (directeur de prison véreux, matonne despotique), comment éprouver la moindre empathie pour qui que ce soit dans ce vaste capharnaüm ?

L’aura magnétique de Bill Moseley semble s’être tarie comme Charles Manson derrière ses barreaux de prison. À l’instar de Sherri Moon Zombie, leurs personnages respectifs ne sont plus que des caricatures d’eux-mêmes, des pantins à la solde du divertissement, tentant de manipuler l’opinion public afin de glaner une immortalité que la fin du précédent opus (The Devil’s Rejects) leur avait métaphoriquement offert. Dans leur course à l’audimat, un demi-frère dont on a jamais entendu parlé va se joindre à eux pour reconstituer la trinité du diable.
L’Impasse Mexicaine
À sa décharge, Rob Zombie reste néanmoins fidèle à ses marottes et thèmes de prédilection. Seulement le film ne se repose exclusivement que sur son défilé de barges et de gueules patibulaires (cartel mexicains affublé de masques de lutteur, nain hispanique tueur, redneck aux ongles noircis et aux dents pourris), de meurtres crapoteux et de dialogues obscènes autour d’une intrigue aussi dépouillée qu’un cadavre écorché vif que l’on aurait laisser pourrir au soleil. Au-delà d’un portrait d’époque, il s’agirait plutôt d’un fantasme morbide de son réalisateur, reproduisant les mêmes situations à la limite du fan service et de l’auto-parodie comme s’il avait lui-même revêtu les oripeaux du Captain Spaulding, en jurant odieusement avec cynisme.
Après son introduction façon émission sensationnaliste, le film investit l’univers carcéral pour verser dans l’un de ses sous-genres préférés du cinéma d’exploitation, le WIP (Women in Prison) avec ses abus et bisbilles entre codétenues lesbiennes. 3 From Hell bifurque ensuite vers une prise d’otages sanguinolente, que son montage fragmenté ne saurait rendre davantage horripilant. Une fois le trio réuni au grand complet, les voilà donc repartis pour une courte série d’exactions sur les routes du Sud des États-Unis sans jamais rencontrer la moindre résistance.
Manifestement Rob Zombie n’a plus l’air de savoir où il va, s’échouant dans une impasse artistique comme ses protagonistes dans un motel perdu au milieu de rien. À ce titre, l’un des échanges entre Otis et Coltrane est pour le moins équivoque : «C’est quoi le plan ?» demande l’un, « Aucune idée, je ne pensais même pas qu’on arriverait jusque là» répond l’autre. Faute d’idées neuves, et de pérégrinations à nous proposer, le réalisateur s’égare dans ses errements avant d’envoyer son trio au Mexique en plein Jour des Morts afin de parachever leur résurrection et ainsi orchestrer un dernier carnage en référence à La Horde Sauvage de Sam Peckinpah, dont l’atmosphère crépusculaire et le nihilisme contaminaient déjà The Devil’s Rejects.
Les délires Grindhouse de Haunted world of el superbeasto finiront alors par entrer en collision avec l’euphorie macabre et autres couleurs bariolées de La Maison des 1000 Morts, davantage pour le pire que pour le meilleur. Excrémentiel plus que démentiel, Rob Zombie se vautre alors comme un goret dans sa crotte. Les scènes gores ne sauraient sauver la faiblesse d’exécution de ses mises à mort grand-guignolesques. Ses effets numériques et son montage chaotique tendent à révéler toute l’artificialité de cette mécanique de prédation, comme un assaisonnement bon marché qui chercherait à masquer la puanteur de cette viande avariée. On devine bien que le cinéaste a troqué les millions contre une liberté anarchique totale. Mais il y a des démons qu’il vaut mieux garder enfoui, au risque de passer pour un sinistre abruti.