[Critique] – Traque Sanglante


Traque Sanglante affiche film

Réalisateur : Dan Reed

Année de Sortie : 2007

Origine : Royaume-Uni

Genre : Rape And Revenge

Durée : 1h16

Thibaud Savignol : 6/10


Les Chattes de paille


On a beau chérir le support physique chez L’Écran Barge, soyons honnêtes, on a aussi cédé aux sirènes des plates-formes. Il nous arrive de scroller les catalogues machinalement, noyés dans une nomenclature où l’extraordinaire côtoie l’immédiatement oubliable. Toujours à la recherche de cette perle rare qui fera chavirer notre cœur de cinéphile déglingué, apparaît ainsi Traque Sanglante distribué par Max. Film de vengeance britannique inconnu au bataillon, assorti de la mention -16 (souvent galvaudée à la télé), il n’en fallait pas plus pour aiguiser notre appétit vorace.

Avec ses 76 minutes au compteur le film de Dan Reed témoigne d’une certaine impolitesse, balançant aussitôt son couple de protagonistes dans les griffes de leurs bourreaux. Alice flashe sur Adam, l’installateur de ses caméras de sécurité. À peine le temps de flirter, de l’embarquer avec elle dans une soirée huppée, de se dévorer goulument le visage, que les deux tourtereaux croisent le chemin de campagnards bien moins civilisés que la sauterie bourgeoise qu’ils viennent de quitter. L’altercation vire au pugilat, Adam se fait refaire le portrait tandis Alice goûte à la virilité mal placée de quelques frustrés envinassés.

Si le film patauge lors de sa présentation express, l’événement traumatique d’une violence assez frontale qui survient rapidement tend à lui redonner un certain intérêt. S’ensuivent les atermoiements d’un homme brisé dans sa masculinité et d’une femme profondément meurtrie en son for intérieur. Surtout, elle ne comprend pas ce déchaînement de cruauté auquel ils ont dû faire face. Mais là où le script commence à révéler toute son ingéniosité, c’est en inversant les rôles traditionnels du revenge movie, sacralisés depuis le chemin de croix viriliste du père Bronson (Un justicier dans la ville). En effet, tandis qu’Adam sombre dans un marasme insondable jour après jour, fragilisé en tant que figure de domination, Alice se révèle bien plus vindicative et déterminée.

Traque Sanglante Critique Film

C’est par hasard qu’elle croisera le chemin de l’un de ses bourreaux, la police n’ayant encore rien foutu de son côté. À partir de là elle n’aura de cesse d’être obnubilée par sa quête vengeresse, d’humaniser enfin ses bourreaux monstrueux et de consentir à se débarrasser d’eux. Et au-delà de son «twist» malin inversant les rôles de pouvoir, la mise en scène en apparence brouillonne de Dan Reed prend tout son sens au fur et à mesure que l’horreur déborde. Son style sec et heurté pourrait s’expliquer par son passé de documentariste en affaires criminelles (il réalisera le sulfureux Michael Jackson : Leaving Nerverland), mais il n’en est rien, car ses codes sont avant cinématographiques.

Épousant les tics de son époque (caméra épaule héritée de Paul Greengrass et sa saga Jason Bourne), le film dégraisse progressivement tout superflu jusqu’à un dernier acte qu’on avait pas vu venir. L’image 35mm est sale, agressive et le montage saccadé empêche tout confort de vision. Si l’impact visuel provoque un certain malaise, c’est moralement que le film emprunte des chemins plus tortueux qu’il n’y paraît.

Les confrontations finales renversent nos convictions, et les volontés de chacun seront mise à rude épreuve. Le final apparaît dès lors comme la fulgurance cathartique attendue, mais la saleté aussi bien humaine qu’atmosphérique (une ferme vieillotte et délabrée) empêche tout triomphalisme. Les mises à mort sont barbares, le fusil devenant l’arme phallique par excellence pour reproduire le viol originel, et la décharge comme jouissance visqueuse. Imitant Haneke dans son jusqu’au boutisme moraliste (regard caméra final en clin d’œil), Dan Reed sauve les femmes de ce monde d’hommes barbares, en quête d’un nouvel Éden.

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