[Critique] – Nosferatu (2024)


Réalisateur : Robert Eggers

Année de Sortie : 2024

Origine : États-Unis

Genre : Vampire Envahissant

Durée : 2h12

Thibaud Savignol : 7/10

Sortie en salles : 25 décembre 2024


Vampire, vous avez dit Vampire ?


Depuis la sortie de The Witch en 2015, Robert Eggers clame son désir ardent de tourner sa propre version de Nosferatu, l’un de ses films préférés. Annoncé comme son deuxième film, le projet n’a cessé d’être repoussé. Cela permis au jeune réalisateur de se faire la main sur l’inclassable Lighthouse avant d’accoucher du monumental The Northman. Déjà superbement remaké par Werner Herzog et son Fantôme de la nuit en 1979, cette nouvelle adaptation est attendue au tournant en cette fin d’année 2024.

Une toile de maître

La trame est similaire aux deux films précédents, narrant l’emprise à distance du terrifiant vampire Orlok sur une jeune femme tourmentée. Le récit est ici davantage centré sur Ellen (Lily-Rose Depp), victime d’une certaine masculinité toxique (lecture post Metoo oblige). Le mari de cette dernière, Thomas (Nicholas Hoult), est chargé de se rendre au château du comte pour lui faire signer l’acte de propriété d’un vieux manoir en ruines, déclenchant l’arrivée du noble à Wisborg. Le rapprochement des deux êtres déclenchera horreurs et tourments sur la petite ville allemande.

Réputé pour son savoir-faire technique, la relation avec son chef opérateur Jarin Blaschke fait à nouveau des merveilles. La photographie est à tomber par terre, composant de véritables tableaux d’horreur gothique qui feront date. Les décors sont sublimés par des tons désaturés, des cadrages à la symétrie angoissante et une profondeur de champ intelligemment exploitée via une mise en scène pensée en trois dimensions. On se remémore ainsi une nature vénéneuse, mais également les forêts sombres et mélancoliques du classique de Munrau, dignes d’une pochette d’un album de black métal.

Ce parti pris s’affirme à travers une horreur beaucoup plus viscérale que ses prédécesseurs. Le comte Orlok apparaît repoussant, fait de balafres et de chair purulente, installé dans son château décrépit et anxiogène. Eggers ne lésine pas sur les effusions sanguines et les jumps scare frontaux. On regrettera juste son traitement de la peste qui envahit la petite bourgade, pas aussi fort que chez Herzog, où son bateau à la dérive surgissait au milieu d’un plan le long du canal, tandis que la ville se retrouvait soudainement dépeuplée au gré d’une coupe de montage.

Nosferatu 2024 Critique Film Robert Eggers

Songe infernal

Mais le réalisateur américain n’est jamais aussi à l’aise que pour distiller le cauchemar, infuser une image trouble au milieu de son récit. Les séquences fantasmagoriques, où rêve et réalité se confondent, constituent sans aucun doute la grande réussite du long-métrage. Lors de son périple à travers les Carpates, Thomas sera confronté à une communauté tzigane aux mœurs étranges, accouchant d’une vision qui rappelle les envolées diaboliques de The Witch. Les cauchemars à répétition d’une Ellen convoitée par le Mal jouent de ce même principe de confusion horrifique. Tout comme cette hallucination forestière vertigineuse, à la beauté sépulcrale terrifiante, sans doute l’une des plus belles séquences de toute l’œuvre d’Eggers à ce jour.

Le jeu des ombres est à nul autre pareil, lien direct au film originel, transformant Orlok en menace démiurgique, qui plane de tout son fiel sur le long-métrage. Une emprise qui culminera lors d’un plan renversant, où telle une chimère infernale, Nosferatu plane sur la ville endormie, prêt à engloutir de son appétit vorace tous ces malheureux. À l’image de l’horreur frontale assumée de ce nouvel opus, le comte se joue de l’espace géographique, répandant sa pulsion de mort au-delà des limites du réel.

Le mieux est l’ennemi du bien

À l’inverse, on sent le metteur en scène beaucoup moins à l’aise lors de certaines séquences dialoguées. Le deuxième tiers du film accuse le coup, brisant la dynamique de ses enjeux par un recours aux scénettes de papotage ampoulées. On assiste à une espèce de surplace théâtralisé, figeant ses protagonistes dans des mimiques d’un cinéma muet du siècle dernier. L’ajout d’un professeur énigmatique (Willem Dafoe) et d’une traque au démon face aux crises répétées d’Ellen, alourdissent probablement un récit qui se voulait à la base une épure d’emprise romantico-horrifique. Une volonté sincère d’exploiter les zones d’ombre laissées par l’œuvre de Murnau, mais reflet d’un cinéma contemporain qui peine à ce que le mystère persiste.

Si trop verbeux, et parvenant difficilement à créer l’émotion recherchée de par une certaine froideur, ce Nosferatu 2024 n’en reste pas moins un sacré morceau de cinéma. Continuant son exploration d’abstractions sur-humaines, après la sorcellerie (The Witch), la folie (The Lighthouse) et la destinée (The Northman), le réalisateur explore ici une pure entité maléfique, comme miroir de pulsions sexuelles inassouvies. La radicalité, aussi bien thématique que formelle, en fait certes une œuvre plus imparfaite que celles passées. Mais le vertige suscité par certaines séquences nous rappelle à quel point Eggers est l’un des réalisateurs les plus électrisants de sa génération.

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