Réalisateur : Robbie Banfitch
Année de Sortie : 2022
Origine : États-Unis
Genre : Horreur sous LSD
Durée : 1h40
Le Roy du Bis : 4/10
La Grotte aux Chimères
On le sait depuis La Colline a des yeux, les déserts sont des endroits dangereux, et ce n’est pas The Outwaters et son excursion entre amis qui nous feront changer d’avis. On s’attendait un peu à tout au vu du tapage marketing suscité, annoncé comme «l’un des films d’horreur les plus effrayants et dérangeants de l’année», voire même de la décennie tant qu’on y est. Le voilà accueilli en grande pompe sur la plate-forme ShadowZ, qui étoffe son catalogue d’une nouvelle production indépendante, tournée pour une poignée de dollars, aux saillies gore et cauchemardesques plein la musette, afin éveiller l’attention des fanas du Found footage que nous sommes.
Mais pour pouvoir apprécier ces quelques pics d’intensité relatifs, il vous faudra rester éveillé assez longtemps sans décrocher face ces 110 minutes interminables. Si Robbie Banfitch emprunte le même dispositif de mise en scène, c’est moins pour reproduire Le Projet Blair Witch dans un no man’s land en friche, que pour livrer une œuvre expérimentale qui risque de heurter violemment la suspension consentie de l’incrédulité. Il est vrai que le désert est l’environnement idéal pour orchestrer un voyage introspectif et expérimental, et le cadre change radicalement des sempiternelles forêts de sapins envahies d’entités malfaisantes. L’avantage de cette isolement, c’est que personne ne vous entendra crier, ou bien ronfler, si ce n’est un troupeau de mulets.
Le témoignage commence comme des tas d’autres : un montage photographique des personnes supposées disparues à l’endroit où les autorités auraient retrouvé le film authentique des événements. On découvrira donc le contenu de chaque carte SD, bien que les premières manifestations paranormales tarderont à se manifester à l’écran. Et le problème est de taille étant donné que les interactions ne sont pas très passionnantes, ce qui ne permet pas de s’attacher un tant soit peu aux personnages. Les raisons d’enregistrer leur camping dans la nature demeurent vagues, si ce n’est qu’ils cherchent à tourner un clip vidéo et à obtenir le cliché idéal pour la couverture de leur nouvel album musical. En dehors de ça, on les verra surtout tenter de capter du mana en se reconnectant à mère nature, parfois aussi à leurs souvenirs et émotions. L’affiche énigmatique du film est à l’avenant et ne dévoile rien de l’origine de la menace, si ce n’est qu’elle évoque Une couleur tombée du ciel, le titre d’une célèbre nouvelle de H.P. Lovecraft.
Suite à la découverte d’une hache et de bruits paranormaux captés dans un trou à fleur d’une colline, on aurait pu s’imaginer un survival assez classique avec une tribu d’irradiés anthropophages en quête de nouvelles victimes ou bien qu’un membre du groupe soit devenu fou suite à la consommation d’un champignon hallucinogène, et se serait mis à dépecer ses compagnons. Cette dernière théorie paraîtrait être la plus plausible des deux, puisque la caméra semble traduire les visions oniriques et affabulées de son principal témoin, en plein bad trip sensoriel digne d’une folie extrospective. Car on le sait, la question n’est pas tant de savoir si l’excursion va dégénérer mais de savoir quand, comment et surtout pourquoi ? Des questions laissées en suspens face au montage chaotique de l’ensemble, qui vise à semer intentionnellement la confusion dans l’esprit du spectateur. On ne verra principalement de la menace que des halos lumineux poindre dans l’obscurité la plus totale, dont se dégagent des silhouettes ténébreuses, des visages et corps ensanglantés, ainsi que des vers monstrueux et tentaculaires qui vocifèrent en dévorant les corps.
Le long-métrage est parfois pétri de bonnes intentions, souvent mal ou surexploitées, ce qui aura tôt fait de provoquer une forme de lassitude et même une saturation. L’expérience devient totalement hermétique pour une partie des spectateurs, d’autant qu’à mesure de l’enfoncement dans les ténèbres, rien ne prend sens, bien au contraire. Ce qui relève de l’horreur lovecraftienne indicible et cosmique sert également de prétexte un peu brouillon et maladroit, comme ce montage censé accentuer la tension artificielle d’un film qui déroule l’habituel programme horrifique. Lorsqu’il brouille enfin tous les repères de temps et d’espace intentionnellement, il n’est jamais en mesure de justifier son dispositif de mise en scène, si ce n’est en proposant une narration plus rentre dedans et viscérale. C’est donc au bout du cauchemar mais surtout au bout de l’ennui qu’il vous faudra chercher l’intérêt à cet ovni filmique, qui tient plus du canular opportuniste avec quelques éclairs lumineux de terreur cryptique et organique, que du véritable objet de culte ou du film maudit. Pour vous faire votre opinion, il vous faudra donc plonger dans ces ténèbres en prenant garde de ne pas vous égarer ou bien de vous endormir.