
Réalisateur : Stuart Gordon
Année de Sortie : 1991
Origine : États-Unis / Italie
Genre : Horreur Moyen-Âgeuse
Durée : 1h37
Le Roy du Bis : 7/10
Whiplash
Considéré comme le nouveau Roger Corman de son époque, Charles Band eu l’opportunité de s’y comparer à l’occasion d’une nouvelle d’Edgar Allan Poe déjà porté au cinéma en 1961 par son prédécesseur (La Chambre des Tortures). La banqueroute d’Empire Pictures n’aura pas entravé les ambitions du producteur qui ne mettra pas longtemps à retomber sur ses pieds grâce au succès de Puppet Master via sa nouvelle compagnie Full Moon Features. Stuart Gordon de son côté ne s’est pas non plus reposé sur ses lauriers, réalisant le téléfilm La Fille des Ténèbres et écrivant le scénario de Chérie j’ai rétréci les gosses qu’il aurait normalement dû réaliser pour le compte de Disney.
Trip médiéval
Avant cela, Stuart Gordon était surtout connu pour ses adaptations Lovecraftiennes (Re-Animator, From Beyond). Avec Le Puits et le Pendule, le cinéaste signe l’une de ses œuvres les plus ambitieuses sur le plan logistique et technique avec une bonne centaine de figurants. Contrairement à la nouvelle d’origine qui s’intéressait aux tourments d’un homme sur le point de se faire guillotiner par un pendule, cette adaptation s’inscrit dans la tradition des film de cape et d’épée. Le caractère confus et elliptique de la nouvelle lui permet ainsi de broder une histoire mêlant inquisition, châtiments corporels, romance et aventure.
Gordon a d’ailleurs reconnu que l’idée lui était à l’origine venue d’une visite qu’il avait effectué dans un donjon de Londres servant de musée des tortures. Pas question pour autant de livrer une grande fresque historique. Ce n’est pas vraiment le genre de la maison et puis de toute façon, le réalisateur ne verra jamais la couleur des six millions de dollars promis par Epic (la société ayant absorbée Empire). C’est à nouveau Charles Band qui lui accordera sa miséricorde, lui proposant de produire son film sous sa nouvelle compagnie, et évidemment à moindre frais (on parle de deux millions de dollars environ).

Une boulangère se retrouve sur le banc des accusées par un inquisiteur un peu trop zélé qui aimerait bien pouvoir lui tripoter les miches. Son époux et commis de cuisine va alors tenter de la délivrer de son cachot pendant que ses tortionnaires vont en faire leur souffre-douleur préféré. Le Puits et le Pendule va beaucoup plus loin que sa précédente adaptation, abordant les dérives de l’institution religieuse, son fanatisme, son hypocrisie, sa corruption et ses injustices notoires (l’inquisiteur exhumant le squelette d’un cardinal pour le fouetter, dormant sous une épée de Damoclès et s’auto-flagellant pour ses propres pêchés).
Les frictions lors du tournage entre le réalisateur et son principal interprète Lance Henricksen expliquent l’identité bicéphale du long-métrage. Le comédien prenait son rôle de grand inquisiteur un peu trop à cœur, allant même jusqu’à se nourrir exclusivement au pain et à l’eau, effrayant les habitants et figurants durant les cinq semaines de tournage. La réussite du film tient beaucoup à cette malveillance offrant un panel d’émotions extrême : colère, despotisme, tourment intérieur, et folie des grandeurs. Pourtant et à l’instar de Robot Jox, Gordon semblait plus motivé à vouloir proposer un pur film d’exploitation dans la lignée de ceux produits dans les années 70 (Liens d’amour et de sang de Lucio Fulci).
La passion du Gordon
La distribution du film tient elle-même du pur miracle. L’acteur Jeffrey Combs se porte également garant de cette folie dans la peau d’un prêtre psychorigide et protocolaire au côté d’une galerie d’odieux scélérats. Après avoir joué les victimes d’une cohorte de poupées dans Dolls, Caroline Purdy, l’épouse de Gordon aura l’immense privilège de finir brûlée vive sur le bûcher. Mieux vaux tuer sa femme à l’écran qu’en réalité, si cela peut les aider à se supporter. Olivier Reed fera également une brève apparition dans le rôle d’un cardinal alcoolique finissant emmuré pour s’être opposé au régime de terreur du grand inquisiteur. Le spectateur allègre saura également profiter de la plantureuse anatomie de la regrettée Rona de Ricci.

Si le gore est devenu le pain quotidien de Stuart Gordon, le cinéaste a néanmoins cherché à atténuer la souffrance de ses protagonistes afin de ne pas trop heurter la sensibilité du public, probablement à la demande de son producteur Charles Band. Le Puits et le Pendule s’écarte donc de la complaisance sadique et moyenâgeuse de La Chair et le Sang. Subsiste néanmoins quelques éclats baroque particulièrement jubilatoire comme l’implosion d’une sorcière devant une foule hystérique, et une série d’interrogatoires bien vicelardes (vierge de fer, crémaillère, chaise enflammée, cure par l’eau, supplices divers et variés).
Évidemment le bien finira par triompher du mal, la sainte sera canonisée, les innocents libérés, le grand méchant Torquemada terrassé dans le puits rempli de pics acérés, et l’intégrité de l’Église sauvée. Et si certains lui reprocheront son côté cheap et démodé, ce qui sans se mentir était quand même souvent le lot des productions Full Moon à l’époque, Le Puits et le Pendule n’en reste pas moins l’un des meilleurs films de son auteur. Une autre preuve s’il en est que Stuart Gordon aurait légitimement pu aspirer à une plus grande carrière dans le monde de la série B.