
Réalisateur : Peter MacDonald
Année de Sortie : 1994
Origine : Allemagne / États-Unis
Genre : Conte (moins) Fantaisiste
Durée : 1h31
Thibaud Savignol : 5/10
Quand Fantasia rencontre le marketing
En seulement deux films, entre 1984 et 1991, la saga L’Histoire sans fin a rapporté 150 millions de dollars au box-office et le deuxième chapitre connut un succès retentissant en VHS. Impossible de ne pas continuer à exploiter une telle poule aux œufs d’or. Après avoir poursuivi l’exploration de Fantasia lors du second opus, quelle direction prendre désormais pour ce nouveau volet ? Ayant fait le tour de l’ouvrage référence signé Michael Ende, les producteurs jettent cette fois leur dévolu sur un scénario original. Ils réutilisent à leur compte seulement l’univers et les personnages de l’œuvre, sans aucun lien avec la trame littéraire.
Scénario original pour résultat bancal
On retrouve Bastien, sous les traits de Jason James Ritcher, la belle gueule adolescente de Sauvez Willy, découvrant sa nouvelle école. Son père s’est remarié, le voilà donc affublé d’une demi-sœur nommée Nicole, à qui il souhaite confier les secrets de ce livre magique communiquant directement avec Fantasia. Pas de chance, dès sa rentrée le voilà poursuivi par la bande des Nasties, qui en ont fait leur tête de turque. Si il espérait se réfugier à nouveau à Fantasia, c’est raté. Les méchants se sont emparés du livre et risquent désormais de dicter leurs volontés. Avec l’accord de l’impératrice et accompagné de ses fidèles alliés, il débarque cette fois dans le monde réel pour reprendre possession de l’ouvrage magique.
Disposant d’une enveloppe similaire aux films précédents (25 millions de dollars), le choix est fait de se concentrer avant tout sur notre monde, plutôt que de plonger à corps perdu dans celui enchanté de Fantasia. Une volonté risquée d’inverser la logique narrative afin de se démarquer de ses prédécesseurs, mais pourquoi pas, en vue de relancer l’intérêt de la saga.
L’un des premiers soucis de cette direction, est le mic-mac de nouvelles règles mises en place, qui seront en permanence changées, contredites ou oubliées. Surtout, elles autorisent des contraintes d’action afin de diriger les personnages vers les péripéties prévues. Typiquement, le collier aux pouvoirs magiques ne doit pas être utilisé dans le monde réel sous peine de graves conséquences. Pourtant lors du dernier tiers, lorsqu’il sera abondamment utilisé par la demi-sœur, aucun effet néfaste à l’horizon. Il s’agit de ne pas gâcher le comique d’une séquence de shopping un brin inutile.

Achète, ma merde !
Peter MacDonal (remplaçant de Russell Mulcahy sur Rambo 3), fait fi de la poésie de l’original pour se vautrer dans une fantaisie enfantine et niaise. Falkor, en plus de son design hasardeux, perd toute sa sagesse et devient un benêt désolant, tandis que Junior, le bébé du couple de Rock Bitter, apparaît comme l’élément marketing bon à faire vendre des peluches par palettes entières (ce qui ne sera pas le cas à cause de l’échec commercial du film).
Un personnage antipathique, prétexte à des quiproquos lourdingues, balbutiant ses borborygmes avec sa voix de crécelle insupportable. Malgré des protagonistes vidés de leur substance fantastique, reste des panoramas à tomber par terre, bien que trop rares, ainsi qu’un florilège de créatures loufoques issues de la Jim Henson Company peuplant Fantasia, notamment ce lapin gaffeur très cartoonesque.
La première partie fait même illusion, changeant sa dynamique narrative et présentant un gang de loubards truculents. Mais rapidement L’Histoire sans fin III se révèle comme un produit davantage marketing qu’une ode à l’imagination. Si son prédécesseur souffrait de la comparaison avec son aîné, boursouflé par certaines redites et quelques incohérences (le père, grosse ficelle scénaristique), il avait pour lui un respect de l’esprit de la saga. Ici, entre clips de rap, consommation délurée comme seul vœux imaginé par une enfant de 14 ans et drama familial, on est plus proche d’un teen movie américain typique que du voyage fantastique.
Et pourtant, par son rythme échevelé, un Jack Black en roue libre et son euro-dance d’époque, le film dégage un certain charme. Une fois accepté les intentions mercantiles (l’impératrice envie quand même la séance de shopping de Nicole !) et une réalisation qui gueule sa coolitude un plan sur deux, il n’est pas interdit de prendre un certain plaisir régressif devant ces aventures rocambolesques. Rien ne fait vraiment sens. Le MacGuffin est sans doute l’un des plus grossiers de la décennie, le climax est d’une débilité fendarde, mais les gamins y croient. Et voir un gros cailloux traverser les forêts enchantées de Fantasia au son de Born To be Wild, ça fait toujours son petit effet !