
Réalisateur : Kenki Kamiyama
Année de Sortie : 2024
Origine : États-Unis / Japon / Royaume-Uni
Genre : Heroic Fantasy Animée
Durée : 2h14
Thibaud Savignol : 3/10
Sortie en salles : 11 décembre 2024
Un coup d’épée dans l’eau
Bien inspirée par les milliards de Marvel au box office ou par les innombrables produits Star Wars sur Disney +, la Warner ne serait-elle pas en train de chercher à rentabiliser sa licence la plus forte ? Lorsque les co-présidents Michael De Luca et Pamela Abdy annoncent : «l’univers vaste, complexe et éclatant imaginé par J.R.R. Tolkien reste largement inexploré au cinéma », entendez par là qu’ils ont encore faim de de votre porte-feuille. The Hunt of Gollum réalisé par Andy Serkis est prévu pour 2026, tandis qu’une nouvelle trilogie a récemment été annoncée. Sachant qu’en parallèle Amazon propose sa série Les Anneaux de pouvoir, attention à l’overdose. Et ce n’est pas cette Guerre des Rohirrim, tentant l’expérience de l’animation japonaise, qui va venir nous rassurer.
Un récit qui n’apporte pas grand chose
Prenant place 183 ans avant les événements des Deux Tours, où l’on découvrait l’incroyable peuple du Rohan, ce spin-off retrace le parcours de l’aventureuse Héra. Fille de Helm Hammerand, ils vont devoir lutter contre les perfides Dunlendings. Avec ce récit resserré sur quelques semaines, le film tente de proposer une expérience immédiate, plus directe quant à sa progression narrative. Si Philippa Boyens, co-scénariste sur la trilogie de Peter Jackson, est citée comme consultante, son rôle se limite sûrement au respect de la frise chronologique.
Le script bat sérieusement de l’aile par son incapacité à se dépêtrer d’une trame convenue au possible, dépourvue de tout enjeu un tant soit peu intriguant. Alors que Helm Hammerand distribue une rouste mortelle à l’un de ses seigneurs, son fils jure par tous les saints de se venger. Aboutissant à la fameuse attaque des Dunlendings sur la communauté du Rohan, rien ne viendra bousculer cette ligne claire, avec un «méchant» très méchant, comme on ose plus en faire depuis un moment. Sorte de justification aux batailles à venir, Wulf (chef des Dunlendings) apparaît comme l’exemple le plus parlant du manque flagrant de caractérisation des personnages du long-métrage.

Il en est de même pour l’entièreté du casting. On se retrouve devant un florilège de protagonistes typés animés japonais, dans ce que cette forme d’expression peut avoir de plus irritant : l’aventurière au grand cœur, la figure paternelle balèze, le frère protecteur guerrier, le cadet plus malin ou encore l’acolyte gauche et rigolo. Chacun reflète un trait de caractère unique, tous portés par de nobles intentions, définissant logiquement leurs actes à venir. Si Le Seigneur des anneaux a toujours était un récit du Bien contre le Mal, Jackson avait l’intelligence de nuancer ses personnages, de les confronter en permanence à leurs pulsions (Aragorn, Frodon) et de retourner régulièrement les différents jeux d’alliance.
Japan is not amused
La Guerre des Rohirrim intriguait également par son recours à l’animation, qui plus est japonaise. Ayant bossé sur des classiques tels qu’Akira ou Jin-Roh, on ne peut pas dire que Kenji Kamiyama fasse grande sensation. Certains panoramas faits main éblouissent, mais l’ensemble reste trop inégal, manquant de grandeur. Le mélange 2D/3D aboutit à des situations embarrassantes, donnant l’impression à certains moments que les personnages sont collés par dessus le décor. Même l’action ne parvient pas à rattraper ce naufrage. Les séquences se comptent sur les doigts d’une main, et la mise en scène ne parvient jamais à retranscrire le potentiel épique de son sujet, se contentant de quelques dizaines de combattants, là où les événements en appelaient des centaines.
Si le film parvient à s’inscrire dans l’univers dont il hérite (thème musical du Rohan, landes reconnaissables, Gouffre de Helm), il vire lors de son dernier quart d’heure au fan service de pacotille. La résolution de la bataille cite directement celle des Deux Tours, avant que de célèbres magiciens ne soient mis en avant pour être sûr de convaincre le spectateur d’acheter un produit Seigneur des Anneaux à mettre sous le sapin ce Noël. On passe rapidement sur le doublage anglais à la ramasse, sur-articulé, nous rappelant les versions anglaises de jeux vidéo japonais sur PS2. Plus proche d’un OAV lambda de 2h15 destiné aux férus de la licence et similaire à nombre d’animés génériques disponibles sur Crunchy Roll, La Guerre des Rohirrim ne parvient jamais à s’élever au niveau de son modèle, ou à proposer une aventure un tant soit peu excitante.