Réalisateur : Sam Raimi
Année de Sortie : 1992
Origine : États-Unis
Genre : Moyen-Age Hanté
Durée : 1h28
Le Roy du Bis : 8/10
Thibaud Savignol : 7/10
MediEvil
Comment donner une suite crédible au meilleur film d’horreur de tous les temps ? Sam Raimi ne s’est pas vraiment posé cette question, il s’est contenté de changer de genre et d’univers en envoyant son héros affronter des cadavéreux en l’an 1300. Toujours armé de son fusil à double barillet et de sa tronçonneuse greffée au poignet, Ash se retrouve à devoir livrer bataille lors de joutes moyenâgeuses, et rien ne lui sera épargné. Au lieu de l’ériger comme l’élu de la prophétie, les villageois le balancent au fond d’un puits pour aller chanter fleurette à la sorcière qui s’y terre. Intrépide mais pas téméraire, le bougre manque de peu de se faire embrocher par des pics acérés, avant de se hisser en harnachant sa ceinture sur un treuil comme le ferait un certain Indiana Jones à l’aide de son fouet.
Evil Dead 3 : L’Armée des Ténèbres ne fait pas peur, il s’agit d’un film d’héroic fantasy qui ouvre les frontières de l’imaginaire, dévoilant un monde plus ouvert que la petite cabane étriquée au fond des bois. Cela va permettre à son réalisateur de mettre en scène une bataille de grande ampleur afin d’assouvir sa passion, et de rendre hommage à tout un pan de l’animation en stop-motion, notamment Jason et les Argonautes, où Ray Harryhausen avait livré certains des meilleurs effets spéciaux dans le domaine. Le tournage va s’éterniser plus que de raison, 103 jours durant, afin de mettre en boîte ce film d’aventure épique qui fait de l’humour slapstick son cheval de bataille au détriment du gore graveleux des deux premiers épisodes. En atteste d’ailleurs le résumé en introduction, reprenant le final de l’opus précédent, retourné faute des droits d’adaptation et édulcoré de tout effet sanguinolent.
Comme un enfant dans un magasin de jouet, Sam Raimi dépense tout l’argent alloué au budget dans ses créatures, décors et effets spéciaux. Il prend un malin plaisir à faire souffrir son acteur principal et ses équipes lors d’une nouvelle production guérilla en plein désert (en dehors des séquences évidemment tournés en studio), afin de disposer une armée entière de squelettes dans la plaine, pour mieux la détruire de toutes les manières possibles et imaginables, avant de demander à ses assistants de rassembler les morceaux pour les reconstituer et les disloquer à nouveau à coup d’arbalètes et d’explosions le soir suivant. Il fait chaud, les journées et les nuis se succèdent à un rythme effréné, les équipes se relaient sans jamais cesser de tourner, épuisant les organismes qui enchaînent jusqu’à 21 jours d’affilés pour des salaires de misère. En plus des conditions de travail assez précaires, le casting dort dans un hôtel miteux, les maquilleurs vivent dans des tentes à l’extérieur, la tension monte, les querelles deviennent quotidiennes, la violence s’invite devant mais également derrière la caméra.
Et le pire dans tout ça, c’est que la plupart des scènes de batailles apparaissent redondantes et seront supprimées durant la phase de montage, sous l’œil avisé du producteur Dino de Laurentis, qui n’hésite pas à hausser le ton plus que de raison. Bruce Campbell change de dimension pour livrer une performance en adéquation avec son sujet et qui, grâce à la subtilité de son répertoire, consiste principalement à cabotiner en prenant moult coups de son plein gré. Finalement l’élu de la prophétie est loin de l’image d’Épinal esquissée dans le grimoire maudit. Outre ses frasque misogynes, Ash se comporte comme un parfait nigaud totalement égoïste et imbu de lui-même. C’est bien à cause de sa maladresse et de sa cervelle d’oiseau qu’il précipitera le réveil des forces du Mal, après leur avoir subtilisé le Necronomicon en omettant de réciter la bonne prononciation à une formule magique.
L’épouvante qu’affectionnent tellement les fans de la première heure n’y est pas pour autant aux abonnés absents, puisque l’on retrouve l’emploi de la Shakky Cam lors d’une séquence de cavalcade dans les bois : Ash y est poursuivi par l’invasion d’un vieux moulin, où le chevalier plus peureux que preux tente de s’enfermer pour échapper aux esprits qui rôdent dans la forêt. Cette scène permet également de raccorder cette unité de lieu aux précédents volets. Mais Sam Raimi ne pourra pas s’empêcher de dynamiter très vite le récit en malmenant son héros sur une poêle à frire, en l’ébouillantant ou en le rouant de coups notamment avec des minis versions de lui-même, qui vont lui faire passer un sale quart d’heure. Le réalisateur ira même jusqu’à lui offrir un jumeau maléfique à occire ainsi qu’une dulcinée à reconquérir. On nage en plein délire romanesque digne d’un vieux film de cape et d’épée.
Mis au piloris par des spectateurs insatisfaits, Evil Dead 3 L’Armée des Ténèbres fait preuve de la même générosité que son prédécesseur en dépit des nombreux reproches qui lui sont adressés. S’il fallait néanmoins lui adresser un tort, ce serait peut-être cette fin alternative privilégiée par les studios, alors que son créateur destinait à Ash une nouvelle aventure mythologique dans un registre post-apocalyptique. Perdu dans les couloirs du temps, il faudra prendre son mal en patience pendant plus de vingt ans pour que Sam Raimi décide enfin d’exhumer son héros de sa routine de magasinier, et réincarner son statut de légende cette fois-ci dans le monde du petit écran avec la série Ash VS Evil Dead, malheureusement annulée à l’issue de la troisième saison. La malédiction ancestrale du Nécronomicon n’est néanmoins pas prête de toucher à sa fin, tant qu’il y aura encore des fanatiques prêts à dépoussiérer le livre des morts, afin de libérer à nouveau les forces du Mal. Evil Dead Rise !