[Critique] – The Leech


The Leech affiche film

Réalisateur : Eric Pennycoff

Année de Sortie : 2022

Origine : États-Unis

Genre : Noël Chez Les Fous

Durée : 1h22

Le Roy du Bis : 6/10
Thibaud Savignol : 6/10


Journal d’un curé de Noël


Peut-on encore définir Noël comme la période de l’année où il fait bon partager et aider son prochain ? Pas si sûr. Nous sommes désormais tous obnubilés par la course aux cadeaux et le repas pantagruélique des fêtes, appréhendant le fameux «c’était mieux avant» cher à nos proches de plus de soixante ans. Plus une corvée pour certains qu’une vraie occasion de se retrouver. La dimension religieuse et la bonté ont foutu le camp depuis longtemps, remplacées par la tourmente consumériste dans laquelle nous sommes englués depuis des décennies. Il n’y a qu’à voir les semaines suivantes, la flopée d’annonces sur Vinted ou Leboncoin, revendant chaussures, jouets et autres box de parfums même pas déballées.

Laisse-moi entrer

Mais pour le père David, il en est tout autrement, ou presque. A l’approche de Noël son église sonne désespérément vide. Guidé par sa foi, et surtout la volonté d’appliquer les concepts qui régissent sa vie, il se la joue bon Samaritain lorsqu’il décide d’accueillir Terry puis sa compagne Lexi, récemment expulsés, sous son toit. Mais derrière ce geste louable, le prête espère également faire de ces brebis égarées de nouveaux adeptes de Dieu, lui qui n’obtient aucun résultat sur les réseaux sociaux. Et c’est un véritable chemin de croix qui l’attend.

Les hôtes se révèlent rapidement envahissants, bien que pas foncièrement méchants dans le fond. En premier lieu Terry, qui fume à l’intérieur malgré les demandes répétées de David, écoute son métal à fond en pleine nuit, tout le temps à picoler et à ne pas faire grand chose de ses journées. Lexi en rajoutera une couche, bien que de son côté elle recherche activement un emploi. Le prêtre tient bon, engoncé dans ses croyances et persuadé de faire œuvre de charité, telle que dictée par l’Église catholique. Il est notamment convaincu que Lexi est enceinte (donnant un formidable quiproquo final), et agit également pour le futur enfant, en s’assurant qu’aucun avortement n’ait lieu.

The Leech Critique Film

Habitué au huit-clos grâce à son précédent long-métrage Sadistic Intentions, où performait déjà Jeremy Gardner (ici Terry), Eric Pennycoff fait des miracles avec trois décors et quatre acteurs. Via ce scénario en apparence simpliste, le jeune metteur en scène démontre son habilité à tisser de vraies personnalités, atypiques et contradictoires. Ses protagonistes paraissent bien vivants, grâce à des comédiens toujours justes, même lors de leur sortie de route. La direction d’acteurs s’avère solide, et le long-métrage n’a pas peur de prendre son temps pour développer les pulsions souterraines.

Jusqu’au sang

Si The Leech (littéralement la sangsue) désigne évidemment ces profiteurs que David héberge, elle fait également référence à ce qui pompe notre fluide vital de façon imagée. La métaphore agit comme nos volontés profondes, souvent masquées lors de nos interactions sociales. Il se pourrait que le passé du prêtre soit plus trouble qu’il n’y paraît, et surtout que sa volonté de remplir son église soit plus forte que tout. Car à travers ces hurluberlus fantasques, c’est surtout la tentation d’un homme de Dieu qui est mise à l’épreuve, affrontant le malin qu’il répugne tant. David doit ainsi faire face à une vie faite de plaisirs, de substances et de chair, à un langage libre et un lâcher prise auquel il doit se refuser. Ne reste alors qu’une solution, celle de convertir ses ouailles.

Et le récit de faire une bascule idéologique intéressante, miroir d’un prosélytisme forcené, qui en échange d’un toit conditionne ses hôtes à une vie consacrée à Dieu. Si l’un se laisse volontiers tenter, l’autre s’avère plus récalcitrante. Basculant progressivement dans la psychose, la mise en scène de symboles religieux appuie la vision d’un homme incapable de voir le monde à travers un autre prisme que celui de ses propres valeurs. Pennycoff fait de Terry un nouveau Jésus (cheveux longs, barbe), souvent accolé au portait du Seigneur dans sa chambre, place plusieurs fois la figure christique dans ses cadres et baigne son final de tons rouges proches de l’Enfer.

The Leech constitue ainsi un huit clos jubilatoire, où le concept de bonté est mis à mal face à des individus un peu récalcitrants et n’ayant pas la même vision du monde. S’appuyant sur un trio d’acteurs à la complicité évidente, se provoquant l’un l’autre, la bascule du derniers tiers achève de faire du long-métrage un joli cadeau empoisonné, mais sincère. Quand on vous le dit que Noël il a changé.

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