
Réalisateur : Ted Nicolaou
Année de Sortie : 1994
Origine : États-Unis
Genre : Dragon Chétif
Durée : 1h26
Le Roy du Bis : 6,5/10
La Fin de l’Innocence
Au rayon enfant du label Moonbeam Entertainment de la Full Moon Features, les dinosaures, dragons et autres créatures légendaires sont domestiqués, les cow-boys côtoient les extra-terrestres, et les aventuriers d’un autre temps partent à la chasse au trésor dans des vieux temples aztèques truffés de pièges. Les chevaliers et pirates y trouvent naturellement leur place dans un imaginaire débridé n’ayant de limite que l’étroitesse des budgets.
La Terreur des Highlands
Dans ces linéaires de vidéo-club destinés à nos chères petites têtes blondes, il y avait Le Château du Petit Dragon dont le réalisateur Ted Nicolaou dira avec des trémolos dans la voix qu’il s’agissait de sa meilleure expérience sous la bannière du studio. Et il convient bien de reconnaître que ce petit conte enchanteur mêlant folklore celtique, paysage séculaire, château médiéval et parc d’attractions, avait de quoi faire rêver aussi bien les petits que les grands enfants.
Pour s’en rendre bien compte, il suffit de revoir le vidéozone de l’époque, affichant la synergie des différents départements créatifs supervisés par le regretté David Allen lors du tournage. À l’instar de Walt Disney à l’époque de la construction de son parc Disneyland Anaheim, ce magazine promotionnel entrecoupé de teasing, making-of et publicités, permettait à Charles Band de se mettre en scène, s’attribuant une aura sympathique auprès du public cible.
L’histoire prend racine dans les Highlands, terres de légendes et de mystères. Le petit Johnny McGowan est envoyé en pension au fin fond de l’Écosse pour vivre dans le château de son grand-père, après avoir perdu ses parents lors d’un tragique accident. Et comme le vieil homme ne possède pas la télé, Johnny réalise qu’entre la cornemuse, les moutons et le jardin à cultiver, le temps va sembler sacrément long durant ces 15 prochaines années. Alors il fait le souhait de rencontrer un camarade avec lequel il pourra jouer.

L’ami en question sera un petit dragon surnommé Yowler, qu’il tentera de domestiquer. Les deux compagnons vont s’épanouir dans leur quiétude, jusqu’au jour où une équipe de reporters télé tomberont nez à museau avec la créature ayant considérablement bien grandi depuis. Vous l’aurez deviné, le reporter arriviste verra en cette bête l’opportunité de se faire de l’oseille, et parviendra à convaincre un entrepreneur véreux d’investir dans un parc à thème dont Yowler serait l’attraction phare.
Malgré sa réticence, Johnny accepte bon gré mal gré de signer les termes du contrat, ne pouvant lui-même payer les taxes inhérentes au château de son défunt grand-père. Ce faisant, il ne réalise pas que cette société compte exploiter et maltraiter son ami lors de joutes médiévales destinées à divertir le public. S’il est convenu depuis Jurassic Park que de garder des dinosaures en captivité est une mauvaise idée, en serait-il autrement d’un dragon que l’on persécuterait avec la pointe d’un bâton électrifié ? On est en droit de se le demander.
Qui marche sur la queue du dragon…
Au delà des niaiseries d’une amitié vacillante entre Johnny et Yowler suite à l’intrusion d’une belle blonde dans le giron de leur relation, Dragonworld reflète aussi la fin de l’innocence de ses deux compagnons, qui doivent désormais s’élever et trouver leur place dans la société : Yowler à l’état sauvage des Highlands, Johnny à son potager afin de palier au besoin de son foyer. Mais cet état latent de douce mélancolie reflète également celui du studio. Au sortir du triomphe de Jurassic Park et de ses dinosaures en images de synthèse ayant totalement révolutionné le monde des effets spéciaux, les choses ne seront plus jamais comme avant. La Full Moon Features devra donc désormais avoir recours aux CGI suite à l’augmentation des coûts de production.
L’animation de Yowler le dragon témoigne justement de cet entre deux âge, et nécessita d’allier les différentes technologies à disposition. Les ateliers confectionneront une réplique en animatronique pour les plans rapprochés, tandis que les images de synthèse seront privilégiées pour les plans larges ou bien pour faciliter les déplacements de la créature (cette séquence éminemment symbolique voyant Yowler et ses deux compagnons voler vers la pleine lune). Enfin, la stop-motion prendra le relais pour les transitions et séquences d’action, sans que le résultat ne jure avec le reste de l’animation.
L’approche employée est la bonne et permet à la magie d’opérer, notamment grâce à de superbes plans composites et environnements naturels, en partie capturés dans les Highlands ainsi qu’en Roumanie. Si Charles Band pouvait encore à l’époque compter sur le talent et la supervision de David Allen, le décès de l’animateur star mettra à sac l’organisation du studio, devant abandonner les effets en stop-motion trop longs et contraignant à produire, surtout face à la démocratisation des CGI.