
Réalisateur : Oz Perkins
Année de Sortie : 2025
Origine : États-Unis
Genre : Jouet Tueur
Durée : 1h38
Thibaud Savignol : 6,5/10
Sortie en salles : 19 février 2025
C’est pas au vieux singe qu’on apprend à faire la grimace
D’un script très premier degré proposé par l’écurie James Wan (Atomic Monster), Oz Perkins a préféré en tirer une farce corrosive sur l’absurdité de la mort. Derrière ce revirement à 180 degrés, se cache le trauma d’un homme dont les parents sont eux-mêmes décédés de manière irrationnelle. Si son père, le célèbre Anthony Perkins, a succombé au Sida à une époque où c’était tabou, sa mère Berry Berenson, faisait elle partie d’un des avions du 11 septembre. Longtemps rongé par cette fatalité, il s’est rendu compte compte au fil des ans que l’injustice de la mort n’épargnait finalement personne. Et avec The Monkey, pour sûr que le carnage n’est pas prêt de s’arrêter !
Père King, raconte nous une histoire
A l’origine, la nouvelle Le Singe paraît dans le recueil de nouvelles Brumes, publié en 1980 sous la plume de l’intemporel Stephen King. Un écrit déjà adapté officieusement (comprenez plagié) en 1984, avec Le Singe du Diable. Modifiant le fil du récit original (le texte compose avec de nombreux aller-retours temporels), cette nouvelle adaptation s’intéresse aux jumeaux Bill et Hall, qui découvrent dans le grenier un vieux jouet ayant appartenu à leur père. Il s’agit d’un singe à tambour (les droits du singe à cymbales original sont devenus la propriété de Disney avec Toy Story 3), possiblement responsable des nombreuses morts atroces qui commencent à s’accumuler autour d’eux.
Lorsque l’intrigue se déploie 25 ans plus tard et que les personnages nomment le jouet «Ça», impossible de ne pas penser au clown tueur que King inventera quelques années plus tard. Se déroulant encore une fois dans sa région fétiche du Maine, le récit traite d’un cauchemar vécu enfant qui ressurgit des années plus tard (27 ans dans Ça), et dont les protagonistes auront l’obligation de l’affronter à nouveau une bonne fois pour toutes. La ressemblance entre les œuvres est troublante, Le Singe apparaissant dès lors comme un brouillon de l’œuvre fleuve à venir, qui constitue encore aujourd’hui l’un des sommets du maître.
Côté cinéma, on regrette que la filmographie du metteur en scène soit injustement inédite en France (notamment le sublime February) jusqu’au tout récent Longlegs, thriller traumatisant de l’année 2024. Oz Perkins installe ici une logique à la Destination Finale, trois petits mois seulement avant la sortie d’un tout nouveau sixième opus, faisant des accidents impromptus le cœur de sa mécanique narrative. Dès l’introduction, avec cette mise à mort ultra graphique annonçant littéralement le défilé de tripailles en approche, le ton est donné, oscillant entre un humour acide et une violence graphique qu’on avait pas forcément vus venir.

La mort vous va si bien
Le réalisateur quinquagénaire décide pour ce nouveau projet de redéfinir en partie son style. La mise en scène contemplative (arty diront péjorativement certains), lancinante et éthérée, cède à une orientation plus brute de décoffrage, où le bodycount affole les compteurs, soutenu par un rythme métronomique. Si les débordements gores n’ont rien à voir avec les longs-métrages précédents, ce serait tout de même oublier que le cinéma de Perkins était déjà contaminé par une méchanceté grinçante et des éclats de violence bien sentis (rappelez-vous la rencontre entre Nicolas Cage et une table dans Longlegs).
Si il se veut plus direct, et même plus mainstream dans son approche du rollercoaster horrifque, Perkins n’en abandonne pas pour autant son goût pour le décalé et le morbide. Amplifié par des cadres soigneusement composés et un sens du timing qui fait souvent mouche (les raccords comiques fonctionnent à merveille), The Monkey regarde la mort droit dans les yeux et ne cesse de s’en amuser. Et rien de mieux qu’une palanquée de personnages secondaires irrésistiblement ubuesques pour parfaire ce carnaval gore.
Chacun à sa façon, que ce soit au détour de quelques plans (ce jeune militaire complètement déconnecté sur le canapé de maman) ou lors de brèves séquences (ces cheerleaders qui acclament les équipes sur les scènes de meurtres), décuple l’absurdité du métrage, le faisant parfois lorgner vers le cinéma des frères Cohen. L’imagination sans limite du script nous gratifie dès lors d’exécutions plus burlesques les unes que les autres : tripes arrachées au harpon, explosion au fusil de chasse, piétinement par 67 chevaux en furie ou encore attaque de guêpes vindicatives.
On regrettera cependant un scénario un peu faiblard, peut-être trop simpliste vis à vis de sa quête du singe tueur et un antagoniste aux motivations un brin incompréhensibles. Mais ce récit corrosif se permet de contempler la mort en face et d’en rire, comme absurdité totale et hasardeuse de la vie, des propres mots du réalisateur. Notre existence est comptée, et nous partageons tous cette finalité.
Chaque exécution permet dès lors de désamorcer ce concept, de nous rappeler à notre condition de mortel et d’en faire le deuil. Comme le fils du héros non désiré, et à l’image de notre propre création et de celle de l’univers, tout peut donc se résumer à un simple accident ? Une idée illustrée lors d’un final purement fantastique, qui adoucit notre rapport à la mort et nous invite à accepter avec plus de légèreté l’inéluctable. On aurait pas pensé Perkins aussi bout-en-train.