
Réalisateur : Charles Band
Année de Sortie : 1982
Origine : États-Unis
Genre : Larve Belliqueuse
Durée : 1h25
Le Roy du Bis : 6/10
Les Sangsues
Dans une galaxie lointaine, très lointaine, bien avant que James Cameron ne se fasse le chantre et plus ardent défenseur du temple sacré, la 3D était déjà dans les tuyaux de l’exécutif hollywoodien. Le procédé ne date pas d’hier. Son histoire commence à l’antiquité grecque, au temps d’Euclide et de la géométrie. La stéréoscopie fut inventée en 1838 et permettait de voir des images en relief avant que les frères Lumières ne révolutionnent le cinéma avec L’arrivée du train en 1903. Si on écarte la large diffusion du film The Power of Love en 1922, cette technologie fut peu adoptée par les cinéastes en raison de sa logistique contraignante.
T’as vu la Vierge en 3D ?
Le procédé n’a rien de très sorcier puisqu’il consiste à filmer à l’aide de deux caméras écartées d’une distance relative à la perception rétinienne, dans des filtres de couleur à dominante rouge et bleu. À la projection, les deux bobines sont alors passées simultanément sur un écran unique et superposées (3D sbs dite side by side), nécessitant une paire de lunettes bleu et rouge afin que les yeux puissent sélectionner les deux images et offrir au spectateur cette impression stéréoscopique.
Durant les années 50, l’arrivée des télévisions dans les foyers occasionne une exode des salles de ciné, contraignant les studios à exhumer cet outil de mise en scène avec toute une série de productions en tout genre (thriller, western, horreur, fantastique, etc.) et de toutes horizons (L’Etrange Créature du Lac Noir, Le Météore de la Nuit, Le Crime était presque parfait, Bataille sans merci etc.). La réponse est donc américaine : à déficit massif, investissement massif.
La Warner sera la première à lancer les hostilités avec L’Homme au masque de Cire d’André de Toth suivi de près par ses concurrents également sur le déclin (Universal Pictures, Colombia Pictures, 20th Century Fox, Paramount Pictures, MGM). Mais ce nouvel essor ne sera que de courte durée en raison des coûts onéreux occasionnés pour pouvoir mettre en œuvre cette technologie et la diffuser en dehors des États-Unis. L’expérience clientèle souvent mitigée (les maux de têtes, et la faiblesse du relief) pousseront finalement les producteurs à privilégier le format cinémascope et le technicolor.

Avec l’arrivée de l’infographie dans les années 80, la 3D renaît encore une fois de ses formes, bientôt popularisée par la succès des Dents de la Mer 3D suivi d’une série de films d’horreur sensationnels. C’est d’ailleurs à cette période charnière de l’histoire que le public français aura l’occasion de redécouvrir L’Étrange Créature du Lac Noire en 3D à la télévision grâce au coup de pub d’Eddy Mitchell par le biais de son émission (La Dernière Séance) qui proposait aux public de revêtir une paire de lunettes bicolore.
L’accueil fut pour le moins mitigé en raison de l’équipement disparate des foyers (50 % de la population était encore équipée de téléviseurs noir et blanc) et de la réception du programme. Certains pouvaient tout au plus discerner une légère profondeur de champ. Le vrai problème consistait également dans le divertissement proposé, puisque comme souvent, les producteurs raisonnaient davantage par les effets forains procurés par cet outil de mise en scène, que par l’intrigue et les enjeux narratifs.
Les nouvelles technologies de l’Imax 3D présentées en grande pompe à l’Expo 86 à Vancouver et adoptées par les parcs d’attractions tels que le Futuroscope et Disney World (Captain EO) finiront d’enfoncer le clou. Mais comme toujours le nerf de la guerre reste financier. Et il faudra attendre la sortie d’Avatar en 2009 pour de nouveau stimuler cette effervescence.
C’est l’heure du Pestacle !
Présentée à l’époque en relief, Parasite est une bande d’exploitation opportuniste et fauchée de Charles Band, n’entretenant aucun lien avec les pécores miséreux de Bong Joon-Ho (Parasite). Le producteur également réalisateur n’avait pas encore bâti son Empire et encore moins domestiqué les étals des vidéostores avec ses myriades de titres. Il s’agissait de sa dernière et ultime collaboration avec Irwins Yablans avant de voler de ses propres ailes.
Avec sa larve carnassière au sang acide, et son monde post-apocalyptique, les influences sont manifestes et sont à aller chercher du côté de Mad Max et d’Alien le Huitième passager, que certaines scènes miment parfois au plan près (le gros plan sur la bouche de la créature, sa capacité à surprendre ses victimes en se jetant du plafond, et le fameux chestbuster). Pour autant, la peinture de cet univers crépusculaire réduit à une ville fantôme en plein désert, où les survivants vivotent à base de commerce équitable sans le sous et se nourrissent de boîtes de conserve et d’infusions citronnées, n’a rien à envier à certains classiques du bis italien des Fulci, Mattei, Castellari et autres Margheritti.

Le premier degré de l’entreprise évacue toutes les excentricités du genre, dans l’héritage des survival de la précédente décennie, minéral et brutal comme ces règlements de compte au crayon laser (seule et unique fantaisie occasionnant de sévères démembrements) et ces empoignades musclées. Nous y suivrons les errements d’un médecin fiévreux, infecté par un parasite vorace, aux prises d’un groupe de punks à chiens et d’un agent du gouvernement.
Dire qu’il suffisait à l’époque d’une Lamborghini pour véhiculer un semblant science-fictionnel peut largement prêter à sourire de nos jours, mais le fait est que le père Band a toujours su faire illusion avec des moyens souvent réduits à peau de chagrin. Si ce dernier n’est pas réputé comme étant un grand metteur en scène, il faut tout de même lui accorder le mérite de son efficacité sommaire, ses compositions crépusculaires sans artifices grossiers (du moins si on écarte ce cascadeur immolé par le feu en combinaison ignifugée).
Le relief est à l’avenant et le cinéaste nous gratifie de quelques effets réussis tels que cet empalement avec un tuyau, ou bien ce Headbuster particulièrement gore. La distribution comporte tout un tas de noms prestigieux, Demi Moore notamment alors âgée de 20 ans qui débutait sa carrière au cinéma. Peter Manoogian comme principal assistant, le frangin Richard Band à la sonorisation, Mac Ahlberg (Laserblast) à la photographie, Stan Winston aux effets spéciaux, ainsi que Luca Bercovici (The Horror Star) en second rôle, qui aura quelques années plus tard l’occasion de réaliser l’une des œuvres les plus prolifiques du studio (Ghoulies).
Parasite est un point de bascule dans la carrière de son réalisateur, notamment dans sa manière d’appréhender l’industrie du 7ème art suite à l’émergence des films de genre sur le marché international. Savoir pomper la moelle épinière des meilleures série B de l’époque sans dégueuler un gloubi-boulga contrefait relevait d’un sens inné de l’art de la reproduction. Le nom d’Empire Pictures apparaît alors pour la première fois l’année suivante au festival de Cannes 1983, quand le producteur tentait de lever des fonds pour livrer une séquelle hypothétique à ses créatures, qui finiront par muter dans des genres divers et variés.