
Réalisateur : Norman Thaddeus Vane
Année de Sortie : 1983
Origine : États-Unis
Genre : Vampire-Zombie Vénère
Durée : 1h35
Le Roy du Bis : 7,5/10
Disponible à la vente chez Uncut Movies
Toujours vivant, Toujours Debout
Uncut Movies deviendrait-il respectable ? Fervent défenseur d’un cinéma de genre qui tâche, le label qui fête ses 27 ans d’existence s’embourgeoise, quittant l’ornière de son ghetto underground pour éditer des classiques de la série B qui ne choqueront que les bourgeois de l’intelligentsia. Le racoleur forain ne fait plus assez bander les foules. La niche devient aussi étroite que l’hymen d’une bonne sœur. Où sont donc passées nos plus belles (et jeunes) années devant Violent Shit 3 Infantry of Doom et son humour pipi-caca ?
Uncut Shouldn’t Play with Dead Movies
Le distributeur résiste encore à l’envahisseur félin (Le Chat qui fume), à l’ombre du géant Shadowz, aux coups de butoir de l’imposant Elephant Films, et à la marche impériale d’ESC dans un marché devenu impitoyable et anthropophage. En réalité, ce n’est pas la première fois que Romuald Falleau et Patrice Carmona proposent des films disons, plus «estimables» dans leur catalogue de distribution (Fatal frames, Il Gatto Dagli Occhi Di Giada, Il Mostro, Escalofrio). C’est qu’il en faut aussi pour tous les goûts. Les deux quinquagénaires ont donc décidé d’exhumer l’un des slashers les plus mésestimés des années 80.
Quant à savoir si l’auteur de ces lignes à apprécier le film, la note parlera d’elle-même. Oui, Horror Star c’est vraiment bien. Peut-être même trop pour l’éditeur, qui risque de s’attirer les inimitiés de plus gros poissons nageant dans les mêmes courants. «Aucun film ne mérite de disparaître, aucun film ne mérite d’être oublié, aucun film ne mérite de ne pas trouver son public et c’est pour cela que depuis 1998 notre label se fait l’hôte des films les plus fous de la planète» – Romuald Falleau et Patrice Carmona, fondateurs du label Uncut Movies.
Les deux Orléanais sont donc à l’initiative de cette superbe édition mediabook remasterisée qu’ils aimeraient vendre comme leur produit star, avec un superbe menu interactif itou, itou. «Sa place est dans un musée !» comme dirait l’autre. À travers ce livret informatif, le duo nous raconte différentes anecdotes autour du film, de la personnalité haute en couleur de son réalisateur : ses frasques sexuelles, ses concours de beuverie, sa bagarre avec James Cameron et sa tentative de chantage avec Tony Curtis sur le tournage de Club Life. Ce recueil constitue un témoignage passionnant sur l’état des lieux d’un genre et d’une époque, passant en revue l’âge d’or des vidéoclubs et de SVP, l’historique du festival d’Avoriaz et ses sélections disparates, rendant un vibrant hommage à l’ensemble de la distribution.

Conrad Ragzoff une ex-gloire déchue, se retrouve à tourner dans d’horribles publicités pour payer sa villa et son futur mausolée. Passant de vie à trépas, ses fans les plus ardents décident de lui rendre un dernier hommage en dérobant son cadavre pour festoyer à ses côtés. Face au caractère licencieux et morbide de cette démarche, le défunt au caractère tempétueux va alors revenir d’entre les morts pour livrer sa dernière interprétation, la plus sanglante et brutale. L’intrigue du film est tirée d’un authentique fait divers qui aurait éclaboussé la jet society hollywoodienne de l’époque. Errol Flynn accompagné de plusieurs autres acteurs aurait chapardé le corps de John Barrymore afin d’organiser une soirée mondaine en sa compagnie.
Vu d’un œil extérieur, nous pourrions suspecter que le duo d’éditeurs a certainement vu dans le sort réservé à cet interprète le miroir d’un destin funeste. Traversant une terrible crise existentielle, Conrad Ragzoff se retrouve à l’orée de sa sortie de scène définitive, bientôt remplacé par une jeune génération fougueuse et toute permise (Luca Bercovici, Jeffrey Combs) ne reculant devant aucun sacrilège pour porter leur star et idéaux aux nues. Cette vengeance d’outre-tombe est d’une certaine manière, le dernier combat et cri rageur d’un acteur sur le retour doublé d’un conflit intergénérationnel.
Week-end chez Conrad
Sorti peut-être trop tôt, ou bien trop tard pour être apprécié à sa juste valeur, Horror Star était un film lucide sur son temps, lié au devoir de transmission entre deux générations, l’une portée par le cinéma d’épouvante-horreur et l’autre par le slasher. Norman Thaddeus Vane pose un regard attendrissant, empli de mélancolie et de romantisme pour ce genre évanescent avec lequel il a grandi. Franc-tireur, le cinéaste n’hésite pas à tirer à balles réelles sur la petite oligarchie élitiste du cinéma, mais également sur son public de fanatiques érigeant leurs idoles en totem de culte. Alors que les touristes se prenaient en photographie avec les reproductions en résine du T-800 et de Rocky au sein des restaurants Planet Hollywood, les admirateurs de Conrad Ragzoff en feront autant de sa dépouille, et plus si affinités…
À cette occasion Ferdy Mayne fut recruté en lieu et place de Christopher Lee (beaucoup trop cher) pour jouer les comte Dracula de pacotille. Sa présence était une évidence après avoir tourné dans Le Bal des Vampires de Roman Polanski ainsi qu’une production Hammer (The Vampire Lovers de Roy Ward Baker). Pédant et hautain, le comédien s’en donne à cœur joie, affichant un calme olympien, le teint livide, le regard magnétique et le rictus figé, comme un animal empaillé. Ce dernier joue à faire le mort avec son public pour tenter de lui coller la plus grande frayeur de sa vie, débitant ses épitaphes face-caméra («Je suis parti dans les Ténèbres. Puis j’ai traversé des flammes. Ensuite je suis revenu. Tu m’as fait revenir de l’enfer !»), châtiant les mauvaises langues, coupant les têtes, cramant ses fans et foudroyant ses victimes de son terrible fiel.

L’horreur atmosphérique tire toute sa puissance d’évocation de la mise en scène de Norman Thaddeus Vane et de la photographie expressionniste de Joel King, imposant des dizaines de prises de vues supplémentaires au désarroi du réalisateur craignant des dépassements de budget. L’ambiance sépulcrale sent les relents de caveau de la gothique Hammer. La caméra s’emballe (comme ce cercueil lévitant dans les airs), pris dans le mouvement de cette litanie nécrophile à mesure de la profanation des fêtards. Tout devient de plus en plus vaporeux à mesure que cette vengeance d’outre-tombe s’accomplit. Le cinéaste se fait le gardien du temple sacré, réemployant tous les poncifs éculés du genre à parfait escient (effet de brume, vue subjective, clair obscur, cri terrifiants, bruits inextricables, bad trip onirique) afin d’intégrer enfin cette «Horror Film Society» qu’il placarde opportunément à proximité de son mausolée.
Dans l’exécution, il s’agit d’un slasher assez sommaire mais à l’approche bien plus classieuse que ses contemporains du bis américain. Horror Star s’adresse donc principalement aux amateurs du genre, plaçant de nombreuses allusions à ses illustres prédécesseurs (Vincent Price, Bela Lugosi), comme autant d’éléments venant accroître la dimension méta-fictionnelle de l’œuvre. Prisonnière de son image, l’ex-gloire déchue cherchera ainsi à rester digne jusque dans sa sortie de scène définitive, s’offrant un dernier baroud d’honneur infernal.
Certains motifs et répliques anodines («N’oubliez pas que moi ici présent, j’étais autrefois comme vous, et que vous qui êtes là serez un jour comme moi» ; « à chaque fois que vous verrez un de mes films, vous me regarderez, mais je vous regarderai») alerte le spectateur avisé pour leur caractère prophétique. Car c’est bien en profanant le corps des défunts que Jeffrey Combs se fera connaître du grand public à travers le cultissime Re-Animator de Stuart Gordon. Son confrère Luca Bercovici aura d’ailleurs lui aussi l’occasion de collaborer avec l’inénarrable Charles Band pour lequel il réalisera Ghoulies la même année. Et pour les goreux qui resteraient frileux à cette sincère proposition, qu’ils se rassurent néanmoins. Romuald Falleau et Patrice Carmona continueront encore de nous abreuver de nanars mexicain, turcs et indonésien (Las momias De Guanajuato, Lady Terminator, Bayi Ajaib), et de productions trash underground (Nocta, Swabia Underground Madness Trilogy) grâce à son partenariat avec l’éditeur italien Spasmo Video.