
Réalisateur : Adam Wingard
Année de Sortie : 2016
Origine : États-Unis / Canada
Genre : Forêt Hantée
Durée : 1h30
Le Roy du Bis : 2/10
Thibaud Savignol : 4/10
Laissez la sorcière tranquille
Un gigantesque coup d’éclat, et puis plus rien. Après les millions engrangés au box-office, plus grand monde n’a entendu parler de Daniel Myrick et Eduardo Sanchez. Leurs carrières en solo ont traversé la première décennie du 21e siècle comme un lointain murmure dans le vent. Si on a apprécié le jusqu’au boutiste Septième Lune de Sanchez, les deux hommes n’ont rien réalisé de mémorable par la suite. Pas étonnant de les retrouver dès 2009 derrière cette suite à leur hit en puissance, le Projet Blair Witch, en vue de réhabiliter son aura suite au catastrophique Livre des ombres.
Le cul entre deux chaises
Malgré deux années passées à bâtir un nouveau script, les emplois du temps coincent avec la boîte de production Lionsgate. Le projet tombe dans les limbes du development hell, et chacun retourne à ses occupations. Débarquent alors Adman Wingard et Simon Barrett en 2013, motivés à l’idée de reprendre le flambeau et de proposer leur propre vision de la forêt de Blair. Tourné sous le titre temporaire «The Woods», afin de garder secret ce retour jusqu’à la projection salles, le film débarque enfin en 2016, après des premiers retours pas particulièrement enthousiastes.
Le projet en lui-même était voué à une impasse. Bien qu’il se positionne comme suite officielle au chef d’œuvre de 1999, il affiche également des airs de remake, avec son titre similaire et un script qui louche furieusement sur l’original. De plus, comment retrouver l’esprit d’un film fauché usant de notre imagination dès lors que cinq millions de dollars appuient le projet ? Impossible en effet de reproduire l’expérience d’il y a quinze ans. L’œuvre était en avance sur son temps, usa d’un médium absolument pas démocratisé à l’époque (le caméscope numérique) et se trouvait être novatrice par son remodelage des formes horrifiques.

En 2016, suite à la démocratisation du Found footage qui a envahi les salles obscures depuis le début de la décennie, l’approche visuelle ne surprend plus. Dès lors, les initiateurs du projet sont obligés, presque par défaut, de trahir l’esprit d’origine, basculant dans le bigger and louder archétypal depuis Aliens, le retour. En brandissant la carte de la surenchère (plus de personnages, plus de caméras, plus d’images), ils condamnent instantanément cette cuvée 2016 à n’être qu’un ersatz du tout venant filmé au caméscope. Arrivé bien après la bataille, le Found footage ne faisant plus autant recette suite à sa sur-exploitation, Blair Witch d’Adam Wingard n’a plus rien à dire ou à proposer d’un tant soit peu original.
Toujours à la recherche de sa sœur Heather (la disparue du premier volet), James pense l’avoir aperçu dans une vidéo récemment mise en ligne sur Youtube. Ni une ni deux, il entre en contact avec l’instigateur de cette vidéo, et part à nouveau accompagné de ses amis s’enfoncer dans la sombre forêt de Blair, convaincu qu’Heather y est encore prisonnière.
Baroud d’honneur
La structure même du long-métrage pose rapidement problème. Là où des étudiants menaient un véritable travail d’investigation documentaire en 1999, la justification du procédé semble ici bien plus artificielle. Encore un personnage random, Lisa, étudiante en cinéma qui profite de l’occasion pour réaliser son fameux film de fin d’études. Une fainéantise d’écriture qu’on pensait éculée. Accompagnés également par deux locaux forcément rednecks et malaisants (le subtil drapeau confédéré dans leur salon), le film lorgne sans vergogne vers le slasher fantastique basique.
Suffisamment de protagonistes sont rassemblés pour ensuite disparaître un par un, à intervalles réguliers, au grès des caprices horrifiques du script. Avec le recul nécessaire, on se rend d’autant plus compte de la fraude Found-footage qu’est ce Blair Witch 2016, qui n’apporte rien en terme de diégèse. Un filmage classique (externe à l’action) aurait conduit au même résultat. Et sûrement moins crispant pour les nerfs.

Car au-delà des (nombreux) jump-scares, souvent putassiers, le scénario veut jouer sur tous les tableaux. Après avoir allègrement pompé Le Dernier Exorcisme, faisant des ploucs du coin des charlatans amateurs de pranks, s’installe un cycle jour/nuit surnaturel qui piège les randonneurs dans des temporalités différentes. Des péripéties abscons, dénaturant la quintessence de la peur du réel (une forêt, la nuit), pour en tirer un festival d’absurdités ubuesques, entrainant le film vers un fantastique racoleur bas du front. Sans oublier l’obligation d’expliciter le modus operandi de la sorcière, là où l’ignorance était la principale source de terreur du premier opus.
C’est bien là que le film de Wingard atteint rapidement ses propres limites, à travers son incapacité à tirer de son dispositif la terreur que suscitait l’expérience de 1999. Le film, radical, acceptait de filmer l’errance, l’ennui, le vide, comme immersion totale et transposition réaliste du calvaire enduré par ses personnages. Aucun effet ne venait parasiter cette excursion funeste, jusqu’au final des plus mouvementés. Pointait seulement un malaise prégnant, jouant de notre peur du vide, du noir, des ombres et des grands espaces.
Ici tout est illustré au forceps, via un sound design sur-mixé épuisant et un montage frénétique, incapable d’étirer ces peurs primales. Une suite/remake qui se contente seulement de reprendre l’univers de la saga, utilisant notamment tout ce qui a été fait dans The Curse of Blair Witch, moins connu du grand public (Rustin Parr, la sorcière condamnée, la naissance du bled). Et soudainement, comme par miracle, cette course au spectaculaire fonctionne lors d’un dernier acte salvateur, où le dispositif révèle enfin tout son potentiel.
Rappelant évidemment REC de par son intensité et un certain design (on repassera pour l’originalité avec cette mode des grands corps filiformes), le trip final est aussi court que terrifiant. Usant d’une vue à la première personne anxiogène, hommage aux jeux vidéo à la Outlast et Amnesia, il est impossible pour les protagonistes de se battre. Ils peuvent seulement fuir et se cacher. Le décor cradingue, la claustrophobie étouffante et l’habillage sonore enfin pertinent créent un dernier rush d’adrénaline qui prend littéralement aux tripes. Avant de se terminer sur un twist con et inutile. Sacré Wingard, on ne se refait pas !