
Réalisateur : Doron et Yoav Paz
Année de Sortie : 2016
Origine : Israël
Genre : Found-Footage
Durée : 1h34
Le Roy du Bis : 6,5/10
Apocalypse Now
Alors que les risques d’une Troisième Guerre mondiale menacent plus que jamais l’Occident, L’Écran Barge profite opportunément de ces terribles conflits touchant le Moyen-Orient pour vous parler de Jeruzalem. Ce Found footage prophétique ouvrant les portes de l’Oblivion affichait également une fenêtre sur la vie privée de ses principaux protagonistes à l’aide d’une paire de lunettes connectées. Le film des frères Paz s’était particulièrement distingué lors du 23ème Festival de Gérardmer, remportant le prix du jury à la surprise générale.
Lelouch sans ses lunettes
Claude Lelouch, président honorifique du 23ème festival de Gérardmer ne tarissait pas d’éloge au sujet de Jeruzalem, saluant son caractère novateur. Mais son choix était-il seulement guidé par sa méconnaissance du cinéma de genre ou bien par ses propres origines ? Filmé à l’aide d’une paire de lunettes connectés, ce Found footage utilisait son dispositif de mise en scène pour faire le vlog d’un pèlerinage en Terre sainte. Des jeunes vacanciers kikoolol étaient alors témoins d’une extinction de masse et devaient trouver le moyen de quitter la ville. Ce véhicule promotionnel pour son constructeur Google permettait d’afficher tout le panel de fonctionnalités offert par leur produit, mais également de gratifier le public de pay-off amusant (une conversation instantanée s’affichant au plus mauvais moment, la reconnaissance vocale mise à mal, etc).
Plus opportuniste qu’innovant cet outil de mise en scène ne permettait pas d’apporter un regard neuf sur le genre (les ressorts éculés et infatigables tels que les jump scare et la shaky cam sont légions), alors saturé de productions du même acabit, excepté sur un point bien spécifique. En effet, ce motif d’une paire de lunettes autrefois utilisé par John Carpenter dans son célèbre Invasion Los Angeles pousse le vice encore plus loin en affichant la véritable identité des gens (leur profil Facebook) avec l’aide de la reconnaissance faciale. Mettre les lunettes altère donc la perception de son utilisateur influencé par les widgets et applications.

Jeruzalem assume pleinement son argument de série B, celui d’orchestrer un chaos sans demi-mesure entre les murs de la ville sainte (golem géant, succube et autres créatures ailées). Cette plongée clandestine dans un véritable melting-pot spirituel et ethnique met tous les camps dos à dos afin d’éviter les sujets polémiques embarrassants. Les profanes pourront donc profiter de ce décorum peu commun pour faire du tourisme à l’œil, découvrir les hôtels, boîtes de nuit, pièges à touristes, monuments et même entrevoir les profondeurs de la ville et ce qu’elles renferment.
Fear of the War
Tout n’est pas rose pour autant dans ce portrait dressé chez l’habitant. Vol à l’arrachée, agressions, malades mentaux, conflits de voisinage et dissidences religieuses nécessitent l’intervention de l’armée. Jérusalem est donc loin du jardin d’Éden que se disputent les différentes ethnies. Si la ville a connu les états de siège plus souvent qu’à son tour dans le passé, l’originalité du film tient à son renversement des valeurs, puisque les portes du sanctuaire ne protègent plus d’un mal extérieur (une invasion) mais le contiennent en son cœur intérieur.
La dernière partie apocalyptique offre au public une plongée nocturne saisissante dans les rues de la cité en état d’alerte. Faute de pouvoir insuffler une vision à la hauteur de sa dimension biblique, le film s’enfonce opportunément dans les carrières du roi Salomon, convoquant ténèbres, confusion, panique hystérique ainsi qu’une galerie de créatures célestes et mystiques tenant la dragée haute aux traditionnels mort-vivants. S’il ne devrait pas résoudre la crise géopolitique frappant actuellement le Moyen-Orient, Jeruzalem parvient néanmoins à imposer sa propre vision du jugement dernier avec l’aide d’un langage universel connu de tous : la peur de mourir et de voir la civilisation s’effondrer sous un tas de ruines.