
Réalisateur : Peter Manoogian
Année de Sortie : 1986
Origine : États-Unis / Espagne
Genre : Avengers du Bis
Durée : 1h36
Le Roy du Bis : 6,5/10
Les Navengers
Pour se faire place dans les étals des vidéoclubs, les éditeurs devaient rivaliser d’ingéniosité pour vendre leurs catalogues. La réussite commerciale des petites séries B dépendait très largement de leur visuel accrocheur et donc du talent de leurs illustrateurs. À ce jeu-là, Eliminators n’avait que peu d’outsider avec sa bande d’Avengers se projetant plein d’entrain vers le spectateur. L’affiche digne d’une couverture de comics nous promettait un conflit aux dimensions apocalyptiques apte à concurrencer les copycats du bis italien qui pullulaient alors sur les écrans.
Le Pionnier des adaptations de Comics
Fan de comics dès son plus jeune âge, Charles Band avait exprimé son envie de retranscrire l’extravagance esthétique des bandes dessinées dans ses productions. Même si ce dernier n’a que rarement coécrit ou même réalisé les scénarios au temps d’Empire, toutes ses œuvres possédaient ce cachet visuel caractéristique. En outre, la réunion de plusieurs figures héroïques constituait une pratique assez avant-gardiste pour l’époque avant que Marvel n’en fasse son fond de commerce durant les années 2010.
A l’instar de Martin Scorsese qu’il a d’ailleurs côtoyé à la même université, Peter Manoogian a débuté sa carrière avec le maître de la série B : Roger Corman. Après les hommes-poissons violeurs de Humanoids from the deep sur lequel il œuvra comme directeur de production, Manoogian se retrouva catapulté comme premier assistant-réalisateur sur un film avec des asticots violeurs (Galaxy of Terror). Le sexe et les monstres furent des thématiques importantes de son début de carrière (The Howling). Mais c’est sur le tournage de Dr Heckyl and Mr Hype que le cinéaste rencontrera John Carl Buechler. Le célèbre créateur de monstres l’introduira alors auprès de Charles Band pour lequel il deviendra assistant sur plusieurs productions (Parasite, Metalstorm) avant de s’atteler à la réalisation d’un segment pour Mestema Le Maître du Donjon.
Eliminators détonne dans le tout venant de la série B d’époque. L’intrigue brasse en réalité plusieurs genres, réunissant quantité d’influences pop-culturelles disparates pour en faire une variation de Star Wars et des Chasses du Comte Zaroff. Le diabolique Docteur Abbot Reeves et sa bande de mécréants tentent de remonter le temps afin de changer le cours de l’Histoire. Mais un obstacle de taille se dresse face à eux : un groupe de héros emmené par le cyborg John Doe, cherchant à se venger du traitement inhumain qui lui a été infligé. Au cours de ces péripéties rocambolesques, ce «mandroïd» est accompagné d’une scientifique sexy, d’un robot omniscient et omnipotent, d’un ninja cherchant à honorer son défunt père, ainsi que d’un flibustier de la rivière souhaitant faire main basse sur un fabuleux trésor. Malheureusement pour ce dernier, il ne récoltera que des emmerdes.

C’est donc cela le Multivers !
A l’origine prévu pour être tourné dans les Everglades en Floride, Eliminators sera finalement délocalisé en Espagne nanti d’une enveloppe dérisoire de 900 000 dollars. Bien trop peu pour mettre en œuvre les nombreuses séquences d’action spectaculaires, effets spéciaux et artifices initialement prévus dans le scénario, sans sombrer dans le ridicule absolu. Le script rédigé par Danny Bilson et Paul De Meo (Trancers, Zone Troopers, Arena, Rocketeer) était tellement bon, que le producteur prévoyait d’utiliser le film pour lancer un nouveau label destiné aux films d’action orientés jeunesse. Manoogian l’entendait moins de cette oreille, préférant réaliser un film plus mature, atténuant les éléments comiques et délirants de son intrigue.
Les prises de vues se sont donc étalées sur près de 10 semaines, non sans quelques difficultés. Moins compétentes que les américains, les équipes de production espagnoles durent s’adapter à des contraintes de production inédites. Patrick Reynolds a largement payé de sa personne pour les besoins du film, frôlant la mort à plusieurs reprises à bord de son tank à chenille. Les acteurs ont considérablement souffert de la chaleur caniculaire lors du tournage, sous leurs costumes et maquillages. Heureusement Manoogian pu compter sur l’appuie de John Carl Buechler aux effets spéciaux, livrant un travail formidable afin d’adapter les différentes pièces cybernétiques du costume.
Il y avait donc une certaine folie des grandeurs derrière cette petite série B possédant quelques arguments de poids à faire valoir, tels que son récit de voyage dans le temps, son docteur despotique déguisé en centurion, ou bien ces nombreuses pérégrinations mêlant tribus cannibales, rednecks et gros bras du bayou prêts à s’entre-tuer pour des clopinettes. L’entreprise a tout d’un magnifique torpillage en règle au sens propre comme au figuré, avec ses situations cocasses (cette chute non programmé du cyborg au fond de l’eau suite à un virage un peu trop mal négocié), son cyborg dégommant des cohortes de légionnaires romains au fusil lasers, ses poursuites de bateaux, explosions et bastons rythmant ce récit d’aventure casse-gueule tourné au beau milieu d’un bosquet.
Doté d’un fort capital sympathie, Eliminators possède juste ce qu’il faut de naïveté pour nous faire avaler ses nombreuses couleuvres, invraisemblances et plagiats d’autres œuvres. Et puis surtout, il n’y a pas ce cynisme ou ce détachement parodique auquel la Full Moon nous habituera par la suite. Le film rapportera quatre fois sa mise de départ. L’impact sur la culture populaire sera tel que le jeu vidéo Far Cry 3 Blood Dragon s’en inspirera pour designer ses cyborgs tueurs et élaborer son atmosphère rétro-futuriste pleine de couleurs et de néons. C’est grâce à ce titre et à quelques autres (Troll, From Beyond, TerrorVision) que le studio Empire connaîtra une ascension fulgurante avec le rachat des droits vidéos par Vestron. Le nom Mandroid sera quant à lui recyclé pour une autre production de Charles Band.