
Réalisateur : Danny Boyle
Année de Sortie : 2002
Origine : Royaume-Uni
Genre : Infectés
Durée : 1h53
Le Roy du Bis : 7/10
Thibaud Savignol : 7/10
Cours, Zombie, Cours !
Prophétique à son insu lors d’un re-visionnage en 2025, impossible ne pas dresser un parallèle entre ces plans saisissants d’un Londres vidé de ses habitants et les images du JT de 20h en pleine pandémie Covid. 18 ans plus tard, la crainte d’un virus hautement contagieux se rependant comme une traînée de poudre s’est réalisée. Heureusement pour nous, malgré des milliers de morts et des restrictions inédites dans l’Histoire, pas d’infectés enragés à éviter à chaque sortie munie de son autorisation, ou de lutte pour la survie (même si les ruées pour du PQ dans les supermarchés laissaient craindre le pire). Et sans le savoir, 28 jours plus tard allait redynamiser le film de zombies pour les deux décennies à venir.
Retour en grâce
La marcheur lent et anthropophage ne fait plus fureur dans les années 90. À part le génialement gore Braindead et le très méchant Retour des morts-vivants 3 de Yuzna, le genre n’a plus vraiment cours. Le destin veut que ce soit du côté des jeux vidéo que la tendance commence à s’inverser. Le raz de marée suscité par le succès de la nouvelle saga Resident Evil, dont les deux premiers opus (1996 et 1998) se vendront par palettes entières, relance une certaine dynamique zombiesque, mais encore bien loin de ce que l’on a pu connaître dans les années 2010. En 2002, quelques mois avant le film de Boyle, sort la tiédasse adaptation cinématographique Resident Evil. Malgré le succès au box-office, le vrai renouveau viendra davantage d’une petite péloche énervée conçue en Angleterre.
Souhaitant libérer des singes de laboratoires, soumis à diverses expériences, des activistes de la cause animale lâchent sur le monde un virus qui aura raison d’une très large partie de la population. 28 jours plus tard, Jim se réveille dans un lit d’hôpital, nu comme un vers et totalement seul. À peine a-t-il le temps d’errer dans les rues désertes de Londres que sa première altercation avec des infectés le met en danger. Sa rencontre avec la jeune Séléna sera salvatrice. Ils vont désormais tenter de survivre dans ce monde de demain, entre désespoir, rencontres inespérés et violence quotidienne.

Quelques années après avoir été révélé aux yeux du grand public via l’ultra-punk Trainspotting, Danny Boyle part tourner la grosse production La Plage, avec un Di Caprio tout juste auréolé du succès de Titanic. Le film divise et ne rapporte pas autant qu’espéré. Pour son retour en terres britanniques, il décide de mettre un scène le script du jeune scénariste Alex Garland, aujourd’hui réputé pour ses long-métrages mixant anticipation et satire sociale (Men, Civil War). Tout était déjà là au début du 21e siècle.
L’influence du maître Romero est encore présente dans le déroulé des péripéties, entre le passage au supermarché (Zombie), la confrontation avec des militaires belliqueux (Le Jour des morts-vivants) ou encore l’étude d’un spécimen infecté (toujours Le Jour des Morts-vivants). Mais Garland ne fait pas de ses infectés une parabole politique, seulement une forme horrifique pure, poussant les survivants à ne pas sous-estimer les bienfaits de l’entraide. La seconde partie du film fera évidemment voler en éclats une telle utopie, mettant au centre du récit les conflits possibles entre une poignée d’individus, alors que le monde court à sa perte et qu’aucune menace ne pointe à l’horizon. Même débarrassés de ses épreuves journalières, l’Homme reste un loup pour l’Homme.
London Calling
Amoureux des expérimentations visuelles, Danny Boyle radicalise la mise en scène de son film, ayant uniquement recours à des caméras DV en lieu et place du traditionnel 35mm (qui ne sera utilisé que pour la séquence finale, choix logique). Format quasi amateur, équivalent du 8mm en pellicule, ce choix du numérique alors à ses balbutiements au cinéma (Blair Witch deux ans plus tôt), et malgré un budget relativement confortable (8 millions de dollars), dénote d’une vraie prise de risque.

Un risque qui s’avérera payant, tant la forme décuple le sentiment d’urgence permanent du récit. Avec cette patine quasi-documentaire, pris sur le vif, on a l’impression d’une véritable plongée dans ce monde post-apo, bien aidé par une réalisation percutante, faite de shaky-cam, de décadrages constants et d’une proximité presque envahissante avec ses personnages. Boyle démocratise presque déjà la forme du Found-footage, l’inclusion de la caméra diégétique en moins. Cet abolition de la distance annonce les futurs REC et Cloverfield, qui si ils diffèrent par leur rapport direct au cameraman (l’image vue par le spectateur est concrètement filmée par une personne), lorgneront fortement vers le style rentre-dedans du réalisateur britannique.
Derrière une violence et un sentiment de fin du monde omniprésents, apparaissent de longues plages contemplatives, sublimées par une BO pop-rock des plus entêtantes. Le morceau utilisé lors de la longue traversée initiale de Londres est devenu culte depuis (In The House – In A Heartbeat), et on ne se remet toujours pas des ces allées désertes à perte de vue. Des prises de vues fixées très tôt le dimanche matin, facilitées par la mairie londonienne, et dont le dispositif filmique (plusieurs caméras DV, souples et facilement manipulables) a également permis un gain de temps considérable.
Fougueux, expérimentateur et s’emparant d’un genre (l’horreur) qu’il ne revisitera que pour une suite tardive (28 ans plus tard), Danny Boyle se révélait aux yeux du monde entier. Avec ses infectés véloces et agressifs il modernisait l’image du zombie marcheur, tombé en désuétude au fil des ans. Blasphème pour les uns, salvateur pour les autres, ce sera l’étincelle dont avait besoin cette créature légendaire pour venir à nouveau hanter les écrans. Et on avait pas fini d’en manger.