
Réalisateur : Michael Mak
Année de Sortie : 1991
Origine : Hong-Kong
Genre : Érotique Fantasque
Durée : 1h30
Le Roy du Bis : 7/10
Thibaud Savignol : 7/10
Certains l’aiment chaud
Tout commence pour Michael Mak au festival de Cannes 1983. Il est alors seulement le troisième réalisateur chinois sélectionné de l’Histoire du festival. King Yu fit deux apparitions avant lui, dont une pour le monumental A Touch of Zen, puis Ann Hui avec Boat People, et enfin le concerné ici présenta Everlasting Love. Le long-métrage du jeune réalisateur fut estimé par le public, mais c’est sa rencontre avec Just Jaeckin, réalisateur du méga-succès planétaire Emmanuelle qui allait donner une autre tournure à sa carrière.
Hong-Kong décadence
Repéré pour ses deux séquences à l’érotisme torride, le cinéaste français lui propose une adaptation filmique du Kama-Sutra, ouvrage indien sacré mais aussi sacré boîte de pandore coquine. Micheal Mak n’est absolument pas un réalisateur de films pour adultes, mais l’idée l’intéresse. La Golden Harvest refuse de mettre en branle ce chantier, et Mak continue de tourner des films pour le studio, étant sous contrat. Mais quelques années plus tard, lorsque la Catégorie III est mise en place à Hong-Kong, le studio souhaite profiter de la brèche via une palanquée de films roses. Et cette fois, le réalisateur reçoit un budget à la hauteur de ses ambitions pour adapter Yu Pui Tsuen, classique de la littérature érotique chinoise, déjà adapté de manière plus terre à terre par Ho Fan en 1986.
S’il conserve les grandes lignes du roman original (un érudit souhaite coucher avec moult femmes malgré sa bague au doigt), le récit bifurque rapidement vers le fantastique poétique. N’étant pas assez bien bâti, Mei Yeung Sheng se fait greffer un sexe de cheval afin de pouvoir satisfaire pleinement ses conquêtes. Roman écrit sous la dynastie des Qing au 17e siècle, l’œuvre possédait, époque oblige, un ton moraliste. Il est appliqué ici lors du final, renvoyant directement aux questionnements du héros en début de métrage, à propos d’une sexualité débridée. Penser pouvoir courir après des femmes mariées et fourrer son gourdin dans la première gourgandine venue sans craindre le moindre retour de bâton, c’était un brin naïf. Le Karma se chargera de lui rappeler.
Mak propose une première partie d’une efficacité redoutable, entre présentation des enjeux, désacralisation du sexe par l’humour et décors de toute beauté. On retiendra cette première fois très gauche entre Mei et son épouse Huk Yeung (la sublime Amy Yip), ou l’hilarante séquence de la greffe de pénis équestre, bourrée de gags outranciers et de malencontreux accidents. Souvent lourd et répétitif, l’humour hong-kongais parvient ici à s’imposer par petites touches, au cœur d’une histoire de fesses et de virilité mal maîtrisée. Ce besoin insatiable de conquêtes et d’avoir la plus grosse quéquette possible pour être performant, bien que sujet à la plaisanterie, raconte quand même pas mal de choses sur le sexe comme objet de compétition.

Sea, Sex and Zen
Dans sa seconde partie, le film ne raconte plus vraiment grand chose, si ce n’est le destin qui doucement se retourne contre son protagoniste. Le récit cale un peu, mais Mak en profite pour nous offrir un déluge visuel à nul autre pareil. À l’instar des films d’arts martiaux où le moindre contentieux se règle à coups de tatanes dans la tronche grâce à des scripts à la recherche de conflits permanents, Sex And Zen applique les mêmes principes au film en costumes érotique.
Tout n’est que course au plaisir, solitaire ou en duo, et même entre personnages du même sexe, chose pas si courante en 1991 sur nos écrans, encore moins à Hong-Kong. Le coït lesbien (évidemment) ne représente qu’une séquence, mais d’une charge érotique puissante, dévoilant les corps sculpturaux de ses deux actrices (Carrie NG et Isabella Chow à leur prime), qui après une longue partie de cisailles endiablées se retrouvent à partager une flûte pour deux, à quatre pattes, dos à dos.
Mak déploie un sacré sens de la démesure afin d’émoustiller les plus sensibles. S’appuyant sur des décors de studio travaillés, des couleurs à foison du plus bel effet et des filtres en pagaille, il cherche constamment à renouveler ses séquences érotiques dans un maelstrom d’images incessant. Les cadres soigneusement composés et les mouvements de caméra limpides (la photo est à tomber) décuplent la charge des ballets charnels.
On passe d’une séquence aquatique bouillante, jouant constamment du décalage entre la surface du bain à taille réelle et une vue sous-marine filmant des corps en plein acte comme au milieu de l’océan, à une fastueuse partie de jambes en l’air portée sur le food sex au milieu de larges étoffes multicolores. Sans oublier un passage quasi fantasmagorique de dominatrice, où pullulent les servantes nues, épuisant de sexe notre héros jusqu’à l’agonie, rappelant le faste du grand Caligula, les chibres à gogo en moins.
Bien que les tableaux offerts soient d’une imagination débordante, on regrette un peu ce côté vignettes qui s’enchaînent par rapport à une première partie plus équilibrée, drôle et enlevée. N’en reste pas moins un spectacle débridé trop rare dans la catégorie du film érotique, souvent torché en deux deux histoire de délivrer au spectateur son quota de nudité féminine. On sent ici une réelle envie d’aboutir à un film total, mariant aussi bien la fable moraliste à l’érotisme pur, que les intrigues de cour à l’humour potache de l’archipel. Décidément, ça branle toujours dans les bambous.



