Réalisateur : John Erick Dowdle
Année de Sortie : 2007
Origine : États-Unis
Genre : Dans La Tête Du Tueur
Durée : 1h26
Le Roy du Bis : 6/10
Thibaud Savignol : 6/10
Les Vidéos Interdites
D’où nous vient cette fascination morbide pour la mort ? Qu’est-ce qui pouvait-bien nous pousser à aller nous rincer l’œil sur des sites tel que Rotten lorsque nous étions adolescents ? Pour vous resituer, on y trouvait des clichés d’accidentés de la route, des meurtres violents, des combats de clodos, des génocides congolais et des photos des camps de torture de Guantanamo. Le genre d’images qui vous marquent à vie, à l’instar de la série animée Happy Tree Friends, où l’on s’amusait à regarder des petites créatures de la forêt s’entre-tuer violemment comme Itchy et Scratchy. Pas le genre de choses que l’on peut confier à n’importe qui. Ceux qui nous fustigent ne sont dans le fond pas si différents, puisqu’on les retrouve souvent affalés devant les émissions de Morandini. J’ai pour ma part grandi avec les enquêtes de Pierre Bellemare, les films d’horreur diffusés sur RTL9, et pendant que mon père buvait son café en lisant la rubrique faits divers de l’Est Républicain, je découvrais alors lycéen que les snuffs movies n’avait en réalité rien d’une légende urbaine. Au moins, le meurtre perpétré par Luka Rocco Magnotta aura eu le don de me dégoûter pendant un moment de cette curiosité malsaine.
Mais il est loin d’être le seul, puisqu’on dénombre pas mal de meurtres et perversions dans les contrées les plus reculés d’Europe de l’Est. En 2007, les maniaques de Dniepropetrovsk sévissaient au cœur l’Ukraine profonde, tuant des personnes vulnérables, des enfants, des personnages âgées ou sans abri, qu’ils prenaient par effet de surprise avec des objets tranchants ou contondants. Des meurtres d’une brutalité extrême, les corps étant retrouvés salement amochés, les yeux arrachés, mâchoires et crâne défoncés, au point que cela rendait très difficile le travail d’authentification. L’un de ces crimes sera même filmé et diffusé sur internet. Ce phénomène de voyeurisme ne date pas d’hier, puisque dès les années 70, plusieurs péloches issues du bis italien faisaient scandale pour le réalisme de leurs mises à mort, viols, tortures et sévices infligés aux acteurs (Salo ou les 120 Journées de Sodome, Cannibal Holocaust), à tel point que Ruggero Deodato devra s’en défendre au tribunal. Seules les violences faites aux animaux seront reconnues lors du procès. Quant à Pasolini, il n’aura pas la chance d’en témoigner puisqu’il finira roué de coups de bâton puis écrasé sous le poids de son Alfa Romeo.
The Poughkeepsie Tapes aura mis pas moins de douze longues années à débarquer sur nos écrans, précédé d’une réputation sulfureuse et d’une communication opportuniste et virale. Un site avait été créé pour l’occasion, le qualifiant comme «le Found footage le plus terrifiant de tous les temps» et autres arguments de vente destinés à choquer le chaland. Des superlatifs racoleurs et exagérés pour cette petite production des frères Dowdle, également responsables de Catacombes et du dispensable remake de REC (En Quarantaine). Sa rareté aura évidemment participé à façonner sa légende puisqu’on ne peut se le procurer que sur les réseaux de téléchargement. Il s’agit d’un faux documentaire, relatant les 2400 heures de cassettes vidéo d’un serial killer retrouvées par des enquêteurs. Le film joue de cette ambiguïté en alternant reconstitutions des faits, visites des scènes de crimes, faux témoignages de criminologues et familles des victimes.
Le plus intéressant étant les rushs diffusés par la police, où le tueur affublé d’un masque vénitien torture quotidiennement une femme retenue captive. Cheryl Dempsey développera avec le temps un syndrome de Stockholm et finira par éprouver une fascination obsessionnelle et un lien inextricable avec son bourreau, si bien que leur séparation sera vécue comme une vraie tragédie. Le duo de réalisateurs emploie beaucoup le hors-champ et finalement peu de gore, si ce ne sont les restes de quelques corps mutilés, comme le tête de cette homme enfoncée dans le corps d’une femme. Il y a une volonté manifeste à vouloir susciter la peur et l’effroi par la rétention d’images, ou bien en simulant des situations qui manquent souvent de naturel et qui peinent à trouver le juste équilibre. En résulte un manque de crédibilité de l’ensemble, d’autant que les profiler finissent surtout par dresser le portrait d’un grand génie du crime qui semblerait insaisissable pour les autorités : capable de faire accuser un innocent à sa place grâce à un intellect diaboliquement supérieur, une connaissance accrue du système judiciaire et pénale ainsi qu’une extrême précaution quant aux empreintes ADN qu’il pourrait laisser, y compris dans sa propre maison.
Le film peine ainsi à trouver le juste équilibre, même s’il parvient à compenser son manque de budget par quelques bonnes idées parfois mal exploitées. La vue subjective employée souffre par exemple de ses nombreux glitchs et parasitages, intempestifs et trop artificiels, pourtant destinés à renforcer l’inconfort de visionnage ainsi que l’effet «vérité» d’une bande magnétique détériorée. Reste que l’on ne juge pas un film pour ce que l’on aurait aimé qu’il soit, mais bien pour ce qu’il est réellement. Si on le replace ainsi dans le contexte de sa sortie anonyme en 2007, l’histoire s’avère suffisamment glauque et intéressante à suivre, bien que l’on sentira parfois une certaine lassitude poindre le bout de son nez. Ou bien peut-être finissons-nous simplement par devenir totalement insensible à la violence à force d’en regarder tous les jours sur nos écrans, c’est possible aussi.