
Réalisateur : Jay Cheel, Jordan Downey, Christian Long, Justin Long, Justin Martinez, Virat Pal et Kate Siegel
Année de Sortie : 2024
Origine : États-Unis
Genre : Compilation Sketchs Found Footage
Durée : 1h54
Thibaud Savignol : 7/10
E.T dégommage maison
La saga V/H/S poursuit son rythme effréné en sortant son septième épisode, le quatrième en quatre ans. Faisant suite à un V/H/S 85 profondément inégal (le talon d’Achille de la saga) mais traversé de moments sacrément barges (la traque du Dreamkiller), V/H/S Beyond embrasse pour la première fois une thématique commune. Si un seul segment fait bande à part (le moins réussi du lot), les quatre autres empruntent le chemin de la SF, tout en perpétuant la tradition gore et craspec de la série.
Départ canon
L’une des réalités propre au court-métrage est de frapper fort lors du final, n’ayant pas forcément le temps de développer une véritable dramaturgie. Si c’est par instants le cas de l’hexalogie V/H/S (la chute incongrue de Safe Heaven dans V/H/S 2), on note surtout un penchant pour la rupture de ton ultra-violente à mi-parcours. Un adage qui n’a sûrement jamais été aussi vrai qu’ici, tant chaque segment se plaît à bifurquer vers des extrêmes insoupçonnables lors des premières minutes.
Rappelons tout de même le contexte. Chaque épisode de V/H/S se divise en plusieurs sketches tous indépendants, uniquement liés par un fil conducteur commun ou tout du moins parallèle. On reviendra sur ce dernier plus tard, tant il apparaît pertinent après des années de Found footage en veux-tu en voilà.
Beyond sort les muscles dès son premier segment (Stork). Une équipe de chercheurs d’OVNI, version flics aux gros bras, se rend dans une maison supposément habitée par une présence alien. À peine le porche franchi que le spectateur est attrapé par le colbac et propulsé dans un véritable train fantôme 2.0. Des influences comme Resident Evil 7 ou REC 2 (les petites caméras portatives) se bousculent, pour nous plonger dans une pure transposition des mécaniques d’un FPS. Rappelant Bad Taste et ses envahisseurs friands de chair humaine ayant élu domicile au cœur d’une bâtisse reculée, aucun répit à l’horizon pendant 15 minutes presque ininterrompues de gunfights et mises à morts sanglantes. Avec en prime un triple kill à la tronçonneuse en vue subjective des plus jouissifs.

Direction ensuite l’Inde (Dream Girl), une première pour la saga après la Thaïlande de Tjahjanto dans V/H/S 94. Ici des journalistes découvrent qu’une actrice récemment devenue star du pays pourrait cacher un secret inavouable. On n’en relèvera rien. Seulement que malgré un départ un brin pataud, Virat Pal compense par une générosité gore à base de visages dépecés et de corps démembrés. Mais surtout, il mélange l’horreur aux frasques bollywoodiennes en exploitant son médium sous toutes ses formes. Étant sur le tournage d’une comédie musicale, le point de vue switche entre le caméscope des journalistes et les caméras de tournage. Il nous propose alors pour la première fois de la saga des images soignées en scope, l’antithèse du Found footage dévoué au 16/9 délavé.
Logiquement placé en pièce de résistance, à l’instar du moment de bravoure attendu, Live and Let Die apparaît comme le segment le plus réussi de cet opus, et l’un des plus impressionnants de la saga tout court. Un week-end festif autour d’un saut en parachute vire au cauchemar face à une menace extra-terrestre. Le rythme se veut soutenu dès son introduction et ce faux plan séquence ne s’arrêtera que lors du final majestueux. Le résultat est d’une intensité folle, bourré d’idées graphiques (la décapitation parachute saisissante) et techniquement sacrément abouti. On se ne remet pas de cette longue chute libre, aussi crédible qu’irrespirable et d’une seconde partie hystérique bien que toujours lisible et diablement perverse.
Une hétérogénéité salvatrice
Difficile de passer après un tel bloc furibard, et Fur Babies en fait forcément les frais, avec cette nounou pour chiens qui mène des expériences au-delà du sadisme. Les militants de la cause animale qui en feront les frais subiront des mutations canines à faire pâlir les chirurgiens les plus chevronnés. Si la durée trop courte et le final précité en font le vilain petit canard de cet opus, le duo de réalisateurs réussit malgré tout à créer un vrai sentiment de malaise, de l’introduction décalée jusqu’à la mise en pratique d’une body horreur repoussante comme il faut. On notera d’ailleurs la présence de Justin Long derrière la caméra, lui qui avait déjà fait les frais d’un médecin siphonné du bulbe dans le très grinçant Tusk.

À l’instar du segment Terror de V/H/S 94, l’ultime bobine Stowaway use d’un format VHS pur et dur, image baveuse et format 4/3 à l’appui. En lieu et place d’un vampire prophétique, une jeune journaliste investigue sur l’intérieur d’un vaisseau apparu au cœur du désert. Film d’un couple à la ville (Mike Flanagan à l’écriture et Kate Siegel à la réalisation), le résultat apparaît comme l’argument onirique, à même de conclure Beyond d’une manière plus rêveuse. Le sublime noir et blanc de la seconde partie évoque les expérimentations de Mandico, quant aux péripéties de l’héroïne c’est autant Freaks que La Mouche qui viennent à l’esprit.
C’est une mise en scène sensitive, inventive avec la caméra (la sensation d’apesanteur grisante) et sublimée par des éclairages aux mille scintillements qui transparaît à l’écran. Les deux tourtereaux poussent leur concept vers un jusqu’au boutisme rafraîchissant, jusqu’à ce plan final aussi déchirant que traumatisant. Face à ces accomplissements on devine (l’information est difficile à trouver) une augmentation non négligeable du budget suite à l’arrivée de la plate-forme Shudder à la production. Toujours beaucoup d’effets pratiques sont mis en avant, à l’image des maquillages et séquences gores très réussis.
Au-delà d’une succession de saynètes à l’efficacité terrassante, le fil conducteur se pose en véritable réflexion sur son propre genre. Des images amateurs vont bénéficier de l’analyse de différents experts quant à leur véracité, des plus croyants jusqu’à ceux s’étant fait une spécialité de débunker le moindre témoignage audiovisuel. Interrogeant directement notre propre croyance face aux représentations du réel, à une époque où l’œil humain est mis à mal par les technologies numériques, apparaît tout l’enjeu séminal du Found footage. Alors que Blair Witch avait réussi le pari fou de nous faire croire à sa diégèse filmique, 25 ans plus tard V/H/S Beyond dresse le bilan de décennies à espérer d’images qu’elles délivrent une vérité inatteignable autrement.