Réalisateur : David Gordon Green
Année de Sortie : 2022
Origine : États-Unis
Genre : Slasher Moderne
Durée : 1h51
Le Roy du Bis : 6/10
Thibaud Savignol : 4/10
L’Ombre du Mal
Toutes les bonnes choses ont une fin, y compris les plus mauvaises d’entre elles. Michael Myers avait fini plus bas que terre, roué de coups par la milice d’Haddonfield, humilié et même dévisagé, soit le sacrilège ultime pour une armée d’inconditionnels qui ne s’étaient déjà pas remis de la trahison opéré par Rob Zombie en 2007 d’humaniser ce tueur emblématique. Myers avait peut-être gagné en brutalité mais il avait perdu de sa puissante aura. Piqué au vif après avoir été traîné dans la boue, il s’était finalement relevé pour rendre les coups avant de s’évaporer au fond d’un égout. Quatre ans après sa disparition, le croquemitaine n’est plus qu’un vulgaire épouvantail qui ne fait plus peur à personne, pas même au SDF qui lui sert de voisin, réduit au statut de légende urbaine que l’on raconte pour effrayer les enfants à l’approche des festivités d’Halloween. Même Laurie Strode avait fini par passer à autre chose pour se reconstruire un semblant de vie équilibrée suite à la disparition de sa fille.
Après avoir maltraité son boogeyman plus que de raison à l’issue du précédent volet, David Gordon Green cherche à l’enterrer définitivement, moins pour lui offrir des funérailles digne de ce nom que pour clore une bonne fois pour toutes les velléités de ses producteurs, l’ayant déjà ressuscité à maintes reprises. Selon l’adage popularisé par Halloween 2 de Rick Rosenthal en 1978 et qui se propagera à toutes les sagas de slasher, une suite doit toujours être plus gore et violente que son prédécesseur. Il faut en offrir toujours plus pour forcer le spectateur, qui reste un consommateur, à revenir. Cette nouvelle trilogie produite par Jason Blum ne faisait pas exception avec Halloween Kills qui élevait son bodycount à plus de 30 victimes. Lorsque l’on atteint le treizième (et dernier ?) film d’une franchise qui tourne en rond et cède systématiquement à la même mécanique de prédation, il convient donc d’en prendre le contre-pied pour déjouer les attentes du public, quitte à se faire quelques ennemis.
Plutôt que d’offrir un affrontement épique et étiré entre Laurie Strode et Michael Myers, ce qui était déjà le sujet du premier opus de cette trilogie, David Gordon Green continue son entreprise de démystification et préfère s’attacher au cheminement intérieur de ses personnages (la guérison de Laurie, sa relation avec sa petite-fille et l’idylle de cette dernière avec Corey), ainsi qu’aux stigmates laissés sur la communauté qui porte désormais son fiel sur un nouveau bouc émissaire. Si la société a les monstres qu’elle mérite, le jeune Corey Cuningham a bien été enfanté par les habitants d’Haddonfield suite à une tragédie survenue le soir d’Halloween, un an après la disparition de Myers. A notre époque de surmédiatisation où chaque nouvelle actualité balaye instantanément la précédente, Corey sera donc la nouvelle cible de l’opprobre populaire. Il constitue le coupable tout désigné sur lequel les gens déverseront leur haine et mal être, rendus d’autant plus véhéments suite à la dépréciation d’une ville laissée à l’abandon.
Le réalisateur prend ainsi le risque de reléguer son croque-mitaine à l’arrière-plan, ici réduit à sa plus simple expression, comme l’ombre du mal tapie au cœur de l’environnement (les égouts), toujours présent dans la psyché des habitants. Cela a même fini par insuffler un climat de défiance hautement délétère comme un cancer grandissant de l’intérieur qu’il faudrait expurger. Halloween Ends s’attarde donc à introduire ce nouveau personnage enfermé dans une réputation de psychopathe, le poussant naturellement à devenir l’héritier de Myers et à en revêtir le masque iconique pour parfaire sa transformation. La présence de ce dernier ne tiendra d’abord qu’à une simple mais puissante métaphore.
Mais les obligations contractuelles et narratives pousseront le réalisateur à évincer son apprenti tueur au profit de papy Myers et ce malgré la justesse du portrait dressé. Les tourments de Corey, sa solitude et l’emprise d’une mère abusive évoquent le personnage de Henry Portrait of a Serial Killer, jusqu’au choix de l’interprète (Rohan Campbell) dont la ressemblance avec Michael Rooker n’était certainement pas le fruit d’une simple coïncidence. Peut-être aurait-il mieux valu que Myers meurt battu à mort à l’issue d’Halloween Kills. Cela aurait au moins permis de justifier sans heurt ni discussion le revirement comportemental de Laurie et enfin laisser la place à une nouvelle génération.
Si cette audace narrative devrait diviser et constituer une nouvelle trahison pour une frange de groupies, il convient de reconnaître que la transmission du mal était déjà au cœur de l’œuvre de Carpenter, de Halloween au Prince des Ténèbres. Il n’est donc pas si surprenant de retrouver Myers dans un si piteux état, puisque sa condition d’être surnaturel relève du pur fantasme des habitants, qui ont fini par lui accorder à tort (au même titre que les fans) une immortalité. Toutefois, l’acte de tuer lui permet de se régénérer (aussi bien sur le plan métaphorique que physique) mais surtout de continuer à alimenter son mythe propagé par l’hystérie collective.
Il importait néanmoins de respecter le traditionnel cahier des charges et d’offrir une porte de sortie à Laurie Strode. À l’instar de son personnage, Jamie Lee Curtis semble en avoir définitivement terminé avec la franchise ayant fait d’elle une icône. Quant à Michael Myers, celui-ci se verra offrir un dernier baroud d’horreur avant d’être divinisé dans un rite sacrificiel sans espoir de retour. À moins de le retrouver dans un cross over avec Jason et Freddy jusqu’en enfer, il ne fait aucun doute que ses restes pulvérisés devraient fertiliser le terreau d’une nouvelle génération de psychopathes (idée esquissée par un groupe de jeunes harceleurs plus tôt dans le métrage) et travailler l’imaginaire opportuniste de ses producteurs pour faire germer un nouveau croquemitaine avec ou sans son masque.