Réalisateur : Stuart Gordon
Année de Sortie : 1995
Origine : États-Unis
Genre : Horreur Châtelaine
Durée : 1h30
Le Roy du Bis : 7/10
Thibaud Savignol : 6/10
La Peau sur les os
Ils s’étaient donnés rendez-vous dans dix ans, ou presque… Charles Band alors en mal de grand films à ajouter à son catalogue de production réunit une fois de plus l’équipe gagnante derrière Re-animator et From Beyond (Brian Yuzna en moins après s’être définitivement brouillé avec lui), autour d’un nouveau projet né d’un simple visuel promotionnel, où il est question d’un château hanté par une créature. Lors de l’écriture du scénario, Stuart Gordon voit l’occasion d’y greffer une nouvelle lovecraftienne (The Outsider), en reprenant cette idée d’un homme rendu amnésique après avoir vécu toute sa vie enfermé dans son château, avant d’apercevoir son reflet monstrueux dans un miroir.
Bien que le magnat ait perdu les studios Dinocita suite à la faillite d’Empire Pictures, le film se tournera en Italie près de Rome dans un château ayant déjà servi de décor pour The Pit and the Pendulum du même Gordon, et qui serait d’ailleurs, selon la légende relayée par ce dernier, hanté par le fantôme d’une petite fille que l’on entend parfois la nuit. Le couple Barbara Crampton/Jeffrey Combs rempile également devant la caméra autour de ce récit d’épouvante-horreur largement influencé par le gothique italien, et les films de la Hammer. L’ambiance est donc beaucoup plus sombre et posée, tandis que la mise en scène s’avère bien plus académique que par le passé.
L’histoire s’intéresse à l’emménagement d’une famille dans un château dont elle vient d’hériter. Comme souvent, Jeffrey Combs crève l’écran dans le rôle de ce mari torturé intérieurement, qui porte tout le poids de la culpabilité de la mort de son fils, devant quotidiennement supporter les brimades d’une femme qui ne lui offre plus aucun réconfort, alors qu’il espérait innocemment que cette paisible retraite leur permettrait de donner un nouvel élan à leur vie amoureuse. Barbara Crampton n’est pas en reste dans le rôle de cette mère surprotectrice avec sa fille qui est devenue aveugle suite à l’accident provoqué par une inadvertance de son père au volant alors qu’il était alcoolisé. Rebecca, interprété par Jessica Dollarhide (disparue des écran depuis), tente bien de démêler les conflits entre ses parents et de temporiser, tout en souffrant elle aussi d’une condition qui la prive de son adolescence. Elle est comme un oiseau emprisonné dans une cage qui n’a absolument rien de dorée.
L’humeur n’est donc pas au beau fixe, et les rapports vont d’autant plus s’envenimer suite à la présence importune d’un intrus squattant les geôles du sous-sol depuis plusieurs décennies. Pour palier à cette intrigue souffrant d’une certaine linéarité narrative, Stuart Gordon choisit de dépeindre cette structure familiale dysfonctionnelle ainsi que leurs états d’âme, tout en cherchant à exploiter la richesse de son environnement pour insuffler une atmosphère lugubre et oppressante. Il profite des nombreuses déambulations de couloirs baignées de clairs obscurs dont il amplifie également les effets sonores, afin de faire monter graduellement la tension non sans un certain classicisme.
L’autre star du film c’est Jonathan Fuller, l’interprète de Girgio, monstre pathétique dont le look et le comportement semblent tout droit hérités du cannibale du Métro de la Mort de Gary Sherman et des enfants non désirés du Sous-sol de la Peur de Wes Craven. De la même manière que les deux œuvres précitées, la créature en question n’est qu’un pauvre hère n’ayant plus que la peau sur les os à cause d’un régime au pain sec et à l’eau, victime d’une mère violente et abusive qui ne lui offrait que de violents coups de fouet dans la gueule. Il continue d’en porter les stigmates sur son corps mutilé et son visage balafré, recouvert d’un draps blanc, lui permettant en partie de cacher ses difformités. Face à cette bien maigre pitance il va d’abord désosser le chat errant qui lui ôtait le sauciflard de la bouche, avant de briser ses chaînes pour enfin gambader en toute liberté dans les dédales du château.
Ses tentatives de sociabilisation vont toutes échouer face à l’incompréhension et la peur des résidents, avec lesquels il ne parviendra jamais à communiquer. Exception faite de la violence, ou bien en reproduisant intimement ce qu’il a pu observer d’eux, comme lors de coït ensanglanté avec une prostituée (un clin d’œil appuyé à Re-Animator), à qui il arrache des dents le sein maternel, dans lequel le mari frustré été venu lui aussi se soulager. Les fans nostalgiques qui s’attendaient certainement à retrouver l’ambiance délurée et le gore grand guignolesque de Re-Animator seront quelque peu déconcertés par le virage opéré. Le réalisateur expérimenté cédera néanmoins à l’appel du sang et de l’érotisme, avant de livrer un dernier quart d’heure cauchemardesque, permettant d’imposer Castle Freak comme l’un des films les plus dérangeants de sa filmographie.