
Réalisateur : C. Courtney Joyner
Année de Sortie : 1994
Origine : États-Unis
Genre : Créatures Voraces
Durée : 1h16
Le Roy du Bis : 6/10
Creeping Death
Il est parfois de ces films qui auraient mérité un meilleur traitement ou bien un réalisateur différent. Si l’on doit plusieurs des meilleures œuvres lovecraftiennes portées sur grand écran aux studios de Charles Band (Re-Animator, From Beyond, Castle Freak), Lurking Fear ressemble à une mystérieuse anomalie totalement tombée dans l’oubli. À l’origine destinée à Stuart Gordon, cette adaptation de l’une des plus célèbres nouvelles de Lovecraft fut remisée au placard suite à la banqueroute d’Empire International Pictures, avant d’échouer dans les mains du scénariste C. Courtney Joyner (Trancers 3) quelques années plus tard.
Le Sous-sol de la Peur
Comme un large contingent des productions Full Moon de l’époque, le film fut tourné à Bucarest au sein du Castle Films Studios. Cela permettait à Charles Band de faire des économies substantielles (environ 70%) en raison des avantages fiscaux associés. De la nouvelle d’origine, le réalisateur ne conservera que le mystère autour de la famille Martense et ces fameuses goules tapies dans les sous-sols de la ville, allant de maison en maison, passant par les fondations et les grilles d’aération pour attaquer les habitants et dévorer leurs enfants. Mais plutôt que de réaliser une œuvre orientée épouvante-horreur comme le fera Gordon avec Castle Freak, C. Courtney Joyner préférera livrer un film d’action crépusculaire dans la lignée d’Assaut de John Carpenter.
L’histoire tournera donc autour de John Martense, un ex-taulard se voyant confier la mission de récupérer le butin d’un braquage que son père avait planqué dans le corps d’un défunt, enterré dans une tombe du cimetière de Leffert’s Corner. Il s’agit d’une ville fantôme dans laquelle les derniers habitants tentent de combattre des créatures sortant de leur tanière la nuit tombée. Mais une cohorte de gangsters compte bien remettre la main sur le magot qui leur appartient.

Tout ce petit monde va donc se retrouver au cœur d’un chassé-croisé afin d’échanger coups, noms d’oiseaux et volées de plomb. La situation poussera les forces en présence à se réfugier au cœur d’une église pour tenter de résister aux attaques d’un ennemi commun, qui ne fait aucune distinction de camp. Le scénario évoque à bien des égards Une Nuit en Enfer, bien que le film de Robert Rodriguez ne sortira que deux ans plus tard. D’ailleurs, Quentin Tarantino jure l’avoir écrit des années plus tôt. On veut bien le croire.
Que serait une adaptation lovecraftienne sans la présence de Jeffrey Combs au casting ? A l’instar de Bela Lugosi en Dracula, ou de Boris Karloff avec Frankenstein, on peut légitimement l’associer à l’univers du maître de Providence, qu’il interprétera avec son faux menton dans le cadre de l’anthologie Necronomicon. Le comédien était à la Full Moon ce que Peter Cushing fut à la Hammer. Vincent Schiavelli, Jon Finch, Blake Adams et Paul Mantee s’ajoutent à la distribution avec quelques donzelles armées de gros calibre, notamment une plantureuse femme fatale (Allison Mackie, une simili Sharon Stone) ainsi qu’une brunette en mission commando (Ashley Laurence).
Règlement de comptes à Leffert’s Corner
Si la bande annonce tonitruante rythmée par des détonations et des explosions promettait un divertissement méchamment burné, il n’en sera finalement rien. Les survivants restent le plus souvent recroquevillés dans l’église, à attendre la prochaine attaque soudaine et sournoise, du moins, quand ils ne chercheront pas à s’écharper pour reprendre le contrôle de la situation. En dépit d’une durée resserrée d’à peine 80 minutes, et d’une poignée de scènes d’action (fusillades, bastons, cœur dépoitraillés), C. Courtney Joyner peine à faire décoller son intrigue en raison d’une mise en scène assez peu inspirée et dénuée de toute tension.
Le réalisateur n’arrivera jamais à véhiculer le sentiment d’urgence et d’effroi nécessaire (la séquence dans la crypte servant de point d’orgue au récit est assez représentative), préférant dynamiter l’entreprise à grand renfort d’effets pyrotechniques. Finalement Lurking Fear se résume à son combat de catch entre greluches dans la boue, ses goules mono-expressives confectionnées par Michael Todd que le cinéaste peine à mettre en valeur, et sa série d’explosions finales qui à ont dû coûter au moins la moitié du budget. Nous ne pourrons donc qu’amèrement regretter le choix du metteur en scène, surtout en considérant le travail de Stuart Gordon opéré sur Dagon quelques années plus tard (une autre adaptation lovecraftienne cette fois tiré du Cauchemar d’Innsmouth), un survival effrayant, gore et sans concession.